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mis à jour le 26/04/2013
Le tableau Devant « le Rêve » de Paul Legrand, conservé au Musée des Beaux Arts de Nantes, évoque la défaite face à la Prusse en 1870.
mots clés : République, 1870, presse, nationalisme, amitié franco-russe
« La place de Detaille dans la mémoire collective se résume, pour les générations anciennes, à un tableau emblématique, le Rêve, longtemps reproduit dans les livres d'histoire et les dictionnaires encyclopédiques. » Robichon p. 5 « [Detaille devint le] chef de file d'un nouveau réalisme qui synthétisait représentation fidèle et expression d'un sentiment patriotique.» Robichon p. 7 |
« Le Rêve était un autel où l'on communiait pour la défense de la Patrie, dans un état d'esprit encore très marqué par l'amertume de la défaite de 1870 qui suscitait encore ces fantasmes collectifs d'une grande armée française. [...] Le Rêve de Detaille fut aussi gravé et la planche notamment offerte en supplément du Monde illustré. Le peintre Legrand fit d'ailleurs de la popularité de cette gravure le sujet d'une œuvre intitulée Devant « Le Rêve », où l'on voit des enfants l'admirant à l'étal d'un kiosque » B. Tillier, La Commune de Paris. Révolution sans images ? , Champ Vallon, 2004 « Du tableau d'Alphonse de Neuville [Bivouac après le combat du Bourget, 21 décembre 1870] au Rêve de Detaille, une conversion de la défaite s'opère, visant à exalter le sentiment patriotique, à appeler à la revanche et à fonder le nationalisme. L'idéologie de la défaite repose sur un abattement moral que contrebalance un idéalisme exaspéré. Ce processus n'est possible que par une série de glissements de l'historique vers l'anecdotique - les sujets ne sont plus nécessairement localisés dans le temps et dans l'espace [...] ils renvoient de moins en moins à un événement historique précis pour privilégier la scène dramatisée - ou du collectif à l'individuel - les actes d'héroïsme favorisant des attitudes et des expressions stéréotypées l'emportent sur l'élan collectif. L'exorcisme de la défaite sera d'ailleurs l'une des préoccupations de la République dans les décennies 1870 à 1900. » |
« Jusqu'ici nous nous imaginions que les soldats, abrutis de disciplines imbéciles, écrasés de fatigues torturantes, rêvent -quand ils rêvent - à l'époque de leur libération, au jour béni où ils ne sentiront plus le sac leur couper les épaules, ni les grossières et féroces injures des sous-officiers leur emplir l'âme de haine. Nous croyions qu'ils rêvaient à de vagues vengeances contre l'adjudant et le sergent-major, qui les traitent comme des chiens. [...] À voir le petit soldat se promener si triste, si nostalgique, il était permis d'inférer que, après les dures besognes et les douloureuses blessures de la journée, ses rêves de la nuit n'étaient ni de joie, ni de gloire. M. Detaille nous prouva que tels, au contraire, étaient les rêves du soldat français. Il nous apprit, avec un luxe inouï de boutons de guêtres, en une inoubliable évocation de passementeries patriotiques, que le soldat français ne rêve qu'aux gloires du passé, et que, lorsqu'il dort, harassé, malheureux, défilent toujours, dans son sommeil, les splendeurs héroïques de la Grande Armée, Marengo, Austerlitz, Borodino. [...] Il fallut bien s'incliner devant cette œuvre, qu'on eût dite - selon le mot d'un juré - peinte par la Patrie elle-même"... » Octave Mirbeau, « Les peintres primés », L'Écho de Paris, 23 juillet 1889. Extrait du Dictionnaire Octave Mirbeau |
Devant le monument des Combattants de 1870-71 au cimetière du PERE-LACHAISE Chaque année, le Jour-des-Morts, on couvre de fleurs les tombes des soldats tombés pour la Patrie, les monuments érigés à leur mémoire. Ce qui caractérise tous ces monuments, c'est qu'ils ne comportent aucune distinction entre les braves ; ils glorifient aussi bien les chefs que les soldats. Nous avons été plus justes que nos pères. Jadis, au temps des grandes guerres de l'Empire, c'est aux seuls généraux que tous les honneurs étaient consacrés ; on négligeait les héros plus modestes. [...] Comprenant que le premier acte de virilité d'une nation est d'exalter l'esprit de sacrifice et l'amour du drapeau, nous avons voulu associer les soldats à la gloire de leurs officiers et nous avons confondu dans un même hommage toutes les victimes du dévouement patriotique, tous ceux qui ont servi avec héroïsme cette commune idée : la défense de la patrie ! Notre gravure de première page représente un pèlerinage au monument du cimetière du Père-Lachaise. Ce mausolée est un des plus importants. Il porte l'inscription suivante Monument Élevé par l'État À LA MÉMOIRE DES SOLDATS MORTS Pendant le siège de Paris 1870-1871 Un vieux militaire pensionnaire de l'Hôtel-des-Invalides, un jeune soldat et un membre d'une société patriotique, se sont rencontrés devant le monument. C'est le passé, le présent, l'avenir. Ils se sont unis dans un même hommage aux morts de 1870-71, dans un même acte de foi patriotique devant ce monument où s'incarne l'idée de dévouement national. Chaque année, il semble que la foule soit plus nombreuse autour des mausolées où reposent nos soldats qui, rigides dans la verdure des cimetières ou des carrefours des routes, disent : « Souvenez-vous ! ». Les visites qu'on y fait prennent le caractère d'une manifestation unanime. On vient là, oubliant les discordes, unis dans un sentiment commun, mêler aux regrets du passé les espérances pour l'avenir, et on s'en va, le coeur triste certainement, mais réconforté à l'idée de la grandeur présente de la patrie. Maintenant que la patrie, réorganisée, reconstituée, rajeunie, certaine de sa force et de son avenir, poursuit fièrement sa marche d'incessant progrès, ces pierres, ces mausolées, tous ces restes sacrés de dévouements sublimes et glorieux trépas, n'en sont pas moins un enseignement profond, car au-dessus des ossuaires, au-dessus des morts jetés comme une semence de régénération dans les champs de bataille, au-dessus des combattants qui luttent et qui tombent au-dessus de ce qui se passe et qui disparaît, s'élève comme un impérissable égide, le Génie de la France immortelle ! » |
« Les devoirs, il sera d'autant plus aisé de les faire comprendre que l'imagination des élèves, charmée par des peintures et par des récits, rendra leur raison enfantine plus attentive et plus docile. Tout l'enseignement du devoir patriotique se réduit à ceci : expliquer que les hommes qui, depuis des siècles, vivent sur la terre de France, ont fait, par l'action et par la pensée, une certaine oeuvre, à laquelle chaque génération a travaillé ; qu'un lien nous rattache à ceux qui ont vécu, à ceux qui vivront sur cette terre ; que nos ancêtres, c'est nous dans le passé ; que nos descendants, ce sera nous dans l'avenir. Il y a donc une oeuvre française, continue et collective : chaque génération y a sa part, et dans cette génération tout individu a la sienne. Enseignement moral et patriotique : là doit aboutir l'enseignement de l'Histoire à l'école primaire. (...) Il s'agit ici de la chair de notre chair et du sang de notre sang. Pour tout dire, si l'écolier n'emporte pas avec lui le vivant souvenir de nos gloires nationales ; s'il ne sait pas que ses ancêtres ont combattu sur mille champs de bataille pour de nobles causes ; s'il n'a point appris ce qu'il a coûté de sang et d'efforts pour faire l'unité de notre patrie, et dégager ensuite du chaos de nos institutions vieillies les lois sacrées qui nous ont fait libres ; s'il ne devient pas un citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son temps ». Ernest Lavisse, cité par J.-P. Minaudier, La République des opportunistes, 2005 |
Bruno Hérody, chargé de mission au Musée des Beaux-arts de Nantes
éditeur(s) :Claudie Ferchaud
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République, 1870, presse, nationalisme, amitié franco-russe | Bruno Hérody |
éducation artistique et action culturelle - Rectorat de l'Académie de Nantes