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mis à jour le 21/03/2021
mots clés : réécriture, film de bac, scénario, DT, storyboard, plan au sol
Proposition de corrigé – Sujet A – réécriture de la séquence amoureuse de La Tortue rouge. |
Jud, jeune femme élégante, plutôt jolie, se faufile parmi la foule qui arpente la 6ème avenue. Elle la remonte afin de se rendre à un rendez-vous. Sam, jeune étudiant en art, en direction opposée, descend cette même avenue pour se rendre au Musée d’art moderne.
Ils vont se rencontrer au carrefour de la 6ème Avenue et W 54th street. Alors que chacun semble être dans sa bulle, une chose incroyable va leur arriver. Dans les quelques minutes de l’attente au passage piéton, ils vont vivre la rencontre amoureuse de leur vie. Mais alors que l’on s’attend à ce qu’ils tombent dans les bras l’un de l’autre, ils vont poursuivre leurs chemins.
En analysant la séquence de la rencontre amoureuse de de Wit j’ai tout de suite eu envie de la transposer dans une grande ville, de la rendre très « bruyante » visuellement et phoniquement. Mais je souhaite garder cette sensation magnifique et touchante du transport amoureux, cette idée que quelque chose se passe en dehors du dialogue, et isolé du reste du monde.
J’ai envie de rendre cette rencontre complétement folle, en dépassant toute réalité. Envie de montrer comment une rencontre même passagère peut nous marquer à tout jamais.
Alors que dans la séquence de de Wit ils finissent par s’étreindre dans une envolée vers un 7eme ciel musical, mes protagonistes eux ne se toucheront pas et resteront bien au sol, seuls leurs regards portés au même moment vers le ciel et un frôlement de main léger leur laissera une empreinte dans leurs coeurs et leurs corps à tout jamais.
Ce qui me touche particulièrement dans le film de Wit c’est l’absence de dialogue et pourtant qu’il ait pu installer par les choix de cadrages, d’axe, de mise en scène, de musique, cette rencontre et extase amoureux. De Wit, comme Wong Kar Wai, semble tellement aller à l’encontre de beaucoup de films où les réalisateurs montrent tout, où l’on entend tout comme dans La Vie d'Adèle produit et réalisé par Abdellatif Kechiche où les scènes amoureuses sont presque pornographiques. Amon avis, il y a dans la mise en place du transport amoureux chez de Wit, quelque chose de pudique et pourtant tellement plus fort que quand tout est dit. Ces plans laissent place aux spectateurs et s’adressent pour le coup à tous les publics en fonction de son point de vue (enfant ou adulte).
Le début sera essentiellement en plans larges pour voir la ville et entendre les sons de celle-ci.
J’ai envie comme dans le film de Michael Dudok de Wit de faire place au « paysage », même si celui-ci est urbain. Un peu à la façon de Cléo de 5 à 7 lors de ses déambulations, les premières images seront traitées de façon documentaire en longue focale avec un travelling latéral d’accompagnement pour être assez loin des deux acteurs principaux et laisser place aux mouvements de la ville. Ces premières images permettront ainsi de ne pas tout de suite identifier les protagonistes, de voir de la matière, du grain, de la couleur, et rester très proche des effets plastiques Michael Dudok de de Wit.
Une autre façon de respecter la construction de cette séquence de Michael Dudok de Wit (du moins au début), les protagonistes seront presque perdus dans l’espace. Ils apparaitront, chacun dans des directions opposées, (deux traces laissées dans l’herbe comme deux déplacements dans la ville), pour permettre que leur « union » soit plus forte symboliquement plus tard lorsqu’ils seront enfin réunis sur le même plan, (comme quand les deux personnages montent vers le ciel dans cet extrait de La Tortue rouge).
Les plans vont donc se resserrer progressivement pour se rapprocher tour à tour de Sam et Jud, et devenir fixes. On pourrait voir ainsi Sam regarder de façon attendrie une mère et son enfant devant la marchande de glace. Ce plan permettra ainsi d’identifier davantage Sam et de s’attacher à lui. J’imagine aussi faire découvrir Jud de la même façon, (même axe, même échelle de plan, au moment où elle va s’acheter un foulard jaune. Ce foulard permettra de l’identifier dans la foule des passants et d’ajouter une couleur solaire propice à la rencontre. A ce moment, il s’agit de filmer toujours en longue focale en faisant le point sur les deux acteurs.
Alors que les plans sont souvent larges, en plongée ou en contre-plongée dans la scène d’extase amoureuse de Michael Dudok de Wit, à l’opposé, j’ai envie de me rapprocher de mes acteurs au fur et à mesure (aller jusqu’au gros plan). Il s’agira d’axer toute la scène de rencontre visuelle (arrivée simultanée des deux acteurs au feu) en point de vue frontal (en plan moyen pour installer à la fois le passage piéton, les deux acteurs et les passants). Cela sera toujours réalisé grâce une longue focale afin de pouvoir isoler les deux protagonistes des autres passants en réalisant des gros plans et en insistant davantage sur le jeu d’acteur quand ils seront arrivés au passage piéton. Ce plan, (plan moyen), permettra alors d’inclure enfin ces deux personnages dans le même espace visuel. Puis il s’agira, d’axer sur les échanges de regards en plans rapprochés et en gros plans, (à la façon des procédés de western, champ contre-champ, et gros plans sur les regards).
Sans trop m’éloigner de la séquence de Michael Dudok de Wit, juste avant la fin de la séquence ; pour le climax de cette scène d’extase, j’aimerai une plongée totale, (vue d’assez haut en utilisant une grue) sur les deux acteurs face à face, mais toujours séparés par le passage piéton, qui relèveront leur tête dans un même mouvement. Ce mouvement, accompagné d’une pluie scintillante de paillettes dorées et argentées permettra de refléter les lumières des spots comme dans une pluie de points colorés, un peu à la façon, même lointaine des films de Xavier Dolan). Ainsi dans le même plan on pourrait voir ces deux êtres réunis dans un même geste (avec des regards tournés vers la caméra).
Pour les éclairages, le début de la séquence commencerait à la tombée de la nuit pour que les vitrines très colorées des magasins ajoutent de la couleur aux plans et éclairent « artificiellement » les passants. Lorsque les deux acteurs arrivent au passage piéton, il fera complétement nuit. Ainsi je pourrais travailler les éclairages artificiels (éclairages additionnels) et déjà présents dans l’environnement. Peut-être qu’il faudrait un chef opérateur et un chef décorateur afin d’installer d’autres lumières, comme des enseignes lumineuses qui clignotent ou des spots directionnels avec gélatines de couleurs sur leurs visages. Il faut qu’il y ait aussi un feu tricolore pour éclairer mes deux protagonistes alternativement et ajouter du rythme coloré aux plans et sur les visages. Cela renforcerait ainsi leurs émotions fortes lors de cette rencontre, et l’oscillement lumineux viendrait traduire comme des battements de coeur leur émois.
J’aimerai aussi filmer avec une caméra 16mm pour retrouver de la matière comme dans le grain du papier du cinéaste Michael Dudok de Wit.
Dans La Tortue rouge, le rythme du montage est doux, les plans sont très longs. Ce slow amoureux s’installe dans cette lenteur.
Pour ma part j’ai envie de rendre plus nerveux le montage, qu’il devienne comme une danse très rock, très rythmée, voire animale. Cette danse participera à cette mise en scène de rencontre amoureuse comme un flash, un coup de foudre où rien ne s’explique et où pourtant tout reste statique. Il faudrait que le montage cut révèle le rythme de ce qui se passe dans le corps des deux âmes qui vont se rencontrer.
Le rythme sera aussi un point fort de la mise en scène de cette ville, (filmée presque de façon documentaire). Les premiers plans alternés, (avec leurs déplacements), jusqu’au passage piéton seront assez longs. Ils vont devenir plus courts au fur et à mesure jusqu’à leurs premiers regards ; pour arriver à un plan assez long et ralenti quand ils regarderont tous deux à l’unisson vers le ciel scintillant de couleurs.
Les effets spéciaux. Je n’aime pas spécialement les effets spéciaux sauf quand ils servent à rendre le monde plus poétique, quand ils servent une mise en scène particulière. Comme dans le film Les Bêtes du Sud sauvage coécrit et réalisé par Benh Zeitlin où il y a à la fois images documentaires, d’autres de fiction, et un passage magnifique,
complétement créé en images de synthèses ; où il y a ce désir de faire basculer la réalité dans un monde onirique où le rêve accompagne la petite fille.
Je souhaite alors transmettre via des effets, comment à l’intersection de deux grandes avenues, le rêve transforme la réalité et porte à l’unisson deux âmes. Comme dans cet extrait de Michael Dudok de Wit au moment où l’homme et la femme montent vers le ciel, il y aura un point culminant. Mais au lieu de monter, (même si j’y avais pensé au début), mes deux protagonistes resteront bien au sol mais dirigeront leurs regards vers le ciel comme pour s’y envoler. C’est le ciel qui tombera vers eux (avec ces paillettes tombant comme une pluie d’étoiles).
Donc j’imagine à ce moment précis faire dans un même plan, fonctionner deux temps : Un où mes protagonistes seraient dans un ralenti doux et voluptueux, et dans le même moment sur le même plan, les passants eux, iraient à vitesse plus rapide que dans le réel (accéléré vitesse x 3). En permettant ces deux temps dans un même plan, (time remap), mes protagonistes se trouveraient encore davantage en lien et isolés du reste du monde.
Dans cette même scène, il y aurait aussi une espèce de pluie scintillante de paillettes dorées et argentées qui tomberait uniquement sur eux. Cette scène devrait être entièrement tournée en studio puis montée en incrustation en post-production sur les autres plans.
La colorimétrie en post-production sera exacerbée au moment où Sam et Jud se retrouvent face à face, chacun dans l’attente de traverser. Les couleurs, avec la montée de ce qui se joue entre eux, deviendraient de plus en plus lumineuses, chaudes, rouges, clignotante, palpitante, un peu comme dans les séquences amoureuses de In the Mood for Love ou My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai. Il s’agit de faire sentir la chaleur de leurs corps/coeurs qui s’enflamment.
Le rythme sera aussi soutenu par les sons de la ville, d’abord avec une bande son réalisée avec des bruits ambiants de klaxons, de voitures qui passent, de marchands ambulants, de gens qui parlent comme dans un documentaire afin d’écouter la vie de New-York, se perdre dans la foule, dans l’anonymat, dans un espace bruyant.
Pour ajouter à la séparation visuelle des deux espaces où se trouvent au début les deux protagonistes, deux sons ambiants seront traités différemment. Il faut que l’on sente que ces deux espaces vont se rencontrer, comme dans un fondu enchainé progressif, où les deux pistes sons pourraient se rejoindre au carrefour et ne plus faire qu’une.
Mais alors que les sons de la ville seront différents mais présents au début, comme dans l’extrait de Michael Dudok de Wit, la musique y prendra place progressivement en incluant la « musique » de la ville.
J’aimerais une bande son originale créée de toute pièce à partir du tempo de la ville et de la musique douce et sensuelle. Il faudra créer une montée musicale pour le climax amoureux, juste avant qu’ils « redescendent » et traversent la route. Ce morceau devra transcender les protagonistes comme les spectateurs. J’aimerais aussi des bruits internes : battements de coeurs (ou pulsations) sur ce passage, comme si nous étions un peu en eux.
Les deux acteurs principaux devront dans un premier temps se perdre dans la foule. Puis tous deux arrivés au feu, ils devront faire passer dans leurs corps, dans leurs regards, dans les mouvements de leurs mains, tout un tas d’émotions : passer de la découverte de l’autre au coup de foudre. Le langage du corps sera donc très important. Le passage sera chorégraphié (faire appel à un chorégraphe si besoin : Marion Motin). Il faudra envisager de légers déplacements du corps, des pieds, des mains, avec des échanges de regards, puis avec des regards au même moment vers la pluie scintillante ; pour enfin traverser la rue, et se frôler délicatement les mains sans se retourner. Cela devra être un travail artistique fortement tourné sur le langage du corps, ce que l’on ne voit pas dans cette séquence de Michael Dudok de Wit avec ses choix de plans larges, plans d’ensemble ou généraux.
Jud : Jeune femme élégante, assez grande, très bien habillée, démarche assurée et presque dansante. Sa tête, un peu penchée vers le sol, lui donne un petit air triste ou préoccupé et la distinguera des figurants. Au départ, elle va se fondre dans la foule, donc il ne faut pas qu’elle soit trop différente des autres personnes qu’elles croisent. On l’identifiera ensuite grâce à son achat d’un foulard jaune vif.
Sam : jeune artiste branché au look assez repérable. Au premier abord il n’est pas très beau. Mais son visage est parfait quand on le détaille, (ce que l’on fera grâce aux gros plans). Sa stature, son port de tête possède une grâce incroyable. Entre la fragilité et l’arrogance, il sourit en marchand et regarde le monde qui l’entoure. Il s’arrête régulièrement pour écouter le son de la ville : ici un vendeur de journaux, ailleurs une mère qui achète une glace à son enfant. Comme Jud, on ne le distingue pas tout de suite des autres marcheurs.
Figurants : un vendeur de journaux, un vendeur de glace une femme et un petit garçon, une vendeuse de foulard très colorés. Passants divers, hommes femmes, enfants. Il faut que l’on ressente le mouvement, la foule, les sons, les voix.
Lieu : Manhattan, sera comme un personnage. Une grande avenue où il y a beaucoup d’activités, de passages, de passants, de vitrines colorées. Un carrefour (assez gros) entre l’avenue et une petite rue. Pour cadrer les deux personnages de façon à ce qu’ils ne soient pas trop éloignés l’un de l’autre dans le cadre. J’ai choisi cette ville car je la connais bien. Et puis j’ai des images de films qui reviennent comme Taxi Driver de Martin Scorsese, ou Manhattan de Woody Allen avec des ambiances sonores particulières.
judith josso, marion hivert
niveau : Terminale
type pédagogique : non précisé
public visé : enseignant, élève
contexte d'usage : classe, travail autonome
référence aux programmes : la réécriture de fragments filmiques à partir d’une consigne
cinéma-audiovisuel - Rectorat de l'Académie de Nantes