Le cahier de bord est le celui où chaque élève consigne ce qui a été élaboré collectivement sous le regard de l’enseignante (énoncés et solutions d’exercices, erreurs travaillées …) de travail se construit peu à peu. Elle est instaurée depuis le début de l’année. De plus, comme le reconnaît la professeure, il ne faut pas perdre de vue que, dans l’établissement, deux des quatre professeurs de mathématiques pratiquaient déjà cette démarche. Donc, une partie des élèves partageaient cette habitude. Pour les autres, ce n’a pas été toujours facile. Certains élèves ont été perturbés dans leur façon d’appréhender la discipline. Ils attendaient la leçon donnée comme une évidence. Commencer à FAIRE avant de DIRE les laissait paralysés. Il a fallu une enseignante persévérante et encourageante pour anticiper les obstacles, réajuster les séances qui sont parfois "rock and roll", fatigantes, car elles nécessitent une très grande réactivité. En effet, l’enseignant qui pratique l’apprentissage coopérant ou collaboratif en mathématique se doit d’avoir sous la main toute une série de batteries d’exercices adaptés pour gérer les temporalités différentes des groupes. Par ailleurs, en mettant en œuvre cette démarche, il n’a pas d’autre choix que de rebondir sur ce que lui proposent les élèves. Enfin, le professeur qui s’engage dans cette voie doit être conscient que la richesse de l’interaction est corrélée à la richesse des problèmes proposés. Ce sont des situations de résolution de problèmes dits "de compréhension" qui créent le terrain le plus propice à la mise en œuvre d’interactions pourvoyeuses d’élaboration de connaissances. C’est ainsi que, dans une séance, l’enseignante alterne les tâches qu’on peut qualifier de complexes, lesquelles demandent la mobilisation de ressources diverses, et des tâches dites procédurales, qui travaillent la maîtrise (indispensable pour une future mobilisation).
Ce sont les échanges entre les enseignants du collège et les visites de classe qui ont permis l’émergence d’une pratique commune du travail de collaboration. La pratique coopérative en mathématiques touche les élèves de la sixième à la troisième. C. Cousseau s’est appropriée cette pratique depuis trois ans. "Cela m’a redonné le goût d’enseigner car je vois des élèves réellement investis et acteurs de leurs apprentissages. Il règne une ambiance agréable de travail dans la classe. Les progrès individuels sont visibles puisqu’on laisse le temps de la construction des notions, en revenant régulièrement dessus. Aucun élève n’attend sans vraiment faire", déclare-t-elle. Au cœur de cette pratique, c’est une compétence transversale qui s’élabore. Coopérer et collaborer sont des compétences transférables, et transférées. En histoire-géographie, les collègues investissent le travail de groupe pour construire les notions clefs de leurs programmes, mais aussi les capacités spécifiques à leur discipline. Même si la pratique n’est pas systématisée comme en mathématiques, les trois temps (individuel, en groupes de trois ou quatre, en équipes ou classe entière) rythment des moments d’apprentissage. Le transfert de la démarche et l’attitude nécessaire pour son efficacité fonctionne et une évaluation transdisciplinaire du "coopérer – travailler en groupe" apparaît sur les bulletins trimestriels de certaines classes. Nombre de parents, lors des rencontres parents-professeurs, confirment, auprès de leurs enfants, l’importance de la construction de telles compétences. Le mot de la fin aux élèves ? "On se remet en groupe, s’il vous plait !".
1. Dans un travail coopératif, la tâche est divisée en sous-tâches confiées à des différents acteurs, tandis que la collaboration se conçoit comme "un engagement mutuel et coordonné des acteurs pour résoudre un même problème", in S. Fernagu Oudet, "Agir collectif et environnement capacitant",
Éducation permanente, Hors-série, AFPA 2014.
2. Le cahier de recherche est celui où chaque élève note ses essais, individuels ou collectifs, les démarches envisagées pour résoudre un problème quel qu’il soit.
3. Le cahier de bord est le celui où chaque élève consigne ce qui a été élaboré collectivement sous le regard de l’enseignante (énoncés et solutions d’exercices, erreurs travaillées …).
4. Britt-Mari Barth, Elève chercheur, enseignant médiateur. Donner du sens aux savoirs, éditions Retz, 2013.