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mis à jour le 19/09/2013


echanger dossier 8

Depuis la rentrée 2006, l'enseignement des médias est expérimenté en première et terminale littéraires au lycée polyvalent Le Mans sud. Le dispositif, qui donne la part belle aux créations des élèves, a trouvé sa place et rayonne aujourd'hui dans tout l'établissement.

mots clés : échanger, filière média, première littéraire, enseignements exploratoires, orientation


'une enquête sur le livre électronique au portrait d'Émile Zola, de chroniques littéraires en billets d'humeur, des voix multiples, parfois hésitantes, souvent enjouées, ou bien retenues et concentrées, des voix en duos, toutes jeunes, captent notre attention. Ces moments éclectiques et parfois surprenants sont radiophoniques ou filmés, tous fruits du travail des élèves qui expérimentent la filière média au lycée polyvalent Le Mans sud. De la seconde à la terminale, chacun peut s'impliquer...

L'origine du projet

En 2006, dans ce lycée de la périphérie du Mans, l'expérimentation naît d'abord de la volonté de revaloriser la filière littéraire dont l'effectif est en baisse régulière. Les enseignants souhaitent aussi enrichir la formation des élèves, leur apporter une ouverture d'esprit qui leur manque. En effet, l'aspect géographique (leur volonté de rester au Mans) pèse sur leurs choix d'orientation. Par ailleurs, le manque d'ambition est prégnant : peu d'élèves envisagent une classe préparatoire post-baccalauréat, par exemple. Travailler l'oral, apporter des compétences stylistiques, aiguiser le regard critique et la perspicacité analytique, susciter de la curiosité et aller à la rencontre de professionnels, ces spécificités de l'enseignement des médias sauraient revaloriser la filière littéraire et rendre les élèves plus ouverts et actifs dans leur parcours. Techniquement, le projet est aisément réalisable puisqu'il existe un studio radio dans le lycée. Il se monte autour d'une équipe de professeurs de français, histoire-géographie, d'un professeur d'EPS titulaire de la certification complémentaire cinéma, puis avec un assistant radio recruté pour la mise en œuvre du projet. L'équipe crée bientôt des partenariats avec les médias locaux : presse quotidienne, radio et télévision locales, théâtres 1.

Un dispositif maintenant intégré

Le dispositif a évolué, en ces cinq années ; il est désormais associé aux trois années de lycée. En seconde, il s'inscrit dans l'enseignement d'exploration "Littérature et société" sous la forme d'une initiation d'une heure trente hebdomadaire en trois ateliers : langue anglaise et médias, reportages et chroniques (radio ou web), bande dessinée. En accompagnement personnalisé, un module axé sur l'oral, "Dire des textes à la radio", est proposé. En première et terminale littéraires, l'enseignement des médias, conçu sur le modèle d'une option artistique, comprend cinq heures dont une heure d'accompagnement personnalisé. Le volet théorique, "Histoire des médias" et "Écriture journalistique", occupe deux heures hebdomadaires. Trois heures sont consacrées au volet pratique sous la forme de trois ateliers de douze séances chacun : atelier vidéo (chroniques littéraires et reportages), atelier radio (écriture/enregistrement/production d'une émission radiophonique), atelier d'écriture de reportages publiés sur internet. Le dispositif associe donc une connaissance du monde médiatique à une mise en action des élèves. C'est ainsi qu'ils acquièrent la maîtrise de la technique, celle des méthodes de recherche, la rigueur d'un travail d'écriture qui nécessite des connaissances culturelles pointues, et une adaptation pertinente au support de diffusion, article écrit, enregistrement radiophonique ou film.

De l'initiation...

Toutes ces compétences s'assimilent progressivement au fil des trois années. En classe de seconde, il s'agit surtout d'initier les élèves à l'écriture radiophonique et au travail de la voix. Les compétences acquises sont des atouts pour la maîtrise de l'oral en général, et peuvent aussi susciter des vocations d'élèves pour la première littéraire qui inclut cet enseignement des médias. Les enseignants ont la volonté de plonger les élèves dans l'action : il s'agit toujours de réaliser un produit fini. Dans le cadre de l'atelier radio de l'enseignement exploratoire "Littérature et société", les élèves ont pour mission cette année de rendre compte d'un ouvrage sur le thème de l'autre et l'ailleurs : un roman, une biographie ou une bande dessinée qui leur a plu. Le travail en amont comprend des recherches au CDI (Centre de documentation et d'information) du lycée puis la rédaction du texte critique. Il s'agit ensuite de préparer l'enregistrement, de choisir l'habillage, bruitages et musique, en collaboration avec le technicien radio. Le professeur évalue le travail fini que l'élève a préparé en toute autonomie : prise de rendez-vous avec le technicien, enregistrement achevé et mis en ligne à une date fixée par le professeur. Ces travaux des élèves sont aussi repris sur la page du CDI sous la rubrique "Moi aussi, je critique". L'exercice d'écriture devient alors une réécriture qui permet aux jeunes lycéens de prendre conscience qu'un texte destiné à l'oral - même s'il est rédigé - est différent d'un texte écrit pour être lu. Les élèves comprennent très vite que l'accroche d'un auditeur n'est pas celle d'un lecteur.


... À l'engagement personnel

En seconde toujours, l'accompagnement personnalisé est, quant à lui, strictement axé sur la diction des textes en passant par le média radiophonique. L'objectif est de maîtriser la mise en voix d'un texte et de travailler sur la langue. Les élèves prennent tout d'abord conscience de leur voix via la lecture d'un texte neutre tel que la théorie d'Archimède. Le professeur donne ensuite à lire aux élèves une fable de La Fontaine que les lecteurs novices lisent avec autant de neutralité que le texte scientifique. Cet exercice met au jour le nécessaire travail de repérage du sens qui s'impose avant de lire un texte à haute voix. Suit une phase d'entraînement centrée sur ce travail préparatoire avant de passer à l'action : les élèves doivent écrire un billet d'humeur qu'ils vont enregistrer à la radio. L'exercice d'écriture est donc associé à un approfondissement du travail de la lecture qui doit s'adapter aux différents registres des textes. Il s'agit bien de faire entendre le sens du texte, mais aussi de capter l'auditeur ; la relation entre les mots et le ton est indispensable. Ces activités, qui nécessitent un investissement très personnel des élèves, débrident aussi parfois leur parole. Certains, timides, se trouvent tout à fait désinhibés face au micro, pris au jeu... En première et terminale littéraires, les professeurs donnent de la place à la partie théorique, à une connaissance du monde médiatique à travers l'histoire des médias et l'écriture journalistique. Les travaux de revue de presse, de comparaisons de journaux ou d'émissions télévisées aiguisent le regard des élèves, ouvrent le champ des écritures possibles et développent leur acuité critique.

... puis au grand bain

Après ce cheminement initiatique, vient l'heure de la rencontre avec des professionnels et le passage à la réalisation de travaux libres d'une toute autre envergure. Il s'agit par exemple de préparer une émission radiophonique sur un thème librement choisi. Cette année, un groupe d'élèves a préparé une émission sur les Illuminati, un autre sur les générations. Parfois, l'impulsion est donnée dans un cours. En travaillant sur Tous les matins du monde de Pascal Quignard, en cours de français, un élève a décidé de préparer une émission sur la musique comme personnage du film dans l'adaptation d'Alain Corneau. Une fois le sujet défini, la gestation de l'émission se fait de manière totalement autonome : documentation, recherche de témoins, préparation et réalisation des interviews, production de l'émission, tout est assumé librement par l'élève. En parallèle, chaque rencontre, chaque événement organisé dans le cadre de l'enseignement des médias ou de la vie du lycée peut donner lieu à un reportage filmé, radiophonique ou écrit : la rencontre avec des comédiens au théâtre de l'Espal à l'issue d'une représentation, ou la visite à la 25e heure du livre, par exemple. Les cours théoriques viennent aussi nourrir la pratique. Dans le cours d'écriture journalistique, en première, les élèves prennent connaissance des contraintes rédactionnelles de la presse écrite et de la déontologie du métier de journaliste. Il s'agit ensuite de passer à l'application en créant une émission d'information. Les élèves sont mis en situation, on distribue les rôles et les différents sujets à traiter : politique, économique, sportif ou culturel... Il faut écrire l'émission avec son présentateur, et la produire avec un conducteur comme l'impose le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) ; et enfin l'enregistrer en studio. Cette année, les élèves de terminale vont entrer davantage dans le vif de l'action en réalisant deux émissions en direct sur Radio Alpa, dans des conditions quasi professionnelles. Dès le matin, ils seront pris en charge par le directeur de la station pour une réunion de la rédaction où seront commandés les reportages du jour. Les groupes d'élèves, chacun avec son sujet, partiront en reportage, écriront leur papier au retour, et participeront à l'émission le soir même, en direct.

Une autre façon d'apprendre

En première et terminale littéraires, cinq heures sont consacrées à l'enseignement et à la pratique des médias, ce qui n'est pas négligeable dans l'emploi du temps des élèves qui préparent le baccalauréat. Les enseignants conçoivent donc les travaux imposés en lien avec les programmes disciplinaires littéraires. Les professeurs de lettres proposent par exemple des exercices d'écriture fictionnelle à la radio. En parallèle de l'étude en cours de français du roman L'écume des jours, le professeur demande aux élèves de concevoir et d'enregistrer une interview imaginaire de Boris Vian au café de Flore. En travaillant sur L'étranger de Camus, les élèves sont invités à imaginer une rencontre radiophonique entre le juge et Meursault. Plusieurs compétences entrent en jeu : recherche sur l'œuvre et son auteur, lecture fine du texte, travail d'écriture, mise en voix. Les professeurs soulignent combien ce travail participe à une meilleure maîtrise, et plus durable, de l'œuvre étudiée. Dans l'atelier consacré à l'écriture de reportages publiés sur internet, les professeurs proposent aux élèves des sujets associés au cours d'histoire. Par exemple, en lien avec le chapitre sur "Les relations internationales depuis 1945" en terminale littéraire, le professeur demande à un groupe de travailler sur les jeux olympiques depuis 1946 ou, en première, sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale au cinéma et à la télévision dans le cadre du chapitre sur la Seconde Guerre mondiale. La volonté est de susciter la curiosité des élèves et de leur procurer un approfondissement culturel susceptible d'enraciner les connaissances, et aussi d'étayer d'exemples pertinents une copie de baccalauréat. Le professeur d'histoire-géographie chargé du cours d'histoire des médias précise que pour optimiser le travail fourni, le sujet trimestriel d'évaluation est aussi en lien avec le programme d'histoire : le sujet du premier trimestre portait sur la presse en 1945, en relation avec le chapitre sur le bilan de la guerre. Depuis la mise en place de l'expérimentation, les enseignants constatent unanimement une nette amélioration des copies, tant dans la qualité stylistique que dans la richesse des idées et des exemples développés. Au-delà de cette satisfaction factuelle, les professeurs espèrent avoir formé des élèves plus ouverts, critiques et curieux du monde qui les entoure.


Un solide ancrage dans le lycée

L'équipe enseignante estime aujourd'hui avoir atteint son objectif de départ: la section littéraire a retrouvé de l'attrait, elle n'est plus choisie par défaut. Il est clair que l'initiation aux médias dispensée en seconde via l'heure d'accompagnement personnalisé, le module exploratoire "Littérature et société" et aussi certains cours d'histoire-géographie, français ou langues, suscitent des vocations. L'an passé, la moitié des élèves qui ont suivi le module "Littérature et société" se sont orientés vers la première littéraire. L'enseignement des médias n'est pas optionnel et n'apparaît donc pas sur les brochures de l'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions). Mais par l'effet du bouche à oreille, quelques élèves s'inscrivent au lycée dans le but de suivre cette formation. Du côté de l'équipe de direction, E. Sauvage, proviseur-adjoint, note que le dispositif survit au départ de ses acteurs. Depuis le début de l'expérimentation, certains professeurs ont quitté l'établissement, mais les nouveaux venus ont été motivés pour assurer la continuité. La spécificité médias est aujourd'hui solidement ancrée dans le lycée et a créé une vraie dynamique entre élèves, entre classes, entre professeurs. L'année dernière, un groupe d'élèves du dispositif a été sollicité pour réaliser un reportage vidéo lors de la venue de lycéens hongrois dans le cadre d'un échange. D'autres sont allés filmer leurs camarades des filières industrielle ou tertiaire lors de leurs stages. Les enseignants extérieurs au dispositif sollicitent ainsi ponctuellement les élèves pour réaliser des reportages. Ils font aussi parfois appel à leurs collègues d'enseignement des médias pour des interventions dans leur classe. D'autres fois, à l'inverse, des enseignants intègrent le dispositif pour préparer un travail. L'an dernier, un enseignant d'espagnol est venu aider à la réalisation de l'interview d'un poète hispanophone au théâtre de l'Espal. Le travail est donc fédérateur et crée de multiples échanges au cœur de l'établissement comme vers l'extérieur. L'expérimentation a bel et bien su enrichir la formation des élèves et revaloriser la filière littéraire. La question est donc aujourd'hui de voir par quels moyens la faire perdurer au-delà de son titre expérimental. Un souhait partagé par tous.


1. Ouest-France, Maine Libre, Radio Alpa, LMTV, Espal, Théâtre de l'Éphémère
 
auteur(s) :

N. Le Rouge

contributeur(s) :

J. Carreau, M. Esquirol, D. Ezquerra, E. Jan, O. Ruchaud, E. Sauvage, Lycée polyvalent Le Mans sud [72]

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information(s) technique(s) : pdf

taille : 359 Ko ;

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