Confrontés à une forme de surcharge cognitive, les étudiants de BTS de deuxième année ont d'abord concentré leurs efforts sur la prise en main de l'outil vidéo au détriment des apprentissages visés parce qu'il n'était pas possible pour eux de gérer les deux de front. Les enseignants ont réorienté le projet de formation en permettant aux étudiants de première année de se familiariser avec la vidéo pour pouvoir se consacrer davantage au travail de recherche, d'écriture et de mise en scène en seconde année. La démarche de l'équipe, qui consiste à concevoir une progressivité des apprentissages et vise à alléger la charge cognitive des élèves, fait évidemment écho aux travaux de plusieurs chercheurs. Elle permet de mobiliser les notions de zone prochaine de développement, d'étayage, de réduction des degrés de liberté, et de pédagogie par objectifs.
1. Quelques outils théoriques sur l'étayage et les activités d'apprentissageLev Vigotsky et la zone prochaine de développement1Au cours de ses recherches sur la psychologie du développement, Lev Vygotski développe le concept de zone prochaine (ou proximale) de développement (ZPD). La ZPD est définie comme la distance entre le niveau de développement actuel de l’enfant et son niveau de développement potentiel lorsqu’il est aidé par des adultes ou qu’il collabore avec des pairs initiés. Dans le cas où la tâche est trop facile, l'élève se situe dans la zone d'autonomie et il n'apprend pas car il sait déjà faire. Dans la zone proximale de développement, la tâche demandée est accessible et l'élève apprend, si nécessaire avec l'aide du professeur et/ou de ses pairs. Mais dans la zone de rupture, même avec beaucoup d'aide, l'élève sera en difficulté pour accomplir la tâche. L'enjeu consiste donc à placer les élèves en situation d’apprentissage, c’est-à-dire dans leur zone proximale de développement.
Jérôme Bruner et l'étayage2Jérôme Bruner a enseigné la psychologie dans plusieurs universités américaines. Dans la lignée des travaux de Vygotski, Jérôme Bruner pose que c'est par la médiation sociale que se construisent les connaissances. Il a mis au point le concept d'étayage pour désigner « l'ensemble des interactions d'assistance de l'adulte permettant à l'enfant d'apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu'il ne savait pas résoudre au départ ». Cela consiste, pour l'enseignant ou le pair plus avancé, à prendre en charge certaines parties de la tâche pour permettre à l'élève de se concentrer sur celles qui lui sont accessibles. Ceci permet d'épauler un sujet dans la résolution d'un problème qu'il ne pourrait résoudre seul. Bruner associe six fonctions principales à l'étayage : l'enrôlement correspond au fait que l'enseignant s'efforce de soutenir l'intérêt de l'élève par rapport à la tâche. Autrement dit, l'enseignant suscite l'intérêt et l'adhésion de l'élève envers les exigences de la tâche. Le maintien de l'orientation consiste à s'assurer que l'élève ne s'écarte pas du but assigné par la tâche et à éviter qu'il ne s'attarde voire ne rétrograde. Par exemple, un succès peut retenir l'élève qui peine à poursuivre ses efforts ou ses essais sur une tâche plus complexe. La réduction des degrés de liberté désigne les procédés par lesquels l'enseignant simplifie la tâche pour aider l'élève à résoudre le problème qui lui est posé. Il peut, par exemple, dans un premier temps, prendre en charge une partie de la tâche plus complexe et la rendre ensuite à l'élève pour éviter une surcharge cognitive en début d'activité. La signalisation des caractéristiques déterminantes de la tâche (feedback) consiste à attirer l'attention sur les éléments pertinents de la tâche tout au long de son traitement par l'élève. L'idée est de faire comprendre les écarts entre les caractéristiques de la tâche qui sont pertinentes pour son exécution et ce que l'élève produit. Le contrôle de la frustration permet d'éviter que les difficultés rencontrées ne se transforment en échec et ne soient source de démotivation. La présentation de modèles de solutions pour une tâche : l'enseignant aide l'élève à achever la tâche. Il peut présenter une solution mais peut aussi simplement justifier une solution déjà partiellement exécutée par l'élève lui-même ou reprendre à son compte un essai de solution imparfait tenté par l'élève dans l'espoir que l'élève va alors s'en inspirer en retour sous une forme mieux appropriée.
La taxonomie de Benjamin Bloom3Benjamin Bloom, psychologue en éducation, est l'inventeur de la pédagogie de la maîtrise fondée sur des objectifs d'apprentissage clairement définis et une connaissance précise de chaque élève. Elle implique des prises d’informations objectives avant et après son déroulement sous la forme d’évaluations formatives pour mettre les contenus à la portée des individus dont on connaît les caractéristiques cognitives et affectives avant l’action pédagogique. Contrairement à la pédagogie classique qui part des programmes a priori et prétend les enseigner de façon semblable aux élèves, il s'agit ici d'organiser l'enseignement en individualisant le contenu, le rythme et les modalités d’apprentissage en fonction des objectifs.
Dans ses travaux, Benjamin Bloom a mis en évidence une classification des niveaux de pensée importants dans les processus d'apprentissage. Il identifie six types d'activités, du plus simple au plus complexe : la connaissance, la compréhension, l'application, l'analyse, la synthèse et l’évaluation. Cette classification porte le nom de « taxonomie des objectifs » et offre aux enseignants la possibilité de concevoir des activités pédagogiques appropriées et de construire une progression des apprentissages. KrathWohl et Anderson proposent en 2002 une révision de cette classification qui hiérarchise un peu plus les activités. Dans les deux cas, les activités supérieures (créer, évaluer, analyser, synthétiser) mobilisent les autres activités cognitives : on peut mémoriser, comprendre et/ou appliquer, en créant, en évaluant et/ou en analysant.