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mis à jour le 06/01/2016
Au lycée polyvalent Le Mans Sud, un module d’accompagnement personnalisé en seconde générale et technologique alterne temps de témoignages (étudiants–lycéens puis lycéens-collégiens) préparés et encadrés par l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville), avec des séances pour connaître les filières, animées par les conseillères d’orientation-psychologues.
mots clés : échanger, orientation, témoignages, accompagnement personnalisé
ans cet établissement, l'accompagnement personnalisé s'organise autour de quatre à cinq sessions annuelles, selon le calendrier. “Lors de chacune d'elles, une vingtaine de modules se déploient en parallèle. L'offre est variée, jamais figée d'une année sur l'autre", précise P. Mellarede, enseignant coordonnateur du dispositif. Les groupes sont constitués d’élèves volontaires, à partir de vœux (voir l'article Échanger sur l'organisation du dispositif) préalablement émis. Des modules d’orientation ciblés existent. Ils permettent aux élèves de découvrir les spécificités d’une série, les sciences de l’ingénieur, la première scientifique ou la robotique, par exemple. Toutefois, en seconde, certains élèves restent très hésitants quant à leurs choix à venir ; d'autres n'ont pas encore conscience des enjeux liés à ces décisions d'orientation à prendre quelques mois plus tard. “Par ailleurs, complète E. Sauvage, proviseur-adjoint, il peut arriver que des élèves ne poursuivent pas leurs études au-delà du baccalauréat, par manque d'anticipation ou de compréhension des procédures certes complexes. D’autres n’envisagent que deux années d'études. Il existe comme une autolimitation de l'ambition. L'accès aux grandes écoles est, par exemple, peu envisagé. Nous souhaitions casser ces représentations d’études postbaccalauréat considérées comme inaccessibles. Cette préoccupation est d’ailleurs un axe de notre projet d’établissement. Cette formation générale sur l'orientation répond donc à un réel besoin de nos lycéens et donne tout son sens à l'accompagnement personnalisé". Un diagnostic pertinent au regard de la demande des élèves de seconde : environ 30 % d'entre eux souhaitent, sur un de leurs trois premiers vœux, suivre ce module. Comment permettre aux lycéens de mettre en perspective leur propre parcours, de réfléchir à sa cohérence, d'anticiper pour faire des choix éclairés ?
Proposé pour la deuxième année, ce module d'accompagnement personnalisé se déroule au second trimestre. Fin janvier, des étudiants bénévoles de l’AFEV 1 viennent témoigner auprès de vingt élèves de seconde générale et technologique, tous volontaires pour suivre cette formation de douze heures (deux heures hebdomadaires durant six semaines). La rencontre vise à confronter la perception qu'ont les lycéens de l'enseignement supérieur aux réalités dont témoignent les étudiants. Dans un premier temps (séance 1), ceux-ci évoquent leurs parcours respectifs, apportent des informations sur la filière qu'ils suivent. Puis, ils font part de leur expérience estudiantine au quotidien (séance 2) : comment ils s'organisent dans leur travail, où ils logent, comment ils gèrent leur temps… Les séances sont fondées sur l’échange, loin d'une approche magistrale. Chaque aspect de la vie étudiante fait l'objet d'un atelier, en groupes. Les langues se délient ainsi plus facilement ; l'objectif étant de susciter des questions spontanées de la part des lycéens. Le point de départ de la discussion repose sur une brève activité qui permet aux lycéens de se sentir concernés, et aux étudiants d'apporter un témoignage distancié. Ce sont différentes petites animations grâce auxquelles le contact et l’échange s’opèrent de façon ludique. Quel métier souhaitais-je exercer quand j'étais enfant ? Et maintenant ? Et dans mes rêves ? Ce petit quiz permet par exemple de faire connaissance tout en entrant dans le vif du sujet. Qu'est-ce qu'un UFR (Unité de formation et de recherche) ou une BU (Bibliothèque universitaire) ? Les sigles liés au monde universitaire, ces “mots barbares”, font l'objet d'un court jeu de questions / réponses. Les échanges s'appuient ainsi sur un panel d'activités pensées et préparées par l'AFEV, partenaire du projet. Elles permettent d'envisager concrètement l'enseignement supérieur et de rassurer, en brisant au passage quelques a priori.
Ces informations donnent des repères de base sur les études postbaccalauréat, ouvrent pour certains lycéens un champ de possibilités nouvelles. Et pourquoi pas moi ? Où en suis-je dans mon parcours ? Quelles possibilités me sont offertes ? L'intitulé du module, “Collégien hier, étudiant demain”, prend alors tout son sens. Ces deux séances introductives en compagnie des étudiants paraissent des stimuli efficaces qui font émerger des questionnements. Les conseillères d'orientation-psychologues du lycée prennent alors le relais pour assurer deux séances de formation sur la connaissance des filières et diplômes. Les lycéens sont informés qu'ils transmettront, dans un deuxième temps, leur expérience auprès de collégiens en classe de troisième. Ce module propose donc un parcours de formation innovant qui place les élèves au cœur d’une dynamique de réflexion autour de leurs choix d’orientation, passés et à venir. Il mise sur la transmission, l'impact sécurisant de l'échange entre des élèves à différentes étapes de leur scolarité. La parole est fondatrice de ce dispositif, la verbalisation en tant qu'outil de prise de conscience et de distanciation permet de prendre acte des enjeux liés aux choix d'orientation, et corollairement, de porter un regard sur son propre parcours (voir annexe).
La formation mobilise différents membres de la communauté éducative, associés à l'AFEV, association d’éducation populaire, qui organise et accompagne les étudiants dans l’animation des séances. Dans le cadre du programme intitulé “Vers la démocratisation de l'enseignement supérieur” en partenariat avec la région Pays de la Loire, l'association forme, depuis 2011, des étudiants bénévoles à l'animation d'ateliers de témoignages, afin de faciliter la projection des plus jeunes. Elle se met à la disposition des collèges et lycées pour organiser la rencontre. “C'est le plus souvent une intervention ponctuelle en lien avec un projet de classe" , explique C. de Landevoisin, chargée de développement local à l’AFEV (antenne du Mans). Dans le module d'accompagnement personnalisé, ce temps d'échange s'inscrit dans un processus. Il fonctionne comme une mise en situation stimulante, qui donne du sens à la formation sur les filières et diplômes, assurée ensuite par les conseillères d'orientation-psychologues du lycée. Lors de ces deux séances centrales, les jeunes lycéens effectuent un travail de recherche et de réflexion sur leur projet. L'équipe en charge du module souhaitait valoriser ce travail fécond. En amont, un bilan mené par l'AFEV auprès des étudiants bénévoles mettait en valeur les bénéfices induits de cette expérience : apprendre à parler de soi devant un public, savoir valoriser son parcours. Des acquis précieux pour leur avenir ! En prolongement, “Nous avons donc souhaité que les lycéens puissent devenir ressources à leur tour, auprès de collégiens”, poursuit C. de Landevoisin.
Les deux séances encadrées par les conseillères d'orientation-psychologues sont, comme les rencontres, fondées sur l'échange. “La réflexion partagée entre pairs, sécurisante, permet progressivement aux élèves de prendre conscience qu'ils ne sont pas au lycée seulement pour passer le baccalauréat”, explique V. Jouanno (Cop). Lors de la première séance, les élèves travaillent en groupes pour faire le point sur leurs représentations des voies de formation. Il s'agit de reformuler les questions qui ont émergé à la suite des témoignages de leurs aînés. Par exemple, un groupe s'interroge : “Si je suis une voie scientifique, quels types de métiers sont à la clé ?”. Les conseillères d'orientation-psychologues s'appuient sur les réponses proposées par les autres élèves. Elles partent de leurs représentations parfois erronées ou approximatives pour leur faire découvrir les diplômes, notamment les différents baccalauréats, leurs spécificités et points communs, ainsi que les possibilités d'études supérieures afférentes à chacun. S'ils ne posent pas forcément de questions inhabituelles, les lycéens, stimulés par les témoignages de leurs aînés, sont en revanche bien plus impliqués dans la formation que lorsque le travail se fait par une séance d'information générale formalisée dans toutes les classes de seconde. L'objectif de la deuxième séance est d'amener l'élève à réinvestir ses connaissances toutes neuves dans son projet personnel. À partir d'un questionnaire d'intérêts, les jeunes lycéens réfléchissent à un choix de baccalauréat et, pour certains, à une continuité dans l'enseignement supérieur. Ils découvrent à cette occasion comment naviguer sur le site de l'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions) pour accéder aux informations qu'ils recherchent.
Les intervenants sont unanimes, ce module suscite une implication assortie d'une prise de conscience que les lycéens n'avaient probablement pas anticipées. Les deux séances inaugurales donnent le la. Ce double temps d'échanges est véritablement déclencheur. Les lycéens expliquent se sentir plus proches des étudiants que des adultes, ils accordent davantage de valeur au discours de leurs aînés. “Nous parlons le même langage, nous nous sommes sentis à l'aise et avons pu poser toutes les questions sans freins”, soulignent certains 2. Mais il leur faut un temps de latence avant d'être capables à leur tour de devenir ressources, celui de la réflexion portée par les séances encadrées par les conseillères d'orientation-psychologues. Quand se profile la dernière étape du module, tous les élèves se sentent légitimes pour être à leur tour formés à l'animation d'un atelier au cours duquel ils présenteront leur propre parcours aux collégiens. Une séance de deux heures est consacrée à la préparation de la rencontre. “Nous proposons aux élèves des outils ludiques et spécifiques qui vont permettre de lancer les échanges dans les ateliers”, explique C. de Landevoisin. Les lycéens connaissent ces petits jeux qu'ils ont pratiqués lors de leur rencontre avec les étudiants. Mais il faut définir avec eux les contenus à aborder et décliner les activités en conséquence. Les élèves choisissent en général d'aborder les doutes et les craintes qu'ils avaient avant d'arriver au lycée, celles qui se sont dissipées, celles qui persistent. “À partir des éléments établis, on écrit des petits cas pratiques en changeant les prénoms des élèves, comme une petite histoire à énigme à proposer aux collégiens”, poursuit C. de Landevoisin. À la rentrée, un jeune garçon se trouve isolé de son groupe d'amis. Un autre paraît un peu perdu, ne sait pas se repérer dans son emploi du temps. Une jeune fille se sent dépassée par la masse de travail, ne s'accorde plus aucun loisir. Que faire ? Des pistes de réponses sont établies lors de la séance préparatoire. Les adultes de l'AFEV se chargent de l'animation de la séance (introduction, présentation, gestion du temps, organisation des groupes). Ces cas pratiques suscitent les échanges et le jeune lycéen témoigne de son expérience au fil de la discussion. Devenu expert, il donne des éléments pour rassurer, dédramatiser. Au moment où il parle, il est alors capable de donner son avis sur cette situation dépassée.
Le collège Alain-Fournier du Mans, classé en réseau d’éducation prioritaire, s'est inscrit dans le projet. Vingt collégiens de troisième se déplacent au lycée une demi-journée au mois de mars. Le conseiller principal d'éducation les accueille. Présentation et visite de l'établissement sont au programme. La rencontre avec les élèves de seconde dure ensuite une heure trente ; elle constitue la dernière séance du module. Qu’est-ce qu’être lycéen ? A. Coué, principal-adjoint du collège Alain-Fournier, remarque que la verbalisation distanciée des élèves de seconde est la clé de la réussite de la rencontre. “Les vingt collégiens sortent stimulés et rassurés”, complète-t-il. La rencontre a lieu début mars, à un moment où la réflexion quant au choix d'orientation en lycée général et technologique, en lycée professionnel ou par l'apprentissage, approche. Mais tous les élèves de troisième ne peuvent assister à la rencontre. “La priorité aurait pu être donnée à ceux qui souhaitent aller en lycée général et technologique, mais nous avons décidé de proposer cette rencontre aux élèves encore hésitants, ceux qui ont besoin d'une aide pour faire mûrir leur réflexion, qui se demandent s'ils auront leur place au lycée ou même s'ils ont envie d'y aller. Il s'agit de leur donner confiance, qu'ils se sentent capables de franchir le pas”, poursuit le principal-adjoint. “Quel que soit le choix final de l'élève, la résonance des témoignages est importante”, précise A. Coué. Finalement, c’est un jeu de miroirs qui s’installe ; entre les étudiants et les lycéens, puis entre les lycéens et les collégiens. Les élèves réalisent que, quelle que soit l’étape de leur parcours d’orientation, ils partagent les mêmes peurs : perdre ses repères, manquer de temps, échouer ou ne pas être en phase avec ses aspirations.
“Le module est efficace pour les élèves qui ont du mal à se concentrer, à se prendre en mains, remarque E. Sauvage. En ce sens, notre objectif est atteint”. Les jeunes lycéens en sortent plus ouverts, cernent les enjeux de leurs décisions d'orientation. “Plusieurs jeunes filles discrètes se sont montrées très actives au cours de la formation, une relation de confiance et de proximité s'est instaurée”, note V. Jouanno. Au lycée, la plupart des élèves ont conforté leur choix de série en première, mais avec une perspective de poursuite postbaccalauréat. “Ça m'a donné confiance en moi, en mon futur”, relate un élève. Le module a permis de convaincre quelques autres de changer de voie. Cela a été le cas pour deux élèves doublantes qui ont pris la décision de se réorienter en lycée professionnel. “Nous envisageons aussi ce dispositif comme le début d’un chemin à parcourir pour faire ensuite le choix de l'enseignement supérieur. Il est trop tôt pour mesurer si nos élèves en sortent plus ambitieux. Nous le saurons plus précisément dans deux ans, quand ils seront en terminale. Nous envisageons d'ailleurs de les solliciter alors pour qu'ils viennent témoigner auprès des futurs secondes”. Les acteurs du module sont tous partants pour reconduire ce travail qui active des liens inédits, de l'université au collège, au service d'une orientation réussie.
N. Le Rouge
contributeur(s) :M. Coué, Mme Esvan, Mme Jouanno, Mme de Landevoisin, M. Mellarede, M. Sauvage, LP Le Mans sud [72]
information(s) technique(s) : pdf
taille : 597 Ko ;
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