Un homme seul au monde
Cette anecdote nous a été racontée par Délice Béranger, pêcheur de Sèvre et de Loire.
Elle nous démontre que la Loire est aussi forte que l'homme. Et nous prouve que les naufrages peuvent se produire dans les fleuves et en dit long sur les risques de la navigation dans l'estuaire.
Délice Béranger aimait à raconter comment il s'était retrouvé seul au monde, ce jeudi 13 février 1958.
Tout commença tôt le matin quand il prit son bateau. Le temps s'annonçait rude, le plein de carburant n'avait même pas été fait, de quoi piquer une bonne colère. Ce qui le poussait avant tout à ne pas renoncer à partir pêcher, c'était sa famille car il devait gagner sa vie et nourrir la maisonnée.
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Ainsi ce matin-là, à cinq heures, il prit son bateau avec quelques provisions mais il était le seul pêcheur obstiné à naviguer alors que la météo avait annoncé qu'il y aurait une tempête pendant trois jours. Il était pour le moins têtu. La tâche devenait vraiment dure au fur et à mesure qu'il avançait. Le vent soufflait si fort qu'il faisait claquer les volets de la cabine. La pluie "assassinait" les carreaux empêchant de voir. Le bateau virait de droite et de gauche et Délice avait du mal à tenir le cap, surtout quand la Loire se déchaîne ainsi, comme si elle en avait marre qu'on "la navigue" de long en large. |
Les tamis du bateau s'échappèrent. Il courut pour les rattraper mais, un peu plus, c'est lui qui passait par-dessus bord. Ses tamis disparurent avec le peu de civelles qui lui restait. Pour comble de malchance, la pluie noya soudain le moteur qui s'arrêta net au beau milieu du fleuve. Et ce qui l'effrayait le plus, c'était que l'embarcation dérivait inéluctablement vers un tout petit bras de la Loire qu'aucun pêcheur n'empruntait, faute de profondeur suffisante. Le bateau s'échoua dans la vase, pris dans une tempête devenue entre temps diabolique.
Quoique pêcheur et connaissant les risques, Délice Béranger avait très peur.
Il resta trois jours dans la cabine de son bateau, tenaillé par la peur et anéanti par la tempête qui frappait autour.
Tout finit bien, heureusement, car on lui porta secours le lundi 17 février 1958.
Cette anecdote permet de faire comprendre à tous les pêcheurs que dans l'estuaire comme en mer, il est essentiel de bien suivre la météo, ne pas en faire qu'à sa tête surtout si on tient à rester vivant.