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mis à jour le 03/07/2019
Récit et analyse d’un projet porté par Lisa Paul, professeur de philosophie au Lycée Aristide Briand de Saint Nazaire, avec l’aide de ses collègues d’histoire, de musique, de lettres et du CPE (Matthieu Laurier, Mathias Val, Ivane Frot et Frédéric Petit). Ce projet a reçu l’aide de la DAAC et a été soutenu par le Lycée Aristide Briand et la MDL.
Le bilan de ce projet est extrêmement positif. Ce pourquoi il sera reconduit en 2019-2020 avec une classe de Terminale Littéraire.
mots clés : théâtre, philosophie, éducation artistique, pratiquer, rencontrer, s'approprier
Lorsque les élèves étaient encore en classe de première, il leur a été demandé de formuler des questions qui les intéresseraient particulièrement. Parmi leur proposition, une portant sur le désir d’immortalité a été choisie car elle permet de croiser plusieurs notions du programme, tout en invitant à un questionnement susceptible de toucher toutes les personnes.
Au début de l’année, le projet a été présenté à la classe. Des heures d’accompagnement personnalisé ont été consacrées à des séances d’ateliers théâtre lors desquels les élèves ont pu expérimenter le travail de la voix et celui du corps. Il s’agissait de mettre chaque élève en confiance dans le groupe afin de faciliter l’expression, avec des exercices de création, d’imagination, d’improvisation.
La question “Désirez-vous être immortels ?” a d’abord été abordée lors d’un débat improvisé. Il s’agissait de recueillir les propos spontanés des élèves afin, ensuite, de pouvoir les interroger lors du cours de philosophie.
Les cours de philosophie, l’écriture du texte et la pratique théâtrale se sont croisés et nourris durant toute la construction du spectacle. Les élèves ont été pleinement engagés dans l’ensemble du processus.
Différentes formes d’ateliers d’écriture ont été expérimentées. Tout d’abord, des moments où les élèves ont écrit ce qu’ils pensaient de la question, en choisissant un axe de réponse. Ensuite, la rédaction de monologues trouvant place dans le spectacle. Pour aider les élèves à construire leur argumentation, l’enseignante a proposé aux élèves un début et une fin. Ils devaient construire le corps du raisonnement, et réfléchir à une façon de le mettre en dialogue. Les connaissances philosophiques étaient apportées par le cours, en fonction de l’avancée des argumentations.
À partir des textes de philosophes proposés, la classe a fait un travail sur la façon dont le texte pouvait être dit. Seul ou en groupe, avec une mise en scène et à travers différentes émotions, les élèves devaient en proposer plusieurs lectures. Celle qui le rendait le plus intelligible était retenue. Par cette démarche, les élèves se sont pleinement appropriés le questionnement et la réflexion, ainsi que les connaissances apportées.
En aller-retour avec l’écriture du texte, et au fur et à mesure que celui-ci se fixait, le travail de répétition a démarré, puis intensifié progressivement, jusqu’à aboutir à un spectacle d’environ 1h15.
Les élèves ont pris plaisir à ce travail, en comprenant bien la rigueur nécessaire à toute entreprise collective.
4 représentations ont été données début avril, dans une salle de spectacle louée, les après-midis pour des classes du lycée, les soirées en tout public.
Toutes les représentations étaient complètes (200 spectateurs par représentation). Les élèves ont pris beaucoup de plaisir à jouer devant un vrai public, ce qui a révélé toute la force du projet. Ils ont ressenti la force du groupe et ont défendu leur proposition de façon exemplaire. Ils ont pris conscience de la compréhension profonde qu’ils avaient de leurs propos. Ils ont fait preuve d’une belle maturité.
Tous les publics ont été très réceptifs à ce spectacle, et ont exprimé sa qualité philosophique et artistique.
La musique a trouvé sa place de deux façons dans le spectacle.
Des chansons venaient enrichir le spectacle. Choisies pour la pertinence des paroles, en lien avec la question posée, et pour leur musicalité, elles ont ponctué le spectacle, tout en lui donnant du souffle. Ces chansons ont été travaillées lors des cours de musique.
Les rapports entre musique et texte ont été interrogés : comment la musique peut-elle porter le texte et en enrichir le sens ? Aussi quelques textes ont-ils été mis en musique par les élèves.
Cécile Favereau, scénographe professionnelle est intervenue en classe pendant deux journées. Elle était également présente (avec un technicien lumière et un technicien son) pour assurer la régie lors des représentations.
Elle a expliqué aux élèves en quoi consistait son métier et les a invités à réfléchir à la scénographie du Cabaret philosophique. Par groupe, ils ont tous réalisé une proposition de scénographie. Des éléments de toutes les propositions ont été conservés. Pour rendre la pensée vivante et pour immerger le spectateur dans la réflexion, il a été question de déterminer plusieurs espaces de jeu entourant le public afin de « l’immerger » dans le débat d’idée. D’où la forme “Cabaret”. Les élèves ont investi la classe d’arts plastiques du lycée, et ont fabriqué une maquette de la salle afin de choisir le nombre et la taille des espaces de jeu. Ils ont eu de nombreuses idées concernant les éléments visuels, les costumes. Ils se sont pleinement investis dans cette partie de la création également, qui leur a permis de travailler avec une artiste professionnelle, de se mettre d’accord sur des choix artistiques, de développer leur imaginaire, d’oser surprendre les autres.
Les élèves ont vu trois spectacles au Théâtre de Saint Nazaire, choisis pour leur lien avec le projet. Ces spectacles ont pu nous servir de référence pour travailler des aspects du Cabaret philo lors des répétitions.
The Beggar’s Opera, pour interroger les rapports entre musique et texte.
À vif, de Kerry James, pour interroger la possibilité du débat d’idées au théâtre.
Désordres, de Hubert Colas (qui est intervenu une demi-journée en classe) pour interroger la lecture à voix haute.
Les élèves engagés dans ce projet ont pu :
Appropriation, compréhension, exigence. Trois effets (parmi d’autres…) de cette proposition de travail sur l’enseignement de la philosophie.
Appropriation
Le fait d’avoir à créer un spectacle à porter devant un public a eu des effets positifs sur l’implication des élèves dans le travail, produisant une véritable émulation. Désireux de produire une forme de qualité, ils se sont se mobilisés individuellement et collectivement pour qu’elle le soit. Les élèves habituellement discrets ont osé prendre la parole devant la classe pour défendre une idée, ou pour en critiquer une, afin qu’elle trouve ou non sa place dans le spectacle. Les élèves ont ainsi discuté, débattu, ils se sont mis d’accord. Sortir leur parole de la salle de classe, et ainsi lui donner un caractère public invite les élèves à s’approprier pleinement la parole et la réflexion. Les apprentissages prennent plus de sens.
Les élèves se sont également totalement appropriés la question posée. Pendant les mois d’écriture, leur curiosité croissante par rapport à cette question, a été nourrie par des références culturelles. Ils ont ainsi fait le lien entre des films qu’ils avaient vus, des séries qu’ils regardaient, et les questions philosophiques abordées en classe, comprenant ainsi que la philosophie interroge l’ensemble du réel et ne s’arrête pas aux murs du lycée.
L’ancrage dans l’expérience sensible a permis d’atteindre un niveau de compréhension des idées et des textes qui semble rarement atteint quand seul l’intellect est mobilisé. Le fait de porter à l’oral le texte d’un philosophe, de le dire à voix haute, de mobiliser le corps, d’adresser le texte, interroge nécessairement ses enjeux existentiels et permet d’accéder à une compréhension plus intime, plus profonde. Les élèves ont vu à quel point l’effet du texte sur l’orateur et sur les auditeurs en éclairait ainsi considérablement le sens et la portée.
En passant par l’oral et en tentant plusieurs mises en scène ou plusieurs consignes de jeu sur un même texte, il est aussi apparu aux élèves qu’un texte n’était en général pas univoque. Ils ont ici éprouvé ce qu’était une interprétation, en quoi consistait le sens d’un texte, ce qu’était un choix artistique ou philosophique. Ces idées que le cours de philosophie tente de leur faire comprendre ont été réellement éprouvées ici.
Lors des échanges d’idées, au cours des phases préparatoires, les élèves ont perçu que le propos devait être précisément compris et réactualisé à chaque prise de parole pour que le chemin argumentatif soit suivi par le public. Les élèves ont donc éprouvé la nécessité de la précision dans le choix des mots et dans la progression du discours. Ils ont ainsi compris – parce qu’ils l’ont éprouvé - ce qui est attendu dans leurs productions écrites en philosophie.
Photos © Nina Pégagieniveau : Terminale L, Terminale
type pédagogique : non précisé
public visé : non précisé
contexte d'usage : classe
référence aux programmes : Une bonne partie des notions du programme de philosophie en terminale L a pu être travaillée au cours du projet, en relation les unes aux autres : l'existence et le temps, la conscience, l'histoire, l'art, la politique...
éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes