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Voici une anecdote relatant le passage du roi Charles IX à Thouaré lorsque le pont de Pirmil s'étant écroulé, le seul accès pour aller au Nord de Nantes était un détour par Thouaré.

Un voyage mouvementé

Pour se rendre à Nantes le roi ne se déplaçait jamais seul : il avait toujours avec lui deux serviteurs, sa majesté la reine et moi, son fidèle conseiller.

Nous parcourions la France depuis déjà une semaine et sa Majesté le roi Charles IX avait été extrêmement fatigué par le voyage. Nous devions nous rendre en la ville de Nantes afin de régler un problème administratif touchant à la construction d'un nouvel hôtel de ville. Nous étions presque à destination et déjà le roi se réjouissait à l'idée de poser enfin pied à terre. Son sourire s'effaça cependant lorsque nous apprîmes que le pont de Pirmil s'était effondré. Cherchant un moyen de traverser, on nous indiqua un autre passage, assez modeste mais seul praticable. Il se situait à Thouaré, petit village à une heure de route. En entendant cette nouvelle, le roi se mit dans une colère sans précédent, vociférant que tout cela était inadmissible. Il fallut le convaincre que c'était la seule solution. Nous reprîmes alors notre route, sur des chemins cahoteux. Les soubresauts du carrosse empêchaient le roi de dormir, ce qui n'arrangeait en rien son humeur. Ce n'est qu'après de nombreuses récriminations que le carrosse s'arrêta enfin. Nous descendîmes alors et manquâmes de tomber à la renverse : on nous avait annoncé un passage modeste, mais ce que nous trouvions là dépassait tout entendement. Nous étions attendus par une gabare, un petit bateau plat et miséreux.

Il n'en fallut pas plus au roi pour sortir de ses gonds. Il hurla alors qu'il était inadmissible qu'on le reçoive de la sorte, qu'il était le roi et méritait mieux qu'un simple radeau pour traverser le fleuve, et qu'il n'accepterait jamais de monter sur cette vieille planche mitée. Il fallut donc de nouveau le raisonner longuement, lui dire que sa présence à Nantes était vitale, que sa majestée ne pouvait se permettre de montrer une telle image d'elle-même à son peuple bien aimé.

Après maints compliments et arguments, il accepta et finit enfin par monter à bord. La traversée fut périlleuse. Le roi qui s'agrippait à un serviteur manqua de nous faire tous tomber à l'eau, ce qui aurait encore plus diverti les bourgeois et les paysans qui nous observaient d'un air moqueur. Quelle humiliation !

Un carrosse un peu moins royal que le précédent nous attendait sur l'autre rive. Là encore, le roi s'abandonna à sa fureur mais se laissa rapidement convaincre de monter. Le voyage fut long et l'arrivée à Nantes assez discrète, contrairement à ce qui avait été prévu. Nous séjournâmes trois mois à Nantes. Mais le roi, avant son départ, en plus de signer la construction de l'hôtel de ville, ordonna la reconstruction rapide du pont de Pirmil.

Maintenant, à chaque fois que nous avons à traverser la Loire en passant par Nantes, sa majesté m'ordonne de m'assurer que le pont ne s'est pas une fois de plus effondré.