Ces modalités d'apprentissage favorisent ainsi la verbalisation. Dans la classe de Stéphanie, l'inversion du temps de parole est remarquable. Au cours de la séance observée, la parole des élèves occupe plus de place que celle de l'enseignante qui arbore davantage une
posture de lâcher prise et d'accompagnement. Les élèves se questionnent entre eux, expliquent leurs idées et formulent des hypothèses : “Il faut comparer le glucose avec l’adrénaline”, “je pense qu'il faut regarder le rythme cardiaque”. Les échanges font progresser la réflexion qui est posée par écrit dans le cahier de l'élève. Le schéma, sur les tableaux, complète la rédaction, en est l'aboutissement.
Les critères de réussites observés sont nombreux. Le bénéfice apporté par la multiplication des tableaux est double : visibles de tous, ils permettent aux élèves de visualiser les étapes de construction des autres groupes et ainsi aident à la progression. Le cheminement étant visible, c'est aussi un moyen pour l'enseignante de mieux identifier les besoins de ses élèves au cours de la séance. Elle peut ainsi apporter son aide mais aussi vérifier la justesse de la progression et valider avec les élèves leurs travaux. En effet, à partir du schéma, Stéphanie questionne pour approfondir la notion et s'assurer de sa compréhension. En fin de séance, un regroupement se fait autour d'un tableau présentant une réflexion aboutie. Un élève reformule à la classe les étapes de sa réflexion. Si besoin, l'enseignante ou les élèves corrigent ou complètent.
Les modalités d'apprentissages développées par Stéphanie font l'unanimité auprès de ses élèves, comme en témoignent Hugo, Joan et Jordan : “Chacun avance à son rythme. On va chercher des auto-corrections. Jordan est arrivé une activité après nous”, “On interagit, c'est plus motivant. On travaille mieux, il y a toujours plus de détails, plus d'éléments”. Clémentine, Lucie et Émeline partagent cet avis : “On peut aider les autres. Quand on est seul, c'est plus compliqué, on est livré à nous-même“. Quant à la flexibilité au sein de l'espace classe, “on est à l'aise, l'esprit plus détendu”, ajoute Noah, son voisin. Avis confirmé par Ryan, “C'est moins pesant”. Le mobilier à disposition, des poufs, des ballons ou des tables hautes, favorise ce bien-être propice aux apprentissages. Les élèves savent rapidement l'utiliser à bon escient.
Les savoirs sont mieux maîtrisés grâce à l'appropriation et la verbalisation. La mutualisation, “ça aide beaucoup à comprendre notre problématique” déclare Jade. De son côté, Ryan partage ce constat, “On a l'impression de mieux comprendre les documents”.
Du côté de l'enseignante, la méthode est efficiente, la construction des concepts et l'élaboration des schémas par l'élève, “c'est du temps de gagner pour la suite, la mise en place d'automatismes”. Quant à son programme, il faut s'imposer un rythme et revenir pour certaines connaissances à la transmission d'un savoir plus descendant. Un constat est parlant, “Je n'ai plus d'élève qui attend”, remarque Stéphanie. Tous sont dans la construction et trouvent réponse à leurs questions auprès d'un pair ou de l'enseignante. Enfin, si les préparations de séances demandent du temps, les modalités d'apprentissages permettent à Stéphanie une plus grande disponibilité pendant la séance, mise au service de l'observation et de l'accompagnement des élèves. Elle remarque aussi un regard plus positif des élèves sur l'évaluation, les élèves ne se comparent pas au niveau des résultats.
Devant ces constats positifs, Stéphanie Cailleau, soutenue par la direction de son établissement, souhaite bénéficier d'un accompagnement Cardie visant à intégrer cette expérimentation au projet d'établissement, mais aussi à l'amélioration du dispositif afin de favoriser sa mise en œuvre par les collègues désireux de développer ces pratiques.
Ainsi, à l'aune du dispositif observé dans la classe de Stéphanie apparaissent des principes clés pour se lancer, à savoir, l'aménagement d'un espace classe au service de la circulation des élèves et de la flexibilité, une situation favorisant la mutualisation et une séance cadencée sur un rythme ternaire (conceptualisation-explicitation, mutualisation, bilan) et un mot d'ordre, commencer humblement.
1. Vincent Faillet, professeur agrégé de sciences de la vie et de la Terre, auteur de La Métamorphose de l'école
La métamorphose de l'école ; ressource sur la classe mutuelle disponible aussi sur le site du ministère de l’Éducation nationale de la jeunesse et des sports
QUID #1 : la classe mutuelle - Archiclasse.