C'est donc à la faveur d'une commémoration que le choix s'est porté sur une œuvre d'art pour le moins originale. L'œuvre étudiée en histoire des arts est donc le mur lui-même, avec les nombreux tags qui l'ont orné, mais aussi les œuvres plastiques que le mur a inspirées. Selon le BOEN correspondant, la situation de rencontre sensible et réfléchie de l'élève avec l'œuvre désigne à la fois l'événement, la médiation et la mémoire. Mais il se trouve de surcroît que, de par sa spécificité, ce projet, lié à un événement historique, fait l'objet d'une médiation par l'intermédiaire du concept de "territoire partagé" et prend pour objet un lieu de mémoire aujourd'hui disparu, mais pérennisé par des œuvres. Chaque élève doit, après avoir élu, au sein de la collection Artistes pour la liberté, une œuvre de son choix, rédiger à son sujet une fiche-type afin de l'analyser (
voir annexe). Ainsi, un élève qui a choisi l'œuvre
Piece on earth d'Arthur Hubbard comme étant de nature à "choquer les esprits" l'a interprétée comme dénonçant, sur fond rouge, les tourments engendrés par toutes les formes d'exclusion et véhiculant pour message de "faire la paix sur Terre". Une épreuve sera mise en place fin mai début juin sur ce qui aura été vu en classe et/ou développé par l'élève. De la révolte au pacifisme, de nombreux messages ont été ainsi projetés sur le mur ! L'expression "territoire commun", concept qui fédère cette séquence, n'a sans doute pas le même sens de part et d'autre des disciplines. En histoire-géographie, a été abordée l'antithèse d'un territoire commun à travers la réalité du mur de la honte avec ses barbelés, ses miradors, ses mines antipersonnel, ses points de contrôle, voire sa zone intermédiaire de no man's land, soit le pays d'aucuns. De la métaphore du "rideau de fer" à l'édification d'une frontière d'État entre deux pays, l'étude de la ligne de démarcation entre secteurs, nations, et blocs de l'Est et de l'Ouest, a permis de montrer en quoi le mur de Berlin a constitué un symbole de division de l'Europe jusqu'à ce que sa chute permette un libre accès à "l'autre côté", en créant un espace ouvert aux passages et aux échanges. En allemand, la notion de "territoire commun", qui prend la forme de la réunification de l'Allemagne, et surtout de son déni dans le film
Good bye Lenin !, constitue le ressort même de cette comédie. Il s'agit d'une hypothèse inconcevable pour la figure maternelle baignée d'idéologie socialiste. Mais au fur et à mesure que celle-ci se rétablit et que les panneaux publicitaires occidentaux se substituent aux portraits de Lénine, le mur d'illusion édifié pour masquer la chute du mur de Berlin devient de plus en plus périlleux à entretenir par son entourage. Le film relate en quelque sorte la nécessité d'abattre toutes sortes de murs ! En arts plastiques, le concept de "territoire commun" connote plutôt un espace partagé que s'approprient des artistes de diverses nationalités, en édifiant sur les ruines du Mur une collection à vocation universelle, soit un espace symbolique et mental. Voilà un bel exemple de croisement de regards pluridisciplinaires sur une notion fédératrice et de dialogue transversal qui s'enrichit de l'apport spécifique de chaque discipline. Ainsi tombent les murs entre les matières autour d'un projet à la fois unique et commun de l'histoire des arts.