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blogons ensemble…

mis à jour le 15/01/2010


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Les collégiens rechignent à écrire en classe, mais se jettent sur leurs blogs au retour du collège... Désormais, à Guérande, les élèves du collège Jacques-Brel apprennent dès la sixième à utiliser ce support pour s'exprimer collectivement, à l'oral comme à l'écrit. Leur professeure de français a réussi son pari : allier exigence et modernité !

mots clés : blog, écrire, numérique, site, ressources numériques


Christelle Guillot n'a rien d'une informaticienne. Professeure de lettres modernes, elle enseigne le français à des classes de collégiens qui ne sont pas toujours très motivés par les lectures ou les écrits proposés. Elle souhaite pourtant ardemment leur faire découvrir le patrimoine culturel, leur faire acquérir les notions indispensables à une expression écrite et orale correctes. Alors comment faire ? Pour dépasser les plaintes que nous déclinons tous quand le découragement nous gagne à la lecture des copies de nos élèves, cette enseignante a décidé de se lancer dans une drôle d'aventure : créer un blog avec tous ses élèves, de la sixième à la troisième. Prudente, elle a commencé il y a deux ans avec sa classe de troisième. Au début, son idée était de créer un site, mais ses compétences en informatique lui semblaient insuffisantes. Le blog, lui, a pour avantage d'être une publication qui, tout en sollicitant également les réactions de ses lecteurs, est plus facile techniquement à utiliser. Grâce aux échanges qu'elle avait avec des collègues sur le site de Weblettres, C.Guillot s'est rendu compte qu'elle n'était pas la seule à avoir envie de se lancer et qu'il fallait bien expérimenter pour innover.

Les mots à la bouche

Pour la plupart d'entre nous, un blog est un espace d'expression sur internet, le plus souvent investi par des émois d'adolescents, des déclarations de militants de tous âges ou des états d'âme d'adultes en crise ! Il suffit d'aller voir sur celui des élèves de C. Guillot pour se rendre compte qu'un blog peut être tout autre chose et devenir un espace d'expression collective, dédié à la socialisation de productions d'élèves. Qui dit socialisation dit réaction et, entre l'exposition annuelle des travaux d'élèves et la publication hebdomadaire ou mensuelle, on voit bien que la communication est différente. D'ailleurs, les élèves le disent, ils apprécient de lire les commentaires postés par les lecteurs et sont aussi ravis que leurs parents puissent découvrir, en temps réel, les thèmes abordés en classe et les réalisations qui en découlent. Car ce blog est, en quelque sorte, la version moderne du journal de classe. Une fois la maquette établie, chaque élève devient auteur, qui d'un compte rendu de lecture, qui d'une rencontre ou d'une sortie. La modernité du blog tiendrait donc à ses capacités techniques de diffusion plus vaste ? Pas seulement bien sûr, car l'outil ouvre bien plus grand les portes de la communication et celles de l'innovation pédagogique. L'écrit n'est plus le seul vecteur, l'image et le son s'ajoutent aux supports à travailler. Et pour autant, la maîtrise de l'expression n'est pas le seul objectif visé car cette nouvelle forme de travail implique respect des lois et attitude coopérative, soit une conduite citoyenne.

Effervescence tempérée

Le blog "Les mots à la bouche" regroupe une vingtaine de rubriques, alimentées depuis deux ans par les élèves, au gré de leurs productions. Cela change leur relation avec l'écrit car pour une majorité d'entre eux, écrire devient plus facile, plus motivant, lorsque le message est réellement adressé à un public. On le sait depuis longtemps, la relation duelle élève / professeur ne développe pas vraiment le goût de l'expression écrite. Ici, les rubriques sont très variées et montrent que si les pratiques dans la classe l'étaient sans doute déjà, ce nouveau mode de fonctionnement a considérablement enrichi le travail quotidien en classe de français. Le banal compte rendu de lecture devient une page régulière, l'exposé, une émission... et les élèves montrent aussi leurs tâtonnements quand il s'agit de réaliser leurs premières cartes mentales (voir ci-dessous). Le tout étant soumis au regard, à l'écoute des autres et conduisant donc à des comités de rédaction pour décider collectivement de l'intérêt ou du bien fondé de la publication. Lorsque la forme n'est pas assez aboutie, par exemple, la question du risque d'une expression publique se pose pour ne pas mettre en danger son auteur. Néanmoins, malgré tous ces échanges, le blog collectif ne permet pas à l'enseignante de faire un suivi précis de ses élèves. Certains produisent peu et d'autres perdent leur motivation, au fil de l'année, pour cette vitrine qui ne leur appartient qu'en partie.


Un blog, deux blogs...

Forte de cette première expérience, C.Guillot décide, l'année suivante, de fédérer une de ses classes autour de la création d'un blog d'un autre genre. Il se trouve qu'elle souhaite également faire participer ses élèves de troisième au Concours national de la Résistance et de la déportation, autour de la thématique des Justes parmi les nations. Tout au long de l'année, les élèves vont vivre des moments très forts grâce à de multiples rencontres faites lors d'un voyage à Paris et en Alsace, mais aussi à Guérande. En effet, une correspondance s'engage entre les élèves et des hommes et des femmes qui ont été cachés pendant la guerre ou bien avec des couples de Justes. Le travail mené en classe, lui, est fait de recherches documentaires, de lectures de fictions ou de récits de vie, de la préparation d'une exposition présentée aux autres classes de troisième du collège (voir annexe)... Et tout cet ensemble de comptes rendus écrits, de lectures oralisées, de photographies, est organisé sur un blog entièrement conçu par les élèves de troisième. Ces derniers et leur enseignante rêvaient du prix national, ils obtiendront le prix départemental, mais qu'importe, il suffit de se rendre à l'adresse de "Sur les chemins de la Mémoire" pour découvrir le remarquable travail réalisé qui, par ailleurs, servira de base documentaire, l'année suivante, à la nouvelle classe de troisième engagée dans le même concours.

... trois blogs !

Le projet mené sur le thème de la Résistance a permis une meilleure répartition des tâches, puisque les rubriques à réaliser offraient à peu près les mêmes conditions de travail qu'un itinéraire de découverte, dans lequel chaque groupe est responsable d'une partie de la réalisation collective. Il a donc été plus aisé pour l'enseignante de conseiller, vérifier et mesurer l'investissement et les progrès de chacun. Poursuivant sa réflexion sur la fonction pédagogique de ce support numérique qu'est le blog, C. Guillot a cherché le moyen de le relier, dans une pratique quotidienne et individuelle de l'apprentissage en cours de français, au système du portfolio développé chez nos homologues canadiens. Est née alors l'idée de créer un blog portfolio pour la classe de sixième. Ce blog est constitué de vingt-six rubriques, chacune intitulée du prénom d'un des élèves de la classe. Chaque rubrique devient, de fait, une sorte de casier virtuel dans lequel les productions écrites ou orales de l'élève sont rangées. Outil pour la classe qui valide ou non les publications, ce blog est le brouillon, le cahier de travail, l'avant-scène en quelque sorte de toutes les productions qui finiront ou non sur le blog "Les mots à la bouche". Outre le fait qu'il permet à l'enseignante de faire un suivi individualisé des progrès ou du travail fourni par chacun de ses élèves, le blog portfolio donne toute sa place à l'apprentissage d'une autonomie dans le travail et à celui d'une réflexion collective sur la déontologie éditoriale.

Un drôle de casier !

Depuis la rentrée 2008, les élèves de sixième de C. Guillot ont un programme hebdomadaire très organisé car deux des six heures passées avec leur enseignante sont des heures en autonomie. La première d'entre elles a lieu le lundi, une heure d'aide individualisée, où l'enseignante a choisi de prendre la classe entière puisque chacun a un travail libre. Muni du programme des tâches mensuelles, chacun s'organise pour avancer son travail d'écriture, de lecture ou de mémorisation. C'est un apprentissage difficile en début d'année, mais l'expérience étant encadrée, c'est un premier pas. La seconde heure en autonomie se déroule le mercredi matin dans la salle multimédia. Pendant que la moitié de la classe travaille sur un questionnaire de lecture ou un entraînement grammatical ou orthographique dans la salle vitrée juste à côté, les autres élèves s'installent, chacun face à un poste informatique. La consigne est d'arriver à ce cours en ayant choisi ce que l'on voulait préparer pour une publication à venir : la saisie d'un texte libre que l'on a écrit précédemment, l'enregistrement d'un fichier-son pour vanter les mérites d'une lecture et en lire quelques extraits, l'enregistrement d'un poème appris par cœur, la rédaction d'un commentaire pour réagir à un article du blog "Les mots à la bouche". À la fin de l'heure, les élèves enregistrent leur travail sous la forme d'une demande de publication. Pour l'enseignante, il sera alors facile de revenir sur chaque fichier-texte ou son et de conseiller des améliorations ou de valider. En même temps, elle aura une vision très précise du travail réalisé en une séance puis au fil du trimestre, puisque le travail enregistré reste dans le casier virtuel que constitue la rubrique de chacun.
 

Des élèves au travail

En assistant à une séance de deux heures, Échanger a pu constater l'implication des élèves. Certes, comme dans toute classe, certains ont tenté d'écrire un texte en direct au lieu de respecter la consigne qui est de saisir un écrit déjà annoté par le professeur. Mais la réponse de l'enseignante a été sans appel, retour dans la salle voisine avant de revenir avec un choix réfléchi. Chaque élève est muni de son classeur dans lequel il peut retrouver les consignes techniques pour réaliser son travail. L'enregistrement d'une lecture ou d'une récitation se fait avec le logiciel Audacity dont l'utilisation est simple. Ce qui est tout à fait intéressant également, c'est la façon dont les élèves s'entraident. Lorsque C. Guillot a expliqué à l'un d'entre eux comment utiliser le dictionnaire numérique ou comment procéder au passage de la saisie sous Open Office à l'enregistrement dans la rubrique nominative du blog portfolio, cet élève-là transmet à son tour. Et, celui qui vient d'apprendre transmet au suivant qui a besoin de l'explication en question... Bien sûr, il serait naïf de penser que, de ce fait, la professeure de français peut faire tout autre chose pendant ce temps ! Treize élèves découvrent une utilisation contrainte de l'outil informatique qui n'est pas spécialement loquace quant à la façon de faire un accent circonflexe ou un alinéa... De plus, les treize autres sont parfois tentés de rappeler leur existence quand C. Guillot est absorbée par un ordinateur capricieux. Mais, de toute évidence, les élèves ont envie d'aboutir car, dès le lendemain, les demandes de publication vont être examinées en classe.

Des élèves au travail

Le jeudi matin, le travail réalisé la veille est projeté au tableau grâce au vidéoprojecteur ; les élèves doivent dire en une minute trente pourquoi ils souhaitent publier (très régulièrement, l'enseignante les fait travailler chronomètre à la main). Pas de commentaires des camarades, mais une réponse positive ou négative avec un argument constructif des élèves eux-mêmes ou de C. Guillot qui se garde le droit d'un refus. En moins de vingt minutes, la classe temporairement devenue comité de rédaction a tranché par rapport à des contraintes listées en début d'année, l'intérêt, la qualité visuelle ou sonore, le risque d'une formulation inadaptée... Parallèlement, l'enseignante relève les fichiers-textes ou sons qui montrent un problème récurrent dans l'usage de la syntaxe, de l'orthographe, de l'expression orale, et ils deviendront le support d'une séance dédiée à la notion à retravailler. Toutes les activités du cours de français peuvent ainsi être reliées. Les comptes rendus de lecture, le choix d'une image qu'on légende, l'exposé appelé "Top chrono" (voir annexe), le texte libre, sont des réactions, des choix des élèves en rapport avec la séquence en cours. Ainsi, lors de la rencontre avec Échanger, la classe venait de terminer une séquence sur le fratricide et ses représentations antiques et avait auparavant travaillé sur le portrait et sur la narration à partir d'une image : de fait, tous les travaux des élèves étaient liés à l'une de ces études, soit par le thème, soit par la forme. L'intérêt de cette forme de travail tient à la motivation qu'elle suscite chez les élèves, à la prise d'autonomie qu'elle conditionne, à la socialisation qu'elle permet, tant du point de vue de la coopération avec les autres que de l'affirmation de soi. C'est aussi un matériau inépuisable pour le cours de français.

Des idées à foison

La salle de classe de C. Guillot reflète bien sa volonté d'exigence et de tolérance, on peut avoir besoin de travailler à certains moments différemment. Dans la salle, six ordinateurs, un vidéoprojecteur, un abonnement au site Texteimage2, mais aussi une bibliothèque de classe, un affichage mural... Beaucoup de variété, donc, dans les propositions et aussi une responsabilité individuelle et collective dans les productions. L'exigence affirmée est qu'on ne peut faire de concession, ni sur l'effort nécessaire de la part des élèves, ni sur la qualité des supports d'étude proposés. Parfois, cependant, l'enseignante doit recaler son rythme sur celui de ses élèves et renoncer temporairement à des rubriques telles que Reporter de la semaine qui réclament un travail trop important au quotidien. Pour autant, l'essentiel est d'inciter les élèves à progresser, à aller plus loin par rapport à leur point de départ. À la fin du premier trimestre, certains ont appris à utiliser l'outil informatique, d'autres s'en sont servi pour enrichir leurs connaissances sur Ovide... Tous ont pu progresser et le constater car la fierté est grande d'avoir collaboré au blog Les mots à la bouche. Une séance trimestrielle a lieu alors pour faire le bilan et se fixer de nouveaux objectifs. L'enseignante projette les rubriques du site alimenté par les élèves de la classe et chacun a deux minutes pour s'exprimer, dans le but d'analyser ce qui est à améliorer, tant sur la forme que sur le fond.

Des changements perceptibles

Les élèves français qui ont un faible niveau de maîtrise de leur langue maternelle entretiennent avec celle-ci des rapports difficiles. Ils ont une image d'eux-mêmes dévalorisée du fait de ces lacunes et ont tendance à résister à un apprentissage qu'ils jugent inutile. La possibilité de s'exprimer qui est offerte pour la troisième année aux élèves de cette enseignante porte ses fruits. À chaque niveau où elle a pu le tester, en troisième, quatrième et sixième, les élèves, même les plus faibles, s'emparent de cette opportunité et (re)nouent des liens avec leur langue, vecteur d'une communication qu'ils apprécient. L'oral, en reprenant toute sa place dans le cours de français, puisqu'on y travaille le fait de lire, dire ou exposer pour un public, permet sans doute les premiers pas vers une réconciliation qui se poursuit par une nouvelle nécessité: écrire correctement pour un blog collectif qui sera lu par les plus grands, élèves, professeurs, parents... L'outil est moderne, relié à leur système de communication, et nul besoin de dire que ces élèves-là valideront rapidement un grand nombre d'items du B2i. D'autant plus que la publication sur internet requiert une certaine vigilance, c'est aussi un travail que l'enseignante mène progressivement avec ses classes. Des premières règles de sécurité en sixième, à la vérification pointilleuse des sources en troisième, en passant par le respect de la vie privée d'autrui, l'ensemble des publications sur les blogs sert de point d'appui à cet enseignement citoyen.
 
auteur(s) :

M. Blin

contributeur(s) :

C. Guillot, Collège Jaques-Brel, Guérande [44]

fichier joint

information(s) technique(s) : pdf

taille : 340 ko ;

ressource(s) principale(s)

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