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répliques à Duchamp

mis à jour le 21/03/2015


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Comment se saisir d'une œuvre emblématique ?

mots clés : ready-made, objet, warhol, duchamp, trompe l'œil, oeuvre


 
 

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Marcel DUCHAMP, Fountain, 1917
urinoir en f
aïence blanche recouverte de glaçure céramique et de peinture, ready-made
63 × 48 × 35 cm, MNAM, Paris
3ème réplique, réalisée sous la direction de l'artiste en 1964 par la Galerie Schwarz.

Andy WARHOL, Brillo Box, 1964
sérigraphie et peinture polymère sur bois, 44 x 43 x 33,5 cm
 
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Premier temps (1917) : Anonymat (mais pseudonyme R.Mutt), objet trivial détourné, provocation, passage du multiple à l'unique, remise en cause des catégories de l'art.
Deuxième temps (1964) : Indécidabilité, ouverture et indétermination du concept d'art (selon Thierry de Duve, Au nom de l'art. Pour une archéologie de la modernité, éd. de Minuit, 1989), réplique de ready-made, le musée valide le geste de l'artiste.


Nature morte tridimensionnelle, volume peint non signé, imitation, trompe-l'œil, notion d' « indiscernable » visuellement (selon Arthur Danto, L'art contemporain et la clôture de l'histoire, éd. Seuil, 2000), leurre (faire croire à un détournement d'objets industriels ; du supermarché à la galerie d'art), provocation, fac-similé, faux ready-made, la galerie devient un supermarché.

 
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Avant d'analyser l'œuvre de Warhol, revenons à Fountain de Marcel Duchamp.
Faire une analyse plastique d'une telle œuvre n'a pas, à priori, de sens dans la mesure où Duchamp cherche à tester les organisateurs du Salon des Indépendants à New-York, dont il fait d'ailleurs lui-même partie.
Par son choix dadaïste et provocateur d'envoyer un urinoir (certes renversé, signé et daté), Duchamp tend à prouver que le monde de l'art n'est pas si ouvert que cela et se comporte en juge, en censeur, alors même que le principe organisateur du Salon était d'accueillir tout un chacun moyennant finance.

L'enjeu d'une telle œuvre est pour Duchamp non plus esthétique mais bien éthique. Son choix d'un objet de plomberie malgré ses dires n'est pas anodin. Il fait bien livrer un urinoir en temps qu'œuvre qu'il a pris soin de signer R.Mutt, pseudonyme occasionnel et signe intentionnel de revendication esthétique feinte. La notion de leurre est donc bien présente ici chez Duchamp. Leurre-canular qu'il fait valider dans la revue The Blind Man où est présentée son œuvre photographiée par Stieglitz. Nous pouvons y lire ce passage instructif : « M Mutt (...) prit un objet ordinaire de la vie et le plaça de telle manière que sa signification utile disparût derrière son nouveau titre et angle de vision - il créa une pensée nouvelle pour cet objet ». Il abolit la valeur d'usage d'un objet donc en fait une œuvre d'art.

Pour autant nous savons que cette œuvre qui fut égarée, réapparaît presque 50 ans plus tard mais en tant que réplique (1). Preuve du peu d'importance que Duchamp donne à la chose même. Le ready-made se trouve alors désactivé de sa fonction initiale de leurre au profit d'une relique, un vrai-faux ready-made. Le musée la sacralise aujourd'hui en la protégeant contre toute agression sous un verre transparent.
 
Après l'officialisation, au milieu des années 60, d'un nouveau paradigme artistique nous pourrions penser que le ready-made duchampien se refermerait sur lui-même. En fait ce sont les artistes du Pop Art qui vont s'en emparer.

Note :
(1) Véronique Mauron, Le signe incarné. Ombres et reflets dans l'art contemporain, éd. Hazan, 2001, p. 90-94
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Warhol ne prolonge-t-il pas le geste duchampien ?


Le geste warholien est exemplaire à ce titre et c'est en comparant les Boîtes Brillo avec Fountain de Duchamp que nous verrons une forme de dépassement du ready-made. 

Intéressons-nous, en premier lieu, à la matérialité de cette œuvre. En fait on pourrait aisément constater qu'il s'agit d'un cube en bois peint ou plutôt sérigraphié. Cette forme minimale par excellence symbole de l'intelligence humaine, apparaît comme la reproduction à l'échelle 1:1 d'une vulgaire boîte de d'emballage de tampons à récurer (le ready-made ?). Pour autant, l'imitation n'est pas parfaite (la présence de rabats en carton n'a pas été prise en compte). Le cube est totalement fermé sur lui-même. Par contre la reproduction sérigraphiée de la marque de lessive avec son logo (couleurs, graphisme, typographie) est faite à l'identique, La copie semble parfaite, même si sur certaines boîtes des bavures semblent indiquer le côté plus artisanal de l'impression (1).

C'est la question de la réception de l'œuvre qui va nous aider à faire un parallèle avec l'œuvre de Duchamp. Si nous restons sur une logique strictement esthétique, nous pourrions avancer l'idée que cette œuvre répondrait aux caractéristiques de la sculpture peinte (volume peint qui imite un référent choisi par l'artiste dans ses objets quotidiens). Un tel choix est bien sûr en lien avec le rejet de l'expressionnisme abstrait pour célébrer les objets les plus ordinaires de la vie courante. Si l'aspect mimétique renvoie à la pratique artistique traditionnelle, Warhol s'en affranchit par l'aspect mécanique du report du motif sérigraphié. En ce sens, cette œuvre évite tout pathos et héroïsme pictural expressionniste.

C'est alors l'aspect ready-made qui va s'imposer. Car pour un public leurré la Boîte Brillo apparaît bien réelle (2). Nous pourrions l'entendre s'esclaffer : « Mais c'est pas de l'art » sous-entendant « ce ne sont que des boîtes de lessive ». Quant au public plus attentif, public qui aura perçu la matérialité de l'œuvre, il comprendra qu'un des buts de Warhol était de réaliser un faux ready-made. Voire un anti ready-made (3).  C'est donc là le génie de Warhol : s'emparer de la question de Duchamp pour en faire une nouvelle interprétation personnelle et artistique.

Notes :
(1) voir Klaus Honnef, Andy Warhol, de l'art comme commerce, éd. Taschen, 1990, p. 34-35 et p. 38 pour les illustrations
(2) Musée des Beaux Arts du Canada : http://www.gallery.ca/fr/voir/collections/artwork.php?mkey=7249 
(3) Luc Lang, "Trente Warhol valent mieux qu'un", Artstudio (Spécial Andy Warhol), n° 8, 1988, p. 38-51
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Comment les élèves peuvent-ils s'emparer du ready-made ?

La question est évidemment délicate dans la mesure où le geste duchampien semble nous dire que « tout objet choisi et signé par l'artiste est une œuvre d'art ou à vocation à le devenir ».

Les élèves se documentent individuellement sur Fontain et Brillo Box avant une mise en commun collective.

L'enjeu est de mettre en évidence les notions importantes qui se dégagent de ces œuvres et de conclure sur la question de l'attitude artistique : posture de rupture, de continuité, de filiation, de provocation.


PROPOSITION : RÉPLIQUE À DUCHAMP !

Répondre à cette proposition par une production plastique en prenant en compte toute l'étendue sémantique du terme RÉPLIQUE.

 


 
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première de couverture-

Texte complémentaire de V. Mauron donné aux élèves sur la reproduction des images et la réplique :

Le terme « réplique » appartient au dialogue et au langage : il s'emploie au théâtre (donner la réplique) et dans une conversation courante (répliquer, répondre promptement à un argument). Il appartient au champ sémantique de la répétition, la réplique signifiant alors le redoublement, la reproduction. Par extension, il signifie le simulacre. La réplique, variante de la répétition, n'inclut pas la notion de sérialité. Au contraire de l'empreinte qui permet et consacre la multiplication, l'ombre, engendrée immédiatement par le modèle, appartient à la catégorie du double. L'ombre se produit une seule fois, elle double le référent. Il s'agit d'un (dé)doublement, d'une duplication qui se répète sans succession, à la différence de l'empreinte, productrice d'exemplaires.

Rosalind Krauss a parfaitement noué les liens qui existent grâce à l'indicialité, entre la photographie et les ready-mades de Marcel Duchamp. A la suite de ses travaux bien connus, examinons la relation entre le ready-made, cette œuvre d'art indicielle et iconique, et la réplique. (...) Tous redoublent sans faille, retrouvent l'identique dans un mouvement tautologique.

Véronique Mauron, Le signe incarné. Ombres et reflets dans l'art contemporain, éd. Hazan, 2001, p. 90-92

 
contributeur(s) :

Philippe Szechter

information(s) pédagogique(s)

niveau : Terminale L

type pédagogique : préparation pédagogique

public visé : enseignant, élève

contexte d'usage : classe

référence aux programmes : Classe terminale : l'œuvre
L'œuvre est perpétuellement remise en cause dans ses fondements traditionnels comme unique, achevée et autonome. D'autres modalités de création se développent, tributaires du développement des objets et des images (production, reproduction, diffusion, etc.), dont les enjeux peuvent aussi être posés à travers la question du photographique. Instruments critiques et esthétiques d'une lecture de la modernité, les problématiques photographiques offrent des clés de lecture pour aborder les questions de l'œuvre. « Faire œuvre » engage le processus créatif de manière globale et ne se limite donc pas à la production d'une œuvre d'art. Il s'agit ici d'appréhender les dynamiques qu'entretient la création avec les éléments concrets qui consacrent ses réalisations : rapports à l'actualité artistique et esthétique, rapports aux étapes de la reconnaissance, condition de sa réception sensible dans les espaces culturels les plus ouverts.
Depuis les avant-gardes historiques, l'œuvre est confrontée à la production en masse des photographies.

œuvre, filiation et ruptures
Ce point du programme est à aborder sous l'angle d'une interrogation de la pratique et de ses résultats formels au regard des critères institués à différentes époques. Être moderne ou antimoderne, en rupture ou dans une tradition. Penser sa pratique à l'aune des valeurs relatives au présent et dans l'histoire. Faire état de stratégie, goût, sincérité. Suivre, opérer des déplacements, transgresser, etc.

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