Néanmoins, si toute cette mise en place témoigne assurément d’une démarche volontariste, l’innovation principale est ailleurs. Elle réside dans la construction, à partir et autour de Devoirs faits, de tout un réseau d’initiatives qui font que c’est chaque jour et sous des formes multiples que l’élève peut bénéficier d’un accompagnement au travail. Ainsi, le collège a décidé qu’en sixième, chaque professeur principal (qui assure donc l’heure Devoirs faits) coanimerait une heure par semaine un cours de français et une heure par semaine un cours de maths de “sa” classe ; ce qui permet à cet enseignant, notamment s’il enseigne une discipline à faible quotité horaire, de passer
deux heures supplémentaires par semaine avec les élèves. Cela lui fournit l’opportunité d’observer leur implication en classe, de travailler, de s’organiser. Cela favorise un accompagnement d’autant plus précieux et efficace sur le temps Devoirs faits lui-même, comme en
témoigne un enseignant. Par ailleurs, un tiers des professeurs de l’établissement est volontaire (bénévolement) toute l’année pour ouvrir leur salle de cours jusqu’à trois midis par semaine (12 h 45-13 h 30 environ), afin d’écouter, conseiller, accompagner les élèves dans leur matière notamment, pour une simple question ou un travail plus conséquent. Cette disponibilité est officielle puisque communiquée aux élèves dès le début d’année. Autre facilité importante, l’accès libre laissé aux élèves hors temps de cours à la salle informatique (le collège est collège numérique donc bien équipé dans ce domaine) et à la salle de permanence. Ce fonctionnement sur la confiance et la bienveillance et
la mise à disposition de lieu et de moyens facilitent aussi la mise au travail personnelle, l’apprentissage de l’utilisation des outils numériques dans le travail personnel ainsi que l’entraide et la coopération entre élèves. Enfin, l’existence au collège d’une possibilité de “mini-service civique”, appelé
Projet d’action citoyenne, a permis entre autres cette année à trente-et-un élèves de quatrième de mener pendant sept semaines, et avec un encadrement, un projet de tutorat et d’accompagnement au travail de vingt-sept élèves de cinquième en réelles difficultés, d’où le nom non dénué d’humour de ce parcours : “Il faut sauver le soldat 5e” ! Et si les élèves accompagnés apprécient beaucoup ce compagnonnage, cela est vrai aussi des aidants comme en témoigne Léa : “J’ai donné des conseils sur les méthodes de travail et des techniques pour apprendre les cours. J’ai dû m’adapter à chaque élève pour mieux les aider (…). Cela m’a permis aussi de valider mes compétences du socle”. Et Louane complète : “Les conseils d’un élève plus grand plutôt qu’un professeur sont peut-être parfois plus compréhensibles pour des élèves en difficultés. On a pu leur donner des conseils sur certaines méthodes de travail. J’ai pu faire aussi quelques révisions sur les notions passées. Et j’ai apprécié de valider des compétences par cette action”.
S’il est encore tôt pour présenter une évaluation de Devoirs faits au collège Jean Moulin on peut constater que plus de 50 % des élèves (et même jusqu’à 65 % des quatrièmes par exemple sur la dernière période) de la sixième à la quatrième y participent (un peu moins en troisième), ainsi que 50 % des enseignants. Mais retenons l’intérêt premier du projet de ce collège rural qui est sans doute de considérer Devoirs faits comme un levier permettant de mettre en musique un projet global à multiples facettes autour de l’accompagnement du collégien dans son travail personnel.
1. “6 h de classe bien employées constituent un maximum au-delà duquel un supplément de travail soutenu ne peut qu’apporter une fatigue préjudiciable à la santé physique et l’équilibre nerveux des enfants. Enfin le travail écrit fait hors de la classe, hors de la présence du maître (…) ne porte qu’un intérêt éducatif limité.” (circulaire du 23/11/1956).