analyse de l'œuvre de Jean Pierre Raynaud
Dans son œuvre « 1000 pots bétonnés » Jean-Pierre Raynaud occupe l'espace par les matériaux, mille pots rouges de même taille, rangésselon un alignement quasi maniaque.
La serre, qui à l'origine est dévolue à la vie végétale, sorte de pouponnière, voit ici sa fonction complètement renversée. Les pots bétonnés qui sont au départ l'écrin de vie de la plante sont minéralisés. Les pots de fleurs ainsi stérilisés deviennent le symbole de l'immuable, de l'absence de vie. Lieu dédié à la vie il devient tombeau.
La répétition visuelle de ce motif rouge aligné selon un principe rationnel d'occupation de l'espace ne perturbe pas la circulation hypothétique mais accroît la rigueur outrancière de cet espace tombal propre au monument.
Ces mille pots bétonnés, ancrés dans l'espace, comme un arrêt du temps,empêchent toute possibilité de vie pour prévenir l'inévitable processuset de mort.
A la vue de cette œuvre, il en ressort une certaine angoisse. On y ressent tout d'abord un poids: le poids des pots bétonnés et rangés,mais aussi le poids de la mort, de la permanence et de l'éternité qui en découle.
Puis, l' angoisse est perceptible par le mal-être ressenti à la vue de cet univers aseptisé, aucune vie n'est possible, l'ensemble reste immobile et même inquiétant.
L impact de la couleur, de la quantité, du rangement y participe largement.
L'univers est glacial, rigoureux. Le rouge donne signe d'alerte, nous rebute dans ce contexte.
les carreaux de céramique blanc qu'il utilise jouent ici le rôle de barrière immunitaire. Le carreau de céramique industriel, hygiénique,lavable et anti-corrosif, n'a normalement pas sa place dans ce lieu où la vie est sensée naître et s'y développer.
Là encore, le message est clair: il faut éviter tout rapport à la déchéance, au danger et à la maladie. L'espace est occupé et construit de manière à le surprotéger. Rien n'est laisse au hasard.
La serre laisse cependant un échappatoire à notre regard, et au mal-être ressenti à la vue de cette occupation de l'espace si particulière. En effet, les vitres nous permettent de voir au-delà de cet l'espace fermé et aseptisé. La lumière extérieure et la vue sur le parc, et donc la nature, nous rappelle à la vie.