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mis à jour le 14/06/2019
Le carnet de lecteur ou d'écrivain permet de garder une trace de son travail et de ses émotions. Plus personnalisable que le classeur, il laisse plus de place à la réception et est souvent soigné puisqu'il regroupe des textes de second jet. L'objet peut suivre un enfant de l'école au collège et devient « la trace d’un parcours, la mémoire d’un apprentissage ou d’un voyage ». Le carnet d'écrivain permet de regrouper des textes écrits sur différents sujets, à différentes périodes. Relire son carnet de lecteur et/ou d'écrivain serait en quelque sorte se retrouver ou se découvrir soi-même.
mots clés : écrit, intercycle, carnet de lecteur, projet
Un objet qui pose différentes questions
S'il est personnel et laisse la part belle à la subjectivité, le carnet a pour vocation d'être lu, parfois, lors de travaux de groupe, par les camarades et systématiquement, par l'enseignant. Cette contrainte est d'ailleurs souvent intéressante car elle évite les propositions trop intimes – dans des séquences comme l'autobiographie en troisième par exemple.
On insiste pour en faire un objet esthétique – les élèves peuvent le décorer, utiliser des images ou illustrer eux-mêmes, s'appliquer sur la calligraphie, etc. La correction se doit donc de ne pas être trop intrusive : l'observation désobligeante au stylo rouge anéantirait l'absence de présentation traditionnelle et les efforts des élèves pour rendre leur travail plaisant à regarder ! On peut s'orienter vers la correction sur un autre support ou au crayon de bois, moins agressif et effaçable.
On l'a dit le carnet regroupe des textes de deuxième jet ce qui suppose la correction du premier – selon des modalités à trouver (relecture personnelle, par un pair, par le professeur...) - et du temps à consacrer en classe à la réalisation de cet objet qui ne peut pas être fait hors du temps scolaire (sinon pour terminer de recopier un texte par exemple) sous peine d'en faire un outil de reproduction des inégalités sociales. Ces corrections peuvent concerner l’orthographe, la syntaxe, la structuration du texte ou encore le lexique.
Les élèves accordent malgré tout le plus souvent beaucoup d'importance à cet objet soigné dont ils sont fiers et qui leur permet de mesurer tout ce qu'ils ont lu et écrit, ainsi que leurs progrès.
Ce dispositif va être présenté par trois enseignantes, Stéphanie Bracquemond (CM2, Jean Jaurès), Anna Pluet, Déborah Simon et Emilie Briat (Professeures de français, collège Victor Hugo) Caroline Malville (professeure documentaliste au collège Victor Hugo). Elles vont expliquer l’usage qu’elles en font, mais ce dispositif reste à adapter et inventer pour chaque classe, selon les projets menés.
Un univers esthétique
Dans la classe de CM2 dans laquelle j'enseigne depuis deux ans, nous avons mis en place un carnet de lecteur à la rentrée 2018. Cette mise en place évolue en fonction de ce que j'observe du travail des élèves et en fonction des retours de mes collègues sur leur propre pratique.
Ce carnet se veut un outil permettant de conserver une trace des lectures de chacun. Il s'agit d'un espace personnel avec un caractère « intime ». Les élèves savent qu'ils pourront montrer leur carnet à d'autres s'ils le souhaitent.
Dans ce carnet se lient le littéraire, le culturel, et l’artistique. L'objet final reflète un univers esthétique.
Une trace du parcours de lecteur
L'objectif premier de ce carnet est de garder la trace de leur parcours de lecteur au cours de cette année de CM2. Le plaisir pris par les enfants à créer ce carnet et s'approprier leur parcours pourrait contribuer à stimuler leur appétit de lecture.
Un autre objectif de ce carnet de lecteur, qui résulte d'un amalgame entre une pratique d'abord scolaire et une écriture de plus en plus personnelle, serait d'offrir à l'élève un cadre où exprimer son point de vue sur ses lectures. Il s'agit d'amener les enfants, en leur proposant un espace qui leur appartient, à oser développer leur subjectivité de lecteur et entretenir une relation plus intime avec le livre.
Faire évoluer les pratiques de lecture
Enfin, l'utilisation d'un tel carnet pourrait faire évoluer les pratiques de lecture des élèves. Ainsi, en leur proposant de noter les questions qu'ils se posent sur les personnages lors de leur lecture, en les encourageant à poser des hypothèses sur l'évolution de l'intrigue ou encore en les incitant à donner leur point de vue sur le livre à différents moments au cours de leur lecture, on entraîne les enfants à ne pas attendre la fin du livre pour questionner le texte et la lecture qu'ils en font.
Le carnet de lecteur a été institué dès la rentrée.
Lors de la première semaine d'école, j'ai montré un carnet de lecteur aux élèves et ils ont eu des temps réservés à l'élaboration de la couverture de leur propre carnet. Ils y ont collé des extraits d'anciens manuels ou catalogues de maisons d'édition. Les carnets comportent peu de pages afin de ne pas décourager les petits lecteurs. Il a été précisé que si un élève terminait son carnet il en recevrait un second. Le carnet a un format carré et ses pages sont composées d'un papier ligné seyes de maternelle, ce qui le distingue clairement des cahiers utilisés en classe.
Il a été présenté comme un outil personnel qui pourra éventuellement être partagé et qu'il faut donc remplir avec soin. Son cadre est précis et ses consignes ciblées ; elles ont été collées au début du carnet, mais elles permettent toutefois à chacun de fournir un travail très personnalisé.
L'utilisation du carnet est libre. Les objectifs visés touchent à la pratique de la lecture et non à la perfection des textes, aussi ce carnet n'appelle-t-il aucune correction de ma part. Les élèves savent que je serai amenée à lire leur carnet : lorsque je le fais, j'en profite pour engager un échange individuel sur leurs lectures avec quelques enfants, en prenant leur carnet comme point de départ.
Une entorse à cette liberté d'utilisation est faite durant les vacances scolaires. Les élèves doivent alors utiliser leur carnet comme support d'un exercice obligatoire. Je leur demande d'y répondre à une question sur l'ouvrage de littérature de jeunesse qu'ils ont à lire pour nos rencontres CM2-6ème.
Bilan
Cela fait maintenant trois mois que les élèves sont en possession de leur carnet.
La plupart des élèves de notre classe y consignent leurs lectures scolaires et semblent prendre plaisir à l'illustrer, à le personnaliser. Un peu plus de la moitié des élèves de la classe y laissent aussi la trace de leurs lectures personnelles. Ce sont à peu près les mêmes qui s'appuient sur l'utilisation qu'ils font de leur carnet pour exprimer leur point de vue de lecteur. Enfin, quelques rares élèves prennent des notes au cours de leur lecture.
Dans les mois à venir je proposerai aux élèves de faire figurer dans leurs carnets les livres lus à l'oral en classe. Cela permettra aux petits lecteurs de s'investir plus dans leur carnet.
J'inviterai ceux qui le souhaitent à nous présenter une lecture personnelle et les pages correspondantes de leur carnet de lecteur afin de donner envie à ceux qui ne se sont pas encore saisi de leur carnet pour un usage dépassant les lectures demandées en classe, de le faire.
Enfin, je dédierai certaines séances d'APC (activités pédagogique complémentaires) à ce carnet, pour en expliciter les attentes et les possibilités auprès des élèves qui semblent en avoir besoin. Je leur lirai un album et ensemble nous remplirons leur carnet de lecteur ; ils pourront ensuite présenter leur travail aux autres élèves de la classe qui n'auront pas encore lu l'ouvrage en question. Ce livre sera mis à disposition dans la classe pour ceux qui souhaiteraient le lire.
Dans les années à venir, ce carnet de lecteur pourrait devenir un outil de cycle que les élèves commencent en CM1 puis amènent avec eux au collège.
Professeure stagiaire au collège Victor Hugo à Nantes, je suis novice dans l’usage que je fais du carnet de lecture et d’écriture avec mes élèves de quatrième et de cinquième. Cela suppose quelques tâtonnements mais aussi une forme de satisfaction face à la découverte des possibles. J’ai conçu cet outil dans l’idée première de permettre aux élèves de garder trace de leurs écrits, de leurs lectures personnelles et des œuvres intégrales abordées en classe.
La partie du carnet consacrée à l'écriture rend compte de la plupart des écrits produits par les élèves en cours d’année. A certaines occasions, un usage plus libre a été proposé, notamment dans le cadre d’ateliers poétique, dans la réalisation d’une interview au sujet de l’enfance autrefois et dans l'élaboration d'une nouvelle réaliste.
En ce qui concerne la lecture, plusieurs perspectives sont offertes aux élèves pour rendre compte de leurs parcours personnels. Les différentes propositions suggérées permettent à chacun de choisir une forme de restitution et de créer ainsi un rapport personnalisé aux œuvres parcourues. (Ces lectures individuelles font parfois l’objet de restitutions collectives en classe, sous forme de travail de groupe, quand les élèves ont eu le choix entre plusieurs œuvres.) A d’autre moment, on propose une présentation plus guidée et détaillée de tel ou tel aspect d’une œuvre travaillée en classe. Ce travail réflexif et documentaire s’effectue souvent en groupe ou en binôme au CDI.
Novice dans ma pratique du carnet de lecteur, j'en perçois les limites. En premier lieu, L’outil tel que je l’ai conçu, n’est pas suffisamment intime. Il faudrait sans doute réserver plus de place à la dimension personnelle de ce carnet (faire davantage la part belle aux illustrations, valoriser la subjectivité et l’inventivité des élèves en leur proposant des situations d’écriture et de lecture plus libres). Il serait ainsi possible de proposer des lectures et des sujets d’écriture multiples, menant l’élève à faire des choix. A cet égard, la mise en place d’ateliers laissant le champ des possibles plus ouvert semble pertinente. C’est ce que j’ai proposé à mes élèves lors de séquences sur la poésie (laquelle se prête particulièrement bien aux jeux de langage, aux mises en voix et à l’expression libre). Les projets d'écriture longue et créative telle que la nouvelle, le conte ou le carnet de voyage favorisent également l'expression personnelle des élèves.
Je pense cependant que la dimension plus guidée de l’outil est aussi à prendre en considération. Ainsi, dans une perspective de perfectionnement de la langue, je ne propose de rédiger dans le cahier de lecteur que des seconds jets, des textes retravaillés, afin de favoriser une expression soignée qui témoigne d’un véritable engagement des élèves face à leurs écrits et qui rend le carnet agréable à parcourir. En outre garder trace des textes qui ont été lus ensemble permet de favoriser une mémoire collective à partir de thématiques abordées en classe, ce qui crée une dynamique réflexive.
Le carnet de lecteur, dans sa particularité d’objet à la fois scolaire et personnel, représente à mon sens un entre-deux difficile à saisir. Il suppose de la part de l’enseignant une analyse réflexive de sa pratique. Je l'envisage comme un outil permettant de rendre compte du travail de lecture et d'écriture élaboré en classe, mais également comme un support à la créativité et à l'inventivité des élèves. En ce sens il peut mener ces derniers à une forme d'autonomie et d'engagement personnels vis à vis de la lecture et de l'écriture.
Personnellement j'ai mis en place le carnet de lecteur et d'écrivain dans mes quatre classes (deux sixièmes et deux troisièmes).
Les élèves avaient le choix d'utiliser un cahier et les propositions ont été très variées. Cette première étape du choix du support me semble importante car c'est une façon de se l'approprier et de choisir si on préfère écrire sur des pages lignées, blanches, à petits carreaux, etc. Symboliquement, on devient acteur de ce que l'on veut faire de ce projet.
J'ai demandé aux élèves de partager leur carnet en deux : d'un côté se trouvent les comptes rendus de lecture, de l'autre les textes écrits par les élèves dans le cadre des projets menés en classe.La forme du compte-rendu est variable et peut être choisie par les élèves :
résumé, choix d'un passage particulièrement important et avis pour les plus classiques
acrostiche développé à partir du titre
images dont le lien avec le texte est explicité
journal de bord fictif du héros
lettre adressée à l'auteur...
Les textes répondent à des consignes précises, liées à la période en cours, font appel à la subjectivité (réception d'une œuvre artistique, représentation de soi ou identification à un personnage par exemple) mais peuvent aussi proposer de véritables réflexions, portes d'entrée vers l'argumentation. Ces écrits variés – tels qu'ils sont produits naturellement en classe – sont plus facilement repris par les élèves du fait qu'ils sont destinés à être recopiés sur ce support. La réécriture et l’étape de reprise devient systématique, efficace et volontaire puisqu'elle a pour but de livrer une proposition aboutie, dans le cahier que les élèves s'approprient.
Pour ma part, j'évalue ces cahiers régulièrement grâce à une grille donnée en amont aux élèves et rendue avec le carnet. La grille permet aux élèves de vérifier qu'ils ont réalisé les textes et comptes rendus demandés ; c'est aussi le support de l'évaluation par compétences, chiffrée et des annotations. Il s’agit donc d’un outil de suivi du travail et des progrès, pour les élèves comme pour moi.
Une évolution des postures de lecture et d’écriture est à noter auprès des élèves qui réalisent un carnet cette année.
Ils viennent régulièrement au CDI, lisent plus souvent et plus aisément, quand auparavant ils n’auraient fait que passer dans le cadre d’une séance.
Ces élèves étendent leurs lectures et n’hésitent plus à emprunter des romans pour leur plaisir personnel, parce qu’ils souhaitent lire la suite ou encore rester dans le même univers que le livre pour lequel ils ont rédigé un compte-rendu.
Avec les collègues de Lettres, nous avons d’ailleurs rédigé plusieurs bibliographies sélectives thématiques basées sur le fonds documentaire disponible au CDI, afin de leur faciliter la tâche.
Ils me demandent également conseil et, mieux encore, suggèrent eux-mêmes des lectures à leurs camarades… qui écoutent et testent à leur tour !
Il peut s’avérer intéressant, dans un second temps, de proposer aux élèves motivés de rédiger et publier leurs comptes rendus sur la base en ligne du CDI « E-Sidoc », pour inciter les autres élèves à lire ces livres. De même, ces lectures et ces écrits peuvent être sources de collaborations tout à fait pertinentes au sein d’un projet de média écoles-collège.
Emilie Briat, Collège Victor Hugo, Nantes
Lettres - Rectorat de l'Académie de Nantes