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mis à jour le 25/05/2021
Cette proposition du GARD (Groupe académique de réflexion disciplinaire) est l'une des propositions qui permet d'aborder la IIIe République, au collège et au lycée.
mots clés : GARD, République, Delacroix, acteur, récit, héros
- HISTOIRE - GEOGRAPHIE / Cycle 4 (BOEN n°31 du 30 juillet 2020)
Classe de 4ème : Thème 3 - Société, culture et politique dans la France du XIXe siècle.
- HISTOIRE DES ARTS / Cycle 4 (BOEN n°31 du 30 juillet 2020)
« Les objectifs généraux de cet enseignement pour la formation des élèves […] :
- « des objectifs de connaissance destinés à donner à l’élève les repères qui construiront son autonomie d’amateur éclairé :
• connaitre une sélection d’œuvres emblématiques du patrimoine mondial, de l’Antiquité à nos jours, comprendre leur genèse, leurs codes, leur réception, et pourquoi elles continuent à nous parler ;
• posséder des repères culturels liés à l’histoire et à la géographie des civilisations, qui permettent une conscience des ruptures, des continuités et des circulations. »
Thématiques, objets d’étude possibles : 5. L’art au temps des Lumières et des révolutions (1750-1850) Émergence des publics et de la critique, naissance des médias. / L’art, expression de la pensée politique.
- EMC / Cycle 4 (BOEN n°31 du 30 juillet 2020)
Connaître les principes, valeurs et symboles de la citoyenneté française et de la citoyenneté européenne : Les expressions littéraires et artistiques et connaissance historique de l’aspiration à la liberté.
- Liens disciplinaires possibles : Français – Arts plastiques
Pour le professeur : Comment l’œuvre de Delacroix, réalisée en 1830, a-t-elle contribué à ancrer l’allégorie de la Liberté dans l’inconscient collectif, 41 ans avant que la République ne s’impose définitivement et sous la monarchie restaurée ?
Pour les élèves : Pourquoi ce chef d'oeuvre est-il un emblème de la République ?
1. Résumé pour les élèves :
Le tableau est une scène de barricades. Juillet 1830, Paris : à l’arrière-plan on voit les tours de Notre Dame. Les parisiens se révoltent contre le Roi Charles X qui bafoue les libertés de 1789. Quatre personnages de gauche à droite : un ouvrier avec un sabre ; un bourgeois en haut de forme ; un paysan en chemise bleue ; un enfant des rues qui inspirera Victor Hugo pour créer Gavroche.
Au centre, une femme évoquant les statues grecques antiques souvent dénudées ; elle symbolise la liberté en marche.
La scène est composée en pyramide avec à son sommet le drapeau tricolore. Les couleurs flottent au-dessus d’une pyramide humaine composée à la fois de cadavres de soldats morts et puis des révolutionnaires en armes. Cela représente l’union retrouvée de la nation autour de ses valeurs de 1789. Delacroix peint des événements qu’il a vus ; un tableau si réaliste que la critique de l’époque est choquée par cette femme à moitié nue.
Les régimes successifs vont cacher la peinture ; pas question de donner des idées de révolte au Peuple. En 1874, 7 ans après la mort du peintre, la IIIème République cherche des symboles : « La liberté guidant le peuple » est accrochée au Louvre et ne le quittera plus jamais.
2. Contextualisation plus fine :
La Liberté guidant le peuple est une huile sur toile peinte en 1830 par Eugène Delacroix appartenant au courant du romantisme français. Le peintre représente des insurgés sur les barricades lors de la Révolution Française de Juillet 1830. Les 27, 28 et 29 juillet 1830, une partie des Parisiens se soulève contre la politique du roi Charles X. Dans cette œuvre, entre réalité et allégorie, Delacroix fait le choix de mettre en avant certains aspects des Trois Glorieuses.
Le peintre rend hommage au peuple qui se rebelle. Il montre bien que la révolution est parisienne (les tours de la cathédrale Notre-Dame de Paris apparaissent en l'arrière-plan à droite du tableau). Les barricades symbolisent le combat dans les rues étroites et sinueuses du Paris de 1830. La scène représente un assaut dans lequel le peuple parisien semble avancer vers le spectateur, les armes à la main.
La diversité des insurgés est mise en valeur par le peintre. Deux enfants des rues occupent une place importante dans la composition : l'un, à gauche du tableau, s'agrippe aux pavés, tandis qu'à droite, un autre garçon brandit des pistolets et avance, bras levé, un cri de guerre à la bouche. Issus des classes populaires, les deux garçons symbolisent la révolte de la jeunesse. Victor Hugo créera son Gavroche, dans Les Misérables en s’inspirant des personnages de Delacroix.
Côte à côte, sur la barricade, un ouvrier, reconnaissable à son tablier, un bourgeois affublé d’un haut-de-forme et d’une redingote… L'homme au foulard noué sur la tête est sans doute un paysan. En arrière-plan, on discerne le bicorne d'un étudiant de l'École polytechnique, membre de la bourgeoisie. La diversité des combattants est le reflet de la société. Le peintre cherche ainsi à glorifier le peuple parisien engagé dans la lutte pour la liberté.
Le personnage qui domine la composition est une femme du peuple ; elle mène l'assaut. Coiffée du bonnet phrygien adopté par les révolutionnaires depuis 1789, drapée à l'antique, elle est une allégorie de la Liberté, qui guide le peuple parisien dans la révolution. La composition forme un triangle dont le point culminant est le drapeau tricolore, couleurs de Paris et de la royauté. Elle tient également dans sa main gauche un fusil à baïonnette. Delacroix inscrit les Trois Glorieuses dans la continuité de la Révolution Française et propose au spectateur une lecture résolument romantique de l'événement. Il qui exalte la grandeur du peuple parisien, guidé par un idéal de liberté.
Certains aspects de la révolution de Juillet sont volontairement laissés de côté. D'abord ses origines : le peuple de Paris s'insurge du fait de la politique réactionnaire du roi Charles X. Dans un contexte de montée des revendications, en particulier sur le rétablissement du suffrage universel, ce dernier publie 4 ordonnances qui restreignent fortement les libertés publiques dont, notamment, la liberté de la presse. Le 27 juillet 1830, les journalistes décident de désobéir et de faire paraître leurs journaux sans autorisation. L'insurrection commence. Pourtant, aucun journaliste n'apparaît dans la composition. Delacroix est un modéré et n'a pas participé aux combats ; il se voit comme un spectateur et préfère exalter la Liberté en armes plutôt que de mettre en avant les menaces qui pèsent sur elle.
La violence des affrontements n'est qu’indirectement représentée, essentiellement par les cadavres de soldats de Charles X morts au combat qui gisent au premier plan. Le peintre a choisi de représenter un assaut, dans une composition vive et tourmentée qui « évoque » clairement la violence des combats mais sans les représenter directement. Le gouvernement monarchique envoie l'armée pour réprimer l'insurrection : au terme des « Trois Glorieuses », on dénombre 500 victimes dans les rangs révolutionnaires et plusieurs milliers de blessés.
La composition romantique du tableau de Delacroix exalte la Liberté ; c’est une lecture enthousiaste et triomphale de la révolution de Juillet 1830 qu’il convient de nuancer. Si Charles X est contraint d'abdiquer le 29 juillet, il laisse place à son cousin Louis-Philippe 1er, qui monte sur le trône sous le titre de « Roi des Français ». La République n'est pas restaurée et la monarchie constitutionnelle au suffrage censitaire reste en place. Ce n'est pas un changement de régime, seulement de dynastie.
Chef d’œuvre lyrique et romantique, la toile est devenue, malgré elle, un véritable symbole républicain. Elle laisse volontairement de côté certains aspects de la révolution de juillet 1830 : ses origines, la violence des affrontements ou encore ses conséquences nuancées. Ce n'est qu'après la Révolution de 1848 que la République est restaurée et que le suffrage universel est rétabli en France. C’est la IIIème République, à la recherche de symboles, qui inscrira le tableau d'Eugène Delacroix dans la postérité ; il incarne depuis le combat pour la liberté d'un peuple uni dans la lutte et l'idéal révolutionnaire.
3. Eléments de mise au point scientifique :
Les grilles d’évaluation par compétences ci-après sont utilisables en fonction des objectifs visés par l’enseignant, aux choix de ce dernier. L’évaluation peut être classique, par l’enseignant, mais peut aussi être faite en auto-évaluation ou en co-évaluation (par l’enseignant, par les pairs dans le groupe ou par la classe lors d’une restitution).
- Dossier documentaire de l’œuvre proposé par le musée du Louvre, 2018. (A télécharger)
- L’Histoire par l’Image, La liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix, Malika DORBANI-BOUABDELLAH, septembre 2020. Accès enseignant gratuit via EDUTHEQUE.
- « La liberté guidant le peuple : une œuvre polémique. », Rétronews, Le site de presse de la BnF.
- Fiche WIKIDIA (Encyclopédie 8-13 ans).
- Fiche WIKIPEDIA (Encyclopédie libre).
- ALBIGÈS Marie-Luce, L’ère des barricades 1827-1851, site l’Histoire par l’image, 2004.
Question : Pourquoi ce chef d’œuvre est-il aujourd’hui un emblème de la République ?
Méthodologie de travail : Classe en ilots pour travailler la compétence orale entre pairs dans les groupes et au moment de la mise en commun. Trace écrite commune dans les groupes.
Etape 1.
En groupes : Distribuer 4 « détournements » de l’œuvre originale dans chaque ilot (1 par élève) – apport non exhaustif en annexe.
Après un temps de travail personnel, les élèves doivent présenter une œuvre au reste du groupe selon la méthodologie suivante (Auteur, Nature, Date et Idées -description-).
Travail oral évaluable entre pairs ou en autoévaluation (voir IV. Compétences évaluables et différenciation)
En classe entière : Quels sont les points communs de toutes ces œuvres ? (organisation, personnages) Que peut-on en déduire ? – amener les élèves à dire qu’ils font référence à une œuvre connue de tous - Reconnaissez-vous l’œuvre originale ? Pouvez-vous la citer ?
Etape 2.
En classe entière : Afficher l’œuvre originale sur TBI et distribuer le crayonné de l’œuvre (coanimation possible avec le professeur d’Arts Plastiques). Donner également le cartel de l’œuvre.
Ou en groupes : Afficher l’œuvre originale sur tablette - 2 tablettes par ilot - et distribuer le crayonné de l’œuvre (coanimation possible avec le professeur d’Arts Plastiques). Donner également le cartel de l’œuvre.
Contexte historique : Le professeur d’histoire raconte le contexte –Evénements - signification des personnages – place de l’auteur dans l’événement.
Organisation / Construction de l’œuvre : Le professeur d’Arts Plastiques – construction – mouvement pictural + dimensions (œuvre monumentale).
Trace écrite autour du crayonné mis en couleurs (pour fixer des repères visuels) – Les personnages + quelques éléments de contexte + la barricade + éventuellement la construction en triangle typique de l’art monumental de « propagande » (vers le programme de Troisième).
1. Zoom sur le personnage de la femme – Cours dialogué - Allégorie La liberté ? OUI La République ? NON pas au moment de sa réalisation. Incarnation de Marianne ? NON Delacroix peint une Liberté ; Delacroix n’était pas républicain. Qui est Marianne ? Que représente-t-elle ? LA REPUBLIQUE (IIIème République) – en montrer d’autres éloignées de l’image de la Liberté de Delacroix. Confusion ? Pourquoi ? Récupération par la IIIème République qui cherche des symboles + montrer le billet de 100 francs 1993 et le timbre Delacroix (deux objets du quotidien qui ont fini d’entretenir la confusion entre Marianne et la Liberté de Delacroix).
2. Comment, à votre avis, cette liberté est-elle perçue par les contemporains ? – Cours dialogué - Un personnage qui choque, qui fascine, qui ne laisse pas indifférent. Laisser les élèves s’exprimer : Et vous, cette image vous choque-t-elle ? Comment trouvez-vous cette Liberté ?
Support de trace écrite possible : Détail – crayonné – voir document annexé.
Documents associés : Timbre Delacroix – billet de 100 francs 1993 – Extraits des articles d’époque Rétronews
3. Zoom sur la barricade – Etude autour du thème des barricades – Classe puzzle
Pourquoi la barricade, exaltée dans l’œuvre de Delacroix, est-elle indissociable de l’acte révolutionnaire et de la conquête des libertés ?
Objectif : rédiger une réponse construite collective (Je présente le document / Je décris le document / Je réponds à la question posée). Temps estimé : 30 minutes en classe puzzle avec restitution croisée et prise de notes.
Document 1 : Paul-Léon Jazet, d’après Martinet, Combat dans la rue Saint-Antoine, 28 juillet 1830 © Photothèque des Musées de la Ville de Paris - Cliché Degraces.
Document 2 : Sur les barricades, Le Moniteur universel, 22 février 1848.
Document 3 : Charles-François Thibault, Barricades rue du Faubourg-du-Temple 25 juin 1848, daguerréotype, Musée Carnavalet.
Document 4 Premières barricades de mai 1968, photographie, 3 mai 1968.
Document 5 Plan des barricades élevées à Paris pendant l'Insurrection de Juin 1848 (détail), Gallica (lien permettant d’accéder au zoom sur le plan).
Document 6 Victor HUGO, Sur une barricade, L’année terrible (recueil), 1872
Question 1 : Après avoir présenté les documents, décrivez les caractéristiques d’une barricade. Regardez bien les détails. (Docs. 1, 3 et 4)
Question 2 : Après avoir présenté les documents, expliquez le but et la fonction des objets utilisés qui constituent les barricades. (Doc. 2, 3 et 5)
Question 3 : Reprenez le tableau de Delacroix. Après avoir présenté de document 6, quels liens pouvez-vous faire ? Quel personnage, présent dans le tableau de Delacroix, semble décrit par les vers de Hugo ? (Doc. 6)
Eléments de synthèse : Les barricades sont des entassements de matériaux et d’objets divers. Elles sont improvisées désorganisées et symbolisent le soulèvement populaire, le souffle révolutionnaire. Elles célèbrent la force du peuple, uni dans l’action, dans la conquête de la liberté, de la République.
Etape 4.
Ouverture possible en Arts-Plastiques : détournement du tableau ou « à la manière de… » avec exposition dans l’établissement des réalisations.
Eléments de conclusion à rappeler aux élèves :
- Une allégorie de la liberté dans le contexte révolutionnaire de 1830.
- La barricade, autre élément central de l’œuvre, symbole de lutte et de contestation (1789, 1830, 1848, 1871, 1968).
- C’est l’association des deux éléments (Liberté + Barricade) qui transmet l’idée de conquête (la République est une conquête).
- Une œuvre puissante dans son message, majeure et centrale du musée du Louvre. Un point de repère.
- Même si confusion, une œuvre qui a ancré une figure républicaine dans l’inconscient collectif, celle de la Liberté. Elle a aussi contribué, malgré elle, à donner un « visage » à Marianne, allégorie de la République (timbre/billet).
M. Stéphane FOUCHARD, Collège Paul Chevallier, Le Grand Lucé
éditeur(s) :histoire-géographie-citoyenneté - Rectorat de l'Académie de Nantes