innovation pédagogique

• D’une part, l’élève ne peut plus par cette pratique considérer qu’une fois le travail fait c’est terminé, on n’y revient plus et l’on passe à autre chose. Là, il va devoir relire, corriger, choisir, retravailler, taper sous forme informatique les travaux sélectionnés pour le portfolio, et donc considérer l’évaluation comme un processus tout au long de l’année (on peut représenter un travail plusieurs trimestres en le faisant évoluer) plutôt que comme un verdict définitif à un instant T.
 

• Par ailleurs, alors que l’évaluation est habituellement considérée comme le travail de l’enseignant, ici, le travail d’évaluation va d’abord être exigeant pour l’élève. En effet, le projet prévoit des démarches d’autoévaluation et de co-évaluation : autoévaluation à chaque trimestre et à chaque portfolio puisque chaque élève doit régulièrement revenir sur les travaux faits dans le trimestre afin de choisir les plus aboutis, les améliorer et les mettre en forme. Il est pour cela accompagné par l’enseignante lors d’entretiens de cinq minutes environ deux fois par trimestre (en plus d’échanges libres au besoin bien entendu). Aussi, chaque élève remplit une grille d’évaluation où il essaie de faire ressortir ses réussites comme ses limites, cette auto-évaluation étant ensuite mise en regard de la propre évaluation de l’enseignante. Quant à la co-évaluation, elle intervient à partir du second trimestre. Sur un travail précis, les élèves sont amenés, après s’être exercés lors de divers travaux de groupes et avec l’aide d’une grille d’évaluation là aussi, à évaluer leurs camarades. Selon Stéphanie Marchand, cela apprend non seulement à l’élève qui évalue de travailler l’écoute, l’analyse, le regard critique qu’il peut porter sur un travail, mais aussi à l’élève évalué d’être en général plus réceptif encore lorsque l’évaluation vient d’un de ses pairs.

• Enfin, il est à noter que l’année dernière le portfolio a été mis en place par Stéphanie Marchand avec deux classes de secondes "avec évaluation non chiffrée". Si cela n’est pas une condition sine qua non de réussite du projet (cette année l’enseignante met en place le même projet avec une classe de secondes sans notes et une classe de secondes avec notes), la mise en place du portfolio semble néanmoins facilitée dans le cadre d’une évaluation sans notes. Stéphanie Marchand explique ainsi : "La note gomme souvent les efforts menés sur les expérimentations d’évaluation. La note domine tout car elle est moins exigeante. Le professeur donne la note, l’élève la reçoit et c’est terminé".

Bien entendu, il faut aussi souligner les conditions et les contraintes de cette pratique, notamment le fait qu’elle soit chronophage. Au moins dans la première moitié de l’année, il faut laisser du temps en classe aux élèves pour amorcer la préparation du portfolio ; et les temps d’entretien avec chaque élève (deux fois cinq minutes par trimestre), lors des cours en demi-groupe, nécessite aussi que les autres élèves travaillent en autonomie environ quatre heures chaque trimestre. Néanmoins, cette manière d’évaluer progressive, constructive et partagée mobilise et intéresse une majorité des élèves, ce qui peut suffire à la justifier.