Les élèves des trois lycées, David-d'Angers, Kallio à Helsinki et Leowey à Pécs, ont donc mené parallèlement, au sein d'ateliers de pratiques artistiques de théâtre et d'écriture, l'élaboration de ce projet commun. Le metteur en scène en était le dénominateur commun. Chacun se trouvait confronté à des connaissances, mais aussi à des histoires individuelles, et soulevaient des questions taboues pour certaines d'entre elles. En imaginant des situations, en se mettant dans la peau de leurs ascendants, les jeunes acteurs du spectacle ont été conduits à vivre de l'intérieur des situations historiques critiques et donc à s'interroger sur le comportement qu'ils auraient été amenés à adopter dans ces tragiques circonstances. C'est en cela que l'histoire individuelle rejoint l'Histoire collective. À l'heure où le nombre de témoins fait peau de chagrin et en contrepoint à l'approche historique privilégiant la raison, le recours à l'émotion, via des récits fondés sur des expériences individuelles, est de nature à faire perdurer la mémoire. Par le croisement des histoires nationales, par l'évocation des divers totalitarismes, le spectacle s'est donc construit sur des propositions de scènes écrites et jouées par chacun des lycées. Mais à deux reprises, novembre à Angers, janvier à Helsinki, tous se sont retrouvés pour continuer écriture et propositions. Les scènes se sont assemblées dans un immense
Puzzle. C'est ainsi que le "chemin de fer" du spectacle s'est échafaudé et arrêté à Helsinki. À la grande surprise de tous, le filage des parties communes a suffi pour faire naître les larmes et l'émotion chez les parents et partenaires finlandais (
voir annexe). Autre surprise, des scènes sont apparues, quasiment les mêmes, émanant des trois lycées. Si chacun avait mis en jeu les conséquences d'une vie dans l'ombre, chaque scène s'est trouvée imbriquée dans un ensemble plus vaste, qu'il s'agisse du chœur du prologue ou des défilés d'une foule envoûtée par un dictateur puis en proie à une fuite éperdue, avant la révolte qui déboulonne les statues. À ces moments, tous étaient en scène et les corps qui s'affolaient, tombaient, se redressaient n'étaient plus français, finlandais ou hongrois. Ce que voyait le spectateur, c'était l'émergence d'une histoire commune, à dimension universelle, d'une Europe en reconstruction et en construction.