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hugues blineau
Des questions sur l'image vidéo et sa matérialité pour mieux aborder l'oeuvre de Bill Viola et l'histoire du médium.
Bill VIOLA
Heaven and Earth
installation vidéo
1992
Comme d'autres artistes utilisant le même médium Bill Viola aura au fil du temps créé ses oeuvres en prenant en compte l'évolution constante des techniques de captation, de montage et de diffusion de la vidéo. Une évolution technique qui représente aussi un changement de paradigme, car à l'image analogique, réductible, s'est substituée l'image numérique, reproductible et multipliable sans perte d'information ; avec comme conséquence la mise à jour de nouveaux enjeux perceptifs que l'artiste lui-même anticipa et théorisa dans certains de ses textes dès le milieu des années 80.
Le spectateur – et l'élève de Terminale en Option facultative Arts Plastiques – qui visionnera The Reflecting Pool ou Chott El-Djerid pourra ainsi être plus particulièrement sensibilisé au fourmillement de l'image vidéo, à sa fluidité, à sa vibrance ou sa saturation colorée ; en clair à sa matérialité spécifique que les reproductions photographiques ne donnent pas toujours bien à voir (tout comme les documents forcément parcellaires dont les enseignants et les élèves disposent en vue de l'épreuve du baccalauréat). Une matérialité bien différente en tout cas de l'image en haute définition, infiniment plus précise perceptuellement et optiquement, bien présente dans les installations de l'artiste américain réalisées depuis la fin des années 90, comme The Quintet of the Astonished (2000), The Raft (2004) ou Going forth by Day (2005). Notons qu'au delà des seuls enjeux esthétiques, cette évolution technique témoigne bien aussi de nouveaux rapports au réel, d'un réel irrémédiablement “modifié” par l'interface homme-machine. Comme l'explique l'artiste dès 1991:
“la haute définition signifie une précision plus grande. C'est la station suivante dans un long parcours. Il faut d'abord se rendre compte que la réalité même n'a pas de précision. La précision est l'une des caractéristique de l'image”1.
Il sera tout aussi intéressant de noter que ce changement de nature d'image s'accompagne également chez Bill Viola d'une évolution stylistique et thématique - de l'interrogation sur un présent perçu à la sacralisation du passé -. Les expérimentations des débuts et la multiplicité des recherches autour du montage en particulier - comme celles présentes dans The Space Between the teeth (1976), véritable manifeste de son auteur -, ont peu à peu laissé place aux longs plans-séquences jouant sur la vitesse de défilement des images, et singulièrement le ralenti, devenus les traits communs de la plupart de ses oeuvres récentes. Cette évolution s'est aussi accompagnée d'une redéfinition des modalités de présentation des oeuvres : alors que les monobandes des débuts, diffusées dans les festivals d'art vidéo voisinaient avec les installations à plus ou moins grande échelle, celles-ci ont disparu au profit d'oeuvres monumentales, aux dimensions de la salle du musée spécifiquement modifiée pour l'occasion. Une mise en espace qui amène le spectateur – souvent plongé dans la pénombre - à une confrontation visuelle, physique, d'une rare intensité.
Ouverture à d'autres oeuvres: une chronologie de l'Art Vidéo à partir des thématiques présentes dans l'oeuvre de de Bill Viola.
Pour compléter l'approche menée en classe, les enseignants d'Arts Plastiques pourront établir des liens – et en particulier sur la question de la présentation – avec d'autres oeuvres d'artistes importants de l'Art vidéo. Appartenant à la génération suivant les grands pionniers (Wolf Vostell, Nam June Paik), Bill Viola – comme ses pairs Gary Hill et Peter Campus - s'est interrogé dès le début de sa carrière sur les potentialités expressives du médium (perception, durée, rapport au cadre, espace sonore) et ses effets liés autant à la prise de vue qu'au montage et parfois même cumulatifs (superposition, incrustation, vitesse, ellipse,...). Expressivité, porosité des genres et des expériences perceptives : ces notions restent bien présentes sous de multiples formes dans nombre d'oeuvres actuelles, y compris pour certaines n'appartenant pas forcément au domaine spécifique de l'Art Vidéo (comme l'a encore prouvé il y a peu le “Studio Venezia” de Xavier Veilhan réalisé par l'artiste français en 2017 pour la Biennale de Venise). Celles-ci pourront bien être exploitées par le professeur d'Arts Plastiques, pour élargir l'étude de l'oeuvre de Bill Viola, en particulier autour de l'idée de perception, de temporalité, ou bien d'expérience physique “augmentée” de la part du spectateur.
Gary HILL, Médiations, 1986
Pour aller plus loin: quelques repères thématiques à partir d'un choix d'oeuvres de Bill Viola.
Aux origines de l'Art Vidéo :
Images du Corps :
Vertical Roll de Joan JONAS (1972) et Three transitions de Peter CAMPUS (1973), à mettre en relation avec Junkyard Levitation (1976) et Moonblood (1977-79), autour des notions de fragmentation, de double et de miroir.
Joan JONAS
Vertical Roll
1972
Installations Vidéos et Espace perceptif
une frise chronologique interactive pour avoir quelques repères.
dossier Bill VIOLA
arts plastiques - InSitu - Rectorat de l'Académie de Nantes