ANNEXES

                                                                                             

Annexe 2 :     

                                      Extrait de l’introduction d’Emile Chambry   .  Gf Flammarion

L ‘ Agamemnon est la première pièce de l’Orestie; trilogie composée de 1’Agamemnon, des Choéphores et des Eumenides et suivie du drame satirique Protée. L’Orestie fut jouée en -458, sous l’archontat de Philoclès. Eschyle obtint alors le premier prix.
Les trois pièces se font suite. La première a pour sujet le meurtre d’ Agamemnon par sa femme Clytemnestre, secondée par son amant Egisthe; la seconde, la vengeance qu’Oreste tire des deux meurtriers; et la troisième le jugement d’Oreste, poursuivi par les Euménides et acquitté par l’Aréopage.
Quant au drame satirique Protée, dont il ne reste rien, il avait sans doute rapport au séjour de Ménélas en Egypte et aux prédictions qu’il arracha par la force à ce dieu marin, sujet traité par Homère, au  chant IV de l’Odyssée.
Rien de plus pittoresque et de plus original que le début de l’Agamemnon. Il fait nuit. Juché au haut du palais, un veilleur guette le signal de feu qui doit apprendre à la reine Clytemnestre la prise de Troie et le prochain retour de son mari, Agamemnon. Tout à coup il voit briller la flamme et il pousse un cri pour avertir la reine; heureux du retour de son maître, mais inquiet de ce qui se passe dans le palais. On voit alors s’avancer le chœur composé de vieillards d’Argos. Ils viennent demander à la reine la raison ces sacrifices dont ils ont vu les feux s’élever dans la ville. En l’attendant; ils se rappellent le départ des Grecs pour Ilion, départ voulu par les dieux, vengeurs de l’hospitalité violée par Pâris, et le présage envoyé par Artémis et expliqué par Calchas, présage heureux et fâcheux à la fois; car si la déesse accorde aux Grecs un vent favorable, elle exige en échange le sacrifice d’Iphigénie, qui aura pour suite le meurtre d’un époux…Tandis que les vieillards retracent en termes émouvants comment la vierge fut immo­lée par la volonté d’un père, Clytemnestre sort du palais. [ ---]

Extrait de la première intervention du chœur

-{C'est alors que l'aîné des chefs de la flotte achéenne, toujours déférent à l'égard des devins, se soumit aux coups de la fortune. Le peuple achéen s'impatientait de cette immobilité où s'épuisaient les vivres des navires arrêtés en face de Chalcis au rivage houleux d’Aulis..
Les vents soufflaient du Strymon, apportant les retards funestes, la famine, les mouillages périlleux, la dispersion des hommes, n'épargnant ni les coques ni les cordages, et, en prolongeant l’attente, épuisaient et déchiraient la fleur des Argiens.

Mais lorsque le devin, mettant Artémis en avant, indiqua aux chefs un remède plus pénible encore que la tempête amère, alors les Atrides, frappant le sol de leur sceptre, ne purent retenir leurs larmes.

Et l'aîné des rois s'écria: « Cruel est mon sort, si je désobéis,. cruel aussi, s'il me faut  déchirer mon enfant, l'ornement de ma maison, et souiller, près de l'autel, mes mains paternelles aux flots de sang de la vierge immolée. Des deux côtés, il n’y a que malheur. Comment déserter la flotte et trahir mes alliés? Si le sacrifice de ma fille et son sang virginal doivent apaiser les vents, on peut sans crime le désirer ardemment, très ardemment. Puisse-t-il tourner à bien! »

Et, lorsqu'il eut passé sous le joug de la nécessité, les dispositions de son âme changèrent,. animé d'une pensée impie, criminelle, sacrilège, il prit dès lors une décision d'une audace inouïe. Car le funeste égarement de l'esprit, qui est à l'origine de nos maux, enhardit les mortels par ses honteux conseils. Il osa donc sacrifier sa fille pour soutenir la guerre entreprise pour une femme et ouvrir la route à la flotte.

Les chefs, dans leur ardeur belliqueuse, n'eurent aucun égard à ses prières, à  ses appels à son  père, à son âge virginal, et son père, après la prière  aux dieux, fit signe aux ministres du sacrifice  de la saisir, comme une chèvre, de la soulever au-dessus de l'autel, enveloppée de ses voiles et s'attachant à la terre désespérément, et de bâillonner sa belle bouche pour arrêter ses imprécations contre sa famille, par la force et la violence muette d'un frein. Mais tandis que sa robe teinte de safran glisse sur le sol, elle éveille la pitié en frappant chacun des sacrificateurs d'un trait de ses yeux. Elle a l'air d'une image qui veut parler, elle qui souvent, dans les banquets somptueux de son père, chantait et entonnait de sa voix de vierge sans tache l'heureux péan de la troisième libation pour lui témoigner son amour.