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Étonnants Voyageurs 2009 : la nouvelle d'Angélique Préau

Voici la nouvelle écrite par Angélique Préau, élève de seconde au lycée Sainte-Agnès à Angers (49). Cette nouvelle a obtenu le deuxième prix du jury académique.

Sauvetage en toutes circonstances


Le sac à dos de Marine n'est pas comme celui de tout le monde ! Elle s'assure tous les soirs qu'elle y a mis des pansements, de l'aspirine, du désinfectant, du fil et une aiguille, des crayons et des stylos en plus des cahiers blancs, des trombones, un stick de colle, des ciseaux, des mouchoirs en papier, des tampons, du sel et du poivre, de l'huile d'olive, une culotte de rechange, des enveloppes, son couteau suisse, un compas, une bouteille d'eau, des barres énergétiques, des allumettes, une pince à épiler, une lime à ongle, du savon, du shampoing, des cubes de bouillon, des sachets de thé, du sucre, des épingles à nourrice, du chocolat, une lampe de poche, son téléphone portable, un dictionnaire, son doudou. On ne sait jamais quand il va falloir sauver une vie. Peut-être même...la sienne. Aujourd'hui, elle est allée jusqu'à y enfoncer sa brosse à dents et un tube de dentifrice neuf, son oreiller et tous les sous de sa tirelire. Parce-que cette fois-ci ça y est, elle a décidé de quitter la maison. Il est temps que sa vie commence.
- A ce soir chérie ! crie sa mère en entendant la porte claquer. Marine ne répond pas. Elle part comme si elle, la bonne élève, la fille modèle, allait sagement au collège, comme tous les jours. Aujourd'hui elle ne court pas, elle suit doucement ses jambes vers la gare. Aujourd'hui est le premier jour du reste de sa vie.

Il ne lui a fallu qu'une trentaine de minutes pour arriver à la gare. Tous ces horaires et destinations lui font tourner la tête. En plus, Marine vient de se rappeler que son petit porte-monnaie est resté sur sa table de nuit ! Elle comprend désormais pourquoi sa mamie dit toujours « Oh de nos jours c'est bein difficile pour les jeunes de débuter dans la vie ! »
Mais Marine a déjà une nouvelle idée dans la tête pour trouver un endroit où dormir et montrer à ses parents qu'elle peut très bien se débrouiller et vivre sans eux ! La voilà à la recherche de Léo. Léo, elle le croise souvent dans la rue. Ses parents ne veulent jamais qu'elle lui parle (évidemment, encore une interdiction! ), ils disent qu'il est malade et le traitent même de vagabond ! Le pauvre à été abandonné lorsqu'il était un tout jeune adulte car, soi-disant, sa famille n'avait plus les moyens de l'héberger !  Pourtant, il est vraiment gentil ce Léo ! Et même s'il est vieux et qu'il sent un peu le chien mouillé elle sait qu'il s'en sortira un jour !
Arrivée au marché, elle n'a qu'à regarder près du camion du charcutier (Il est facile à repérer avec son slogan écrit en énormes lettres rouges «  DANS LE COCHON,  TOUT EST BON !») et trouve Léo. Il est justement en train de dérober une andouillette qui est tombée par terre. Elle l'appelle et ce dernier court vers elle, l'air tout joyeux de la voir !  Elle le suit vers l'endroit où il la mène, elle suppose que c'est son nouveau refuge, il change en fonction des saisons car l'hiver derrière l'église il fait bien trop froid ! Cette fois-ci, c'est le cinquième étage d'un vieil immeuble à l'abandon qui lui sert de nid douillet.
Lorsqu'ils pénètrent dans la pièce qui sent l'animal et le fromage pourri, Marine se jette vers lui et regarde de plus près la blessure qu'elle avait déjà aperçue sur son mollet droit, une grosse coupure encore fraîche. Pourtant, elle lui a déjà dit des dizaines de fois de ne plus se battre avec les autres pour un bout de pain !
A cet instant, Marine se sent fière d'avoir emporté son sac « Sauvetage en toutes circonstances » ! Elle lui ordonne de s'allonger sur le tapis tout moisi et ma foi, il obéit sans broncher. C'est parti pour l'opération ! Elle connait tous les gestes rudimentaires. En premier, elle désinfecte la plaie grâce à ses mouchoirs qu'elle tempe dans la bouteille de désinfectant. Il gémit un peu. Tant pis! C'est pour la bonne cause après tout ! Ensuite, elle prend ses ciseaux, coupe son fil et le glisse dans le chat de son aiguille. «  Imagine-toi du tissu, Imagine-toi du tissu, Imagine-toi du tissu, Imagine-toi du tissu... » se répète-t-elle. Mais impossible d'enfoncer l'aiguille dans la peau de Léo, c'est trop difficile, trop dégoutant ! Elle décide alors de lui coller un gros pansement,  «  Ca aidera toujours à cicatriser » lui rassura-t-elle. Mais elle n'avait pas remarqué que Léo était si poilu ! Elle lui arrache en vitesse quelques poils près de la plaie, qui gêneraient le maintient du pansement. Marine arrête juste à temps ! Son patient commence à s'énerver. C'est qu'il mordrait presque, ce Léo ! Grâce à son dictionnaire, elle rédige une ordonnance très précise et développée sur une feuille déchirée dans un de ses cahiers afin  de donner des conseils à Léo pour un rétablissement rapide. Quelques signatures, une marque de tampon et le tour est joué ! Son trombone lui permet de confectionner le dossier médical de l'opération qu'elle dépose ensuite sur un meuble.
Léo, lui, il dort déjà. Il ronfle même. Son ventre grouille. Au menu ce soir pour lui : une aspirine, des cubes de bouillon dans de l'eau (...froide, on n'a que ça !) et pour pimenter le tout... ZUT ! Elle a versé beaucoup trop de poivre et de sel dans sa soupe ! Oh et puis, il ne s'en rendra peut-être même pas compte ! D'habitude il trouve bien ses repas dans les poubelles ! Pour les vitamines, Marine lui donne ses barres énergétiques « Cocobarres, et ça repart ! ». Il y en a cinq ! Avec ça, il va avoir la patate ce Léo ! Et pour le moral, une tablette entière de chocolat au lait Milcha. Elle en fait des concessions, Marine, pour son copain ! Elle, elle boit seulement un sachet de thé et du sucre plongé dans de l'eau (Bah oui ! Encore froide ! ). En clair, de l'eau sucrée, et encore ! Mais de toute façon, c'est son devoir ! C'est son destin de sauver Léo !
A côté, il se régale, le père ! En quelques minutes il a gobé sa soupe et a avalé toutes ses gâteries après avoir déchiqueté les papiers d'emballages, comme d'habitude ! Même pas le temps de dire merci, il se couche et s'endort en deux temps trois mouvements !
Marine prend son doudou, son oreiller et se blottit contre lui. Elle laisse tout de même sa lampe de poche allumée, elle a bien trop peur des araignées ! Bon, c'est vrai qu'il sent fort ce Léo...

Quelques heures après, elle ne peut préciser combien, une odeur horrible, affreuse, terrible (pire que celle de Léo) la réveille. Du vomi !!! Le pauvre chou est à côté d'elle et n'a pas osé la réveiller ! Il crache cette substance couleur terre à tout bout de champ !
Marine est trop affolée pour repenser aux nombreuses disputes qu'elle a eues avec ses parents qui la traitent toujours comme un bébé alors qu'elle sait qu'elle peut se débrouiller toute seule comme une grande. Il y a des moments où c'est tellement urgent qu'on ne réfléchit pas ! Il y a des moments où c'est tellement important que même les grands demandent de l'aide à leurs parents de toute façon ...

Cela fait bien deux heures qu'ils attendent dans cet endroit froid, ennuyeux et où tous les gens que l'on croise se rongent les ongles, aboient contre le personnel ou pleurent.
Après avoir longuement parlé avec ses parents, un homme en blanc se dirige vers elle avec aux lèvres, un sourire rassurant. « C'est vraiment courageux de vouloir sauver des vies ma petite, mais il faut savoir que les aspirines, chocolats, sucre ou encore sel sont absolument dangereux pour nos amis les chiens. »
Pfff... encore un qui la traite de petite ! Oh et puis mince ! Ce qui compte c'est bien que Léo soit sain et sauf ! De toute façon il lui reste encore de quoi sauver d'autres vies. Elle farfouille dans son sac et se rassure d'y trouver le fil et l'aiguille, les crayons et stylos en plus des cahiers blancs, le stick de colle, les ciseaux, les mouchoirs en papier, les tampons, l'huile d'olive, sa culotte de rechange, les enveloppes, son couteau suisse, le compas, les allumettes, la pince à épiler, la lime à ongles, la lampe de poche, son téléphone portable, le dictionnaire, sa brosse à dents, le tube de dentifrice, son oreiller et son doudou.

Angélique Préau


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