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mis à jour le 03/03/2012
Quelques réflexions autour de raconter et écrire en cours d'histoire. (L'article est téléchargeable en bas de page)
mots clés : raconter, écrire, capacités, récit
Enfin, nul acte n'est possible sans le regard bienveillant de l'enseignant qui encourage, motive les élèves y compris les plus faibles.
À ces constats généraux sur l'écrit et ses enjeux, s'ajoutent les spécificités du récit historique attendu de l'élève :
- en ce qu'il suppose un discours structuré autour d'un fil conducteur, d'une mise en intrigue[33] avec un point de départ, un déroulement puis une clôture,
- en ce qu'il suppose de s'appuyer sur un contexte,
- en ce qu'il suppose de sélectionner des faits précis qui sont datés, des acteurs qui sont nommés et identifiés par leur rôle et leur action[34],
- en ce qu'il suppose de s'appuyer sur des documents (« la preuve documentaire » de Paul Ricœur)[35]
- en ce qu'il suppose de mettre en relation ces différents éléments, de développer des connecteurs (causalité)
De ces caractères (pour simplifier : poser par écrit une réponse à un problème en utilisant ses connaissances, en structurant et organisant ses idées) découlent quelques questions :
- le repère chronologique en histoire : quelle place pour le repère dans le cours ? Quel travail autour de ce repère qui fait de ce dernier une date différente des autres dates du cours ? Comment le mettre en valeur dans le cahier ? Comment construire une séance autour de ce repère ? Comment lui donner du sens ?
- Autour des repères gravitent des acteurs qui agissent dans des lieux : que nous disent ces acteurs sur l'action humaine, sur la capacité de l'homme à choisir, à se déterminer dans un contexte historique donné ?
Introduire et développer les écrits intermédiaires : penser à enrichir le texte en s'appuyant sur des documents, sur des écrits intermédiaires... reformuler à l'écrit un récit oral ; importance de la lecture par l'enseignant du travail réalisé pour ne pas seulement pointer les manques mais souligner et mettre en valeur le point de vue développé par l'élève et souligner les points d'appui.
Le traitement de texte a révolutionné la manière d'écrire en ce qu'il permet des retours en arrière, des modifications[40] ; la fonction « copier-coller » (que les élèves connaissent souvent remarquablement bien !) pourrait être utilisée dans la phase d'organisation et de réorganisation des connaissances. Ainsi, le traitement de textes est « un moyen d'apprentissage »[41]. Tout en solutionnant temporairement les problèmes de calligraphie et - du moins peut-on l'espérer- de réconcilier l'élève avec l'acte d'écriture, l'outil traitement de texte permet de corriger les fautes d'orthographe (les logiciels ont fait des progrès considérables en la matière). Pourquoi ne pas
utiliser ces fonctionnalités (y compris en devoirs) dans le cadre d'une évaluation formative ?
La vidéo-projection de quelques écrits anonymes d'élèves pourrait par un travail collectif d'analyse permettre de construire un écrit collectif. A cet égard, les corrections linéaires de devoirs (souvent sans réel intérêt) pourraient être réorientées vers une correction plus ciblée des écrits demandés aux élèves : la consigne a-t-elle été respectée ? Le propos est-il étayé ? (les faits sont-ils datés ? les acteurs sont-ils cités ?) Que faire pour améliorer le texte proposé ? etc.
Penser le passage de l'écrit individuel à l'écrit collectif est certainement la difficulté la plus importante : comment faire que l'écrit de chacun soit pris en compte ? Comment vérifier ce que chaque élève a écrit lorsque trente écrits ont été réalisés au sein de la classe ? À cet égard, les réseaux et autres Espaces numériques de travail devraient faciliter la mise en commun.
Les mots-clés sont des entrées qui facilitent des apprentissages. Écrire à partir de consignes précises (écrire avec une liste de mots ou d'expressions imposées) pourrait permettre de débloquer des situations. Il est également possible d'aider l'élève à intégrer dans ses écrits des passages empruntés : il s'agit alors pour lui de reprendre pour transformer.
Ce qui est en jeu est le sens donné à l'exercice. « Pour produire un discours construit, il ne suffit pas de maîtriser les formes du discours, il faut avoir le désir d'être quelqu'un, le désir de dire quelque chose qui soit entendu, repris, travaillé, questionné par la parole des autres. Est auteur celui dont le point de vue circule, existe dans la pensée de l'autre, le fait penser. On devient auteur pour et par les autres »[42].
L'alternance entre écoute et écriture, la prise de notes en direct ou en différé, l'importance des brouillons qui ont quasiment disparu de la panoplie de l'élève sont des pistes de travail à envisager.
Pour mettre en œuvre ces objectifs, les modalités de travail sont diverses : travail individuel, travail de groupe... Dans le cadre de ce dernier, il est possible de travailler sur le discours d'un pair[43], ou de penser la collaboration entre élèves pour construire un récit ou reformuler le récit du professeur.
Ce qui demeure essentiel : l'ambition qui stimule et motive l'élève.
[1] Ouvrage collectif, Les historiens, Patrick CABANEL, article « Michelet », Armand Colin, 2003, p.13. Patrick Cabanel souligne bien que si l'oeuvre de Michelet ne peut se réduire à son style « d'historien-pour-les-écrivains- elle ne saurait se limiter à cette dimension. Enfin, Patrick Cabanel pose sans y répondre la question suivante : « quel historien peut prétendre durer un peu, s'il n'a d'abord été aussi un véritable écrivain ? »( Ibid., p. 24 et 26.)
[2] Christian DELACROIX, « Ecriture de l'histoire », in Ch. DELACROIX, François DOSSE, Patrick GARCIA et Nicolas OFFENSTADT, Historiographies, Concepts et débats, Folio Histoire, 2010, p.732.
[3] Lucien FEBVRE, Vivre l'histoire, Edition établie par Brigitte Mazon et préfacée par Bertrand Müller, Robert Laffont, Armand Colin, Collection Bouquins, 2009, p. 22.
[4] Lucien Febvre, Ibid., p. 25.
[5] François BOURGUIGNON, « L'écriture de l'histoire : le discours en question », in L'histoire aujourd'hui, Editions Sciences humaines, 1999, p.365.
[6] Christian DELACROIX, « Ecriture de l'histoire », Ibid., p.735.
[7] Michel de CERTEAU, L'écriture de l'histoire, Gallimard, 1975. ; Paul RICOEUR, Temps et récit, Le Seuil, 1983.
[8] Gérard NOIRIEL souligne le caractère protéiforme du tournant linguistique (de nombreux courants qui accordent une place au langage) et se plaît à souligner également le faible nombre d'études historiques s'inscrivant dans cette école. Gérard NOIRIEL, Sur la « crise » de l'histoire, Folio histoire, p. 154 et suivantes.
[9] François BOURGUIGNON, Ibid., p. 366.
[10] Christian DELACROIX, « Ecriture de l'histoire », Ibid., p.738.
[11] Roger CHARTIER, Le Monde, 18 mars 1993
[12] Krzysztof POMIAN, « Histoire et fiction », Le Débat, n° 54, mars-avril 1989, p.114-137.
[13] Antoine PROST, Douze leçons sur l'Histoire, 1996, p. 263-282.
[14 Antoine PROST, Ibid., p. 277.
[15] Georges DUBY, Guillaume le Maréchal, Fayard, 1984.
[16] Antoine PROST, Ibid., p. 277.
[17] Antoine PROST, La mise en intrigue est essentielle pour l'historien, entretien avec Antoine Prost, L'histoire aujourd'hui, Editions Sciences humaines, 1999, p. 371.
[18] Antoine PROST, Ibid., p. 372.
[19] Le propos sera émaillé de questions auxquelles nous ne prétendons pas apporter de réponse. Mais le fait de les poser devrait permettre de questionner nos pratiques de classe.
[20] Programmes d'histoire-géographie-Education civique, BO du 28 août 2008 et Fiches Eduscol, Comment faire maîtriser l'expression écrite et orale par chaque élève ? Eduscol, ressources et documents pour faire la classe.
[21] Dans les capacités attendues des élèves de Lycée, on trouve « décrire et mettre en récit une situation historique ou géographique », « rédiger un texte ou présenter à l'oral un exposé construit et argumenté en utilisant le vocabulaire historique et géographique spécifique », « développer un discours oral ou écrit construit et argumenté » (Programmes de la classe de Seconde, BO spécial N°4 du 29 avril 2010 programme de la classe de Première générale, BO N° 9 du 30 septembre 2010)...
[22] Les commentaires accompagnant les programmes de 1996 mettent l'accent sur l'importance de l'écrit. (Enseigner au Collège, Histoire-Géographie-Education civique, Programmes et accompagnement, édition originale 1996, réédition 2004, CNDP, p. 32).
[23] Parmi les items de la compétence 1, on notera tout particulièrement la capacité à rédiger un texte bref, cohérent, construit en paragraphes, correctement ponctué en respectant des consignes imposées.
[24] Attention l'oral ne se limite pas à la production d'un récit.
[25] Jean-Charles CHABANNE, Dominique BUCHETON, Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire, PUF, 2002, p. 26.
[26] Jean-Charles CHABANNE, Dominique BUCHETON, Id., p.34.
[27] Ainsi, dans le cadre de l'accompagnement personnalisé ou d'autres dispositifs d'accompagnement des élèves, la réalisation d'un journal quotidien des apprentissages permettrait aux élèves d'entrer dans un usage complexe et scriptural de l'écrit. Jean-Charles CHABANNE, Dominique BUCHETON, Id., p. 141.
[28] Jean-Charles CHABANNE, Dominique BUCHETON, Ibid., p.12. Dans le même ordre, prendre la parole, c'est prendre un risque.
[29] Le lien entre oral et écrit sera abordé dans la suite de ce propos.
[30] Ce constat s'appuie sur les 500 inspections que j'ai réalisées dans notre académie depuis 5 années. Il s'agit partant de ce constat de s'interroger sur pratiques d'écriture en classe d'histoire. Nulle critique ici : le propos entend nourrir la réflexion autour des pratiques de l'écrit et de leur nécessaire diversification.
[31] La place du brouillon - ou son absence- pourrait faire l'objet d'une réflexion car le brouillon permet de préparer, construire, défaire, reconstruire son écrit.
[32] Entre prise de notes et écriture littéraire, des passerelles pourraient être mises en place pour favoriser le réinvestissement des savoirs. De même, que des temps de confrontation des prises de notes pourraient être instaurés.
[33] Au lycée, on parle davantage de problématique, au collège, une « bonne question » est largement suffisante.
[34] De nombreuses copies de Brevet des collèges montrent l'absence de dates, de noms d'acteurs, de lieux... aboutissant à des paragraphes « argumentés » anhistoriques alors même que le candidat connaît les repères qui sont évalués dans la troisième partie de l'exercice. Il y a là une déconnexion qui doit attirer notre attention.
[35] Cette exigence est plutôt celle du lycée.
[36] Ecrire en Lycée professionnel, p. 4.
[37] A cet égard, la lecture des ressources Ecrire en lycée professionnel (Bac professionnel) disponibles sur Eduscol peut offrir des pistes intéressantes. (Ecrire en lycée professionnel, Eduscol, mai 2009, 12 pages). L'écrit long est intéressant en ce qu'il s'intéresse aux processus d'écriture.
[38] L'écriture dite augurale peut permettre de vérifier des acquis que la leçon va consolider et pourra être reprise en fin de séance pour être enrichie...
[39] L'écriture intermédiaire peut être issue de la confrontation de documents, du récit du professeur...
[40] Sans toujours conserver les traces de ces écrits successifs malheureusement sauf à utiliser la fonction suivi des modifications d'un texte. L'utilisation de l'outil informatique ne doit pas obérer l'importance de la maîtrise de la calligraphie par chacun et aussi de la maîtrise minimale de l'orthographe sans la béquille pérenne du correcteur automatique...
[41] Ecrire en Lycée professionnel, p. 3.
[42] Jean-Charles CHABANNE, Dominique BUCHETON, Ibid., p.43.
[43] Les spécialistes appellent ceci l'hétéroglossie.
Françoise JANIER-DUBRY, IA-IPR
éditeur(s) :Claudie Ferchaud
niveau : tous niveaux
type pédagogique : article
public visé : chef d'établissement, enseignant
contexte d'usage :
référence aux programmes :
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histoire-géographie-citoyenneté - Rectorat de l'Académie de Nantes