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« La métathéatralité dans le théâtre d’Aristophane »

mis à jour le 07/11/2024


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L’Assemblée des femmes d’Aristophane

 Episode 2

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Magali Le Sénéchal-Vidal (Lycée Bergson – Angers)

et Isaline Braquehais (Collège Alain-Fournier – Le Mans)

 

 

Le Plan national de formation Les Rendez-vous de l’Antiquité 2024 nous donne l’occasion de présenter, à l’ensemble des professeurs de l’académie, assumant l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité, une série de pastilles issues de prises de notes lors des conférences, master-class et ateliers suivis. Elles visent à éclairer les enjeux littéraires et historiques du théâtre d’Aristophane, notamment L’Assemblée des Femmes, et les problématiques induites par sa transmission dans le cadre scolaire. Il s’agit aussi pour chacun d’éprouver la vivacité et l’intérêt de la recherche contemporaine en littérature ancienne et de permettre de s’y plonger à la faveur de ce cycle de publications.

https://eduscol.education.fr/3981/rendez-vous-de-l-antiquite-l-assemblee-des-femmes-aristophane

 Episodes :

1)       « Les Femmes et la Guerre dans le théâtre d’Aristophane »

2)       « La métathéâtralité dans l’Assemblée des femmes »

3)   « Les Femmes, ces hommes pires que les autres : obscénité et politique dans l’Assemblée des femmes » 

mots clés : LCA, Aristophane, théâtre, femmes, métathéâtralité, artificialité , costume, dénonciation politique, travestissement


 « La métathéâtralité dans le théâtre d’Aristophane »

 Prise de notes suite à l’intervention de Pascale Brillet-Dubois, membre de l’Institut, académie des Inscriptions et Belles Lettres (PNF Rendez-vous de l’Antiquité 2024) mercredi 20 mars 2024

 Questions problématiques :

* Comment penser la métathéâtralité dans l’Assemblée des femmes et envisager l’import de cette notion littéraire post-moderne pour le théâtre antique ?

       * Comment ressaisir au mieux le contexte culturel et sensible de la mise en scène           de l’Assemblée des femmes pour analyser sa dimension métathéâtrale ?

        * Pour quelles raisons Aristophane attire-t-il l’attention sur l’artificialité de la                       comédie ?
 
         * De quelle dénonciation la comédie se charge-t-elle ?
         
          * Comment interpréter les scènes de travestissement ?

Mots-clefs : métathéâtralité – artificialité – costume – dénonciation politique – travestissement

 

         L’Assemblée des femmes est une pièce comique dont la datation est estimée entre 393 et 391 avant JC, et présentée durant les concours. Il devait s’agir des Lénéennes, qui avaient lieu dans le théâtre de Dionysos, mais un peu avant les Grandes Dionysies, vers fin janvier. C’est une pièce de fin de carrière dont la structure n’est pas traditionnelle, notamment s’agissant de la parodos qui est déstructurée. La critique est en désaccord sur la présence de deux ou trois rôles de femme en plus du personnage de Praxagora. Dans tous les cas, en Grèce ancienne, seuls les hommes sont les acteurs d’une pièce. C’est une dimension sensible à prendre en compte car elle fonde un comique de situation et un point d’appui pour envisager la métathéâtralité.
 
Qu’appelle-t-on métathéâtre ?
Lionel Abel, en 1963, en est le grand théoricien, dans le cadre d’un discours structuraliste. Dans ses écrits, cela désigne un au-delà du théâtre. Ce sont tous les moments où le théâtre fait prendre conscience aux spectateurs qu’il est au théâtre. On fait sortir le spectateur de l’illusion. Il faut prendre garde néanmoins à l’usage de ce terme : tout finit par renvoyer à la théâtralité de la pièce. Pour Lionel Abel, il existe un théâtre purement mimétique, le théâtre antique tel qu’il est pensé par Aristote (théâtre mimétique), et un théâtre qui ménage une place pour la métathéâtralité. Une levée de boucliers des antiquisants a exprimé un refus fort pour importer la notion post-moderne de métathéâtre dans la littérature grecque et romaine.
 
A consulter : Anton Bierl, « New thougts on Metatheatre in Attic drama » in Paillard et Milanezi, Theatre and Metatheatre. Definitions, Problems, Limits, 2021 ? disponible en ligne.
Pour Anton Bierl, qui s’intéresse à Dionysos dans la tragédie, dès qu’un personnage évoque Dionysos, cela évoque la performance, donc quelque chose qui est au-delà de la représentation, et la divinité qui représente le théâtre. Le théâtre ne cesse d’être conscient de ce qu’il est. Dans l’article « New thougts on Metatheatre in Attic drama », il reprend des catégories de Karin Vieweg-Marks pour évoquer le métathéâtre dont voici les marqueurs principaux :
  • Le théâtre envisagé comme lieu de l’action
  • La mise en abyme : la pièce dans la pièce
  • Les apartés, les adresses au public
  • La référence aux composantes du théâtre : accessoires, costumes, rôles...
  • La conscience de la distinction entre l’acteur et le rôle : le masque change la voix, la figure, la posture physique...
  • La référence à d’autres genres, l’intertextualité.
     
        Le métathéâtre peut se réduire à cette question : le spectateur a-t-il conscience ou pas qu’il est au théâtre ?

Les commentateurs littéraires résistent parfois au métathéâtre, au motif que la fiction n’existe plus dès lors que le spectateur a conscience d’être au théâtre. Anton Beard pense au contraire que c’est dans la conscience de l’illusion théâtrale que la fiction fonctionne le mieux. Il alerte sur le fait que le métathéâtre n’est pas une métapoétique. C’est une expérience de spectateur, non de lecteur. Il faut prendre en compte le contexte culturel, historique et le lieu de représentation.
 
Le titre de l’Assemblée des femmes, participe (ekklèsiazousai) d’un verbe faisant référence au cadre politique, doit nous interpeller :
 
  • Le lieu de la fiction n’est pas le théâtre, mais le lieu de l’assemblée fictive devient un théâtre. Le verbe ekklèsiazô est polysémique : c’est tout autant prendre la parole à l’assemblée que s’adresser à quelqu‘un comme à l’assemblée.
  • Il y a de nombreuses références à l’activité théâtrale : répétition, costumes (outranciers)...
 
       S’agit-il pour autant d’une rupture de l’illusion ?
Dans l’Assemblée des femmes, les allusions intertextuelles sont nombreuses, tant à la paratragédie qu’à des parodies de chansons érotiques ou gaillardes (le chœur des vieilles femmes, le chant des vieillards...).
 
Problématique : Aristophane attire sans cesse l’attention par ses procédés sur l’artificialité de la comédie. Il suscite la conscience sans vouloir effacer la fiction. Est-ce pour mieux souligner ses innovations comiques et poétiques, la portée de son enseignement politique ou, au contraire, son désenchantement ?
 
I) Les jeux sur la compétence du spectateur

1. Des références à l’assemblée comme lieu politique
On mobilise les connaissances du spectateur sur l’assemblée par des références : 
  • Le titre de la pièce (ekklèsiazô).
  • Le moment du jour : au point du jour, comme les réunions classiques des assemblées politiques.
  • Le déroulement : on s’y précipite pour recevoir les 3 oboles donnés par décret récent dans la limite de 6000 participants. Il y a des rituels préliminaires, les sacrifices, les libations, la distribution de la parole.
  • Le travers des orateurs : arguments, contre-arguments, invectives, coups-bas...
 2. Des références à l’au-delà de la fiction comique

  • Le moment du jour/de l’année : la pièce commençant juste avant l’aube, et, au vers 1154, le chœur, inquiet que les juges privilégient les derniers candidats aux premiers, apostrophe les juges. Nous sommes dans le contexte des Lénéennes : c’est une référence au déroulé du concours de comédies, pour peu que la pièce d’Aristophane ait été jouée tôt le matin, ce qui ne nous est pas connu. 
  • Les femmes prennent le temps de se préparer avant de faire leur incursion dans l’assemblée politique. On peut là encore dresser un parallèle avec le temps de préparation des acteurs de théâtre entre le proagôn, c’est-à-dire l’annonce de la pièce au public, et son début effectif. Ainsi se superposent le temps de la fiction dramatique et la mise en œuvre de la pièce (proagôn, temps de la pièce, temps des juges).
  • Praxagora a vécu près de la Pnyx, a appris les ficelles de l’assemblée. Elle transpose ses compétences à la manière d’un comédien, rejouant les gestes, les codes et les mots.
  • La série d’apostrophes ou de remarques à des personnages qui sont présents dans l’enceinte du théâtre mais qui ne sont pas des personnages fait aussi figure de métathéâtralité qui fait sortir le public de la fiction : les apostrophes au flûtiste (vv.890-892), aux spectateurs (vv.583-585), aux juges (vv.1154 sq), les komodoumenoi (= les personnalités athéniennes prises pour cibles) comme Agyrrhios.
  • La paratragédie, c’est-à-dire l’imitation parodique de la tragédie, joue comme une référence métathéâtrale humoristique qui brise le temps de la fiction pure : elle peut être très développée, comme l’hymne à l’amant.
v.145 : l’exclamation de la deuxième femme qui voudrait bien prendre la couronne et parler pour ensuite boire un coup qui rejoint l’exclamation tragique.
 
Tous ces éléments sont censés réveiller le spectateur, provoquer un dédoublement cognitif, tout en ayant parfois un rôle pour la fiction.
 
3. L’activité théâtrale comme thème

         Le premier prologue et la parodos sont le temps du travestissement et de la répétition générale des femmes. Elles arrivent en ordre dispersé, et le chœur est muet, ce qui est l’objet de blagues.
Au vers 72, Praxagora demande si tout le monde a sa barbe. Le chœur ne dit rien, alors que l’on attendrait qu’il s’exprime et réponde. Les attentes du spectateur sont ainsi déçues, détournées. A la place, on a plutôt un jeu sur le topos de la femme qui sort en douce de chez son mari. Les femmes sont caractérisées particulièrement par la relation qu’elles tissent avec leur mari. C’est une toile de fond de la relation conjugale, une peinture déformée des rapports entre les sexes. Praxagora crée une forme de suspense, en formulant son attente de l’arrivée de ses compagnes. Ces dernières finissent par arriver de plus en plus vite et de plus en plus en retard, mais au lieu de commencer à jouer dans le cadre de la répétition générale, elles s’assoient. Là encore, pour le public, c’est une forme de déception, un horizon d’attente brisé.
La parodos n’arrive que lorsqu’elles sont déguisées et partent rejoindre l’assemblée. C’est le monde à l’envers, et comme l’équivalent d’un deuxième prologue, d’une pièce à l’envers. De même, on a aussi une fausse fin : le banquet communautaire est appelé à être convoqué, mais c’est à un concours musical entre vieilles et jeunes auquel on assiste. La composition de la pièce n’étant pas traditionnelle, le subvertissement de la forme comique traditionnelle fonde la métathéâtralité.
 
Le thème du théâtre dans le théâtre est pleinement investi au début de la pièce. On assiste à la préparation d’une pièce politique, à la constitution du chœur, à l’entrée dans les rôles attribués. Cela nous apprend beaucoup sur le théâtre comique, qui devait laisser place à une part d’improvisation dans le théâtre antique si l’on se fie à la pièce, notamment à la répétition. Entrer dans un rôle est envisagé de multiples façons.
 
La dimension sensible des costumes mérite d’être prise en compte. Les acteurs, comme nous le montrent les vases grecs, portent des collants et des justaucorps. Ainsi la couleur de la peau pouvait être travestie par le costume et des jeux sur la blancheur de la peau sont à la naissance du comique. Contrairement au premier prologue, le second prologue développe une scène de travestissement, celui des hommes, mais il n’y a alors pas de dédoublement. Alors que les femmes se déguisent sciemment, les hommes n’ont pas conscience de jouer sur les stéréotypes de genre. Ils n’ont pas la duplicité dont se vantent les femmes. Dans la seconde parodos, on assiste au changement de costume des femmes, qui se dépouillent de leurs habits d’hommes. Chacun reprend ses attributs vestimentaires de genre alors que les rôles sociaux sont bouleversés.

Lors de la scène du défilé des objets que Chrémès donne à la cité (vv. 730-745), on assiste au travestissement d’un autre type de spectacle, le rituel des Panathénées. Les spectateurs, installés dans le théâtre de Dionysos, devaient comprendre cette référence, et poser en même temps leurs yeux sur la fresque véritable des Panathénées sur le Parthénon.
 
Le théâtre comique est donc une activité spectaculaire, mais comparable à d’autres activités, comme l’assemblée politique ou les processions religieuses. La pièce revêt donc une dimension ludique et réflexive sur ce qu’est un spectacle dans la Grèce antique. 
  
 
II) Le métathéâtre et l’artificialité de la scène politique

1. La politique comme spectacle

La politique est particulièrement dénoncée dans cette pièce, comme étant tout à la fois théâtre, comédie et fiction. Les occurrences des verbes de vision sont très importantes dans la pièce, qui est bien une comédie du regard. En choisissant de nous montrer la préparation de l’intervention de Praxagora à l’assemblée et non sa prestation elle-même, Aristophane nous témoigne de son intérêt à montrer les coulisses de la politique et à en dénoncer les faux-semblants.
Pour devenir de bonnes oratrices, les femmes doivent se dépouiller de leurs habitudes, de leurs traits de langage, de leur spontanéité. Il s’agit bien là de tirer la leçon que le citoyen ne devient orateur qu’en se préparant de longue haleine, et se forge au détriment de sa nature et de sa personne. A ce titre, les orateurs sont des acteurs (voir v.71 et vv.102-103 sur les barbes d’Epikratès et Agyrrhios).
 
2. Le triomphe de l’artifice

Pour que le plan de Praxagora fonctionne, les spectateurs doivent cependant être incompétents. Chrémès, témoin de la performance de Praxagora, en la restituant, montre qu’il a été dupe et prouve qu’on peut le tromper. Pourtant, les citoyens à l’assemblée ont dû voir arriver des personnages grotesques et mal déguisés, pour ainsi dire des hommes acteurs déguisés en femmes déguisées en hommes, au fort pouvoir comique dans une grande artificialité et grotesquerie des costumes. Chrémès, en n’ayant vu que du feu, montre qu’il est un mauvais citoyen, un spectateur manquant de clairvoyance et incapable de s’extraire de l’illusion pour analyser la métathéâtralité. Un décalage se crée entre les vrais spectateurs et lui sur leur compétence à décrypter le vrai.
Costumes, accessoires et langage permettent de fonder le métathéâtre. Examinons ce qui se passe entre le vers 30 (« c’est l’heure d’y aller ») et le vers 285 (« il est temps d’y aller »), en quoi consiste la scène de préparation. Les femmes se préparent, tout est au féminin (adjectifs, participes...). Les femmes sont désignées en référence à leurs époux. Le projet décidé au moment des Scires est progressivement dévoilé au public. Quand il est question de s’entraîner à s’exprimer comme un homme (andristi), on ne sait pas à quelle dimension de la masculinité cela fait référence, mais l’on peut supposer que se développe là le ressort comique. Les éléments de la transformation du corps en homme sont clairement établis : les aisselles sont touffues (un postiche grotesque devait être utilisé, vv.60-61 et 65), le corps est hâlé (les acteurs retirent-ils leurs collants ? v.64), les barbes sont de sortie (vv.68-70 avec le déictique "toutoni" qui atteste le geste), sandales, bâtons et manteaux complètent le costume (vv.74-75). Des éléments féminins résistent à la transformation : la présence de la corbeille à ouvrage, le lapsus dans les jurons (par Artémis, puis par Apollon, le moins viril des hommes, et non par Zeus), l’adresse aux femmes (v.166). Ainsi, les hommes que l’on obtient en déguisant les femmes confinent à des hommes plutôt efféminés. Il est possible que soient ainsi fabriqués des êtres qui ne sont pas l’idéal des hommes athéniens. Enfin, certains mots disent très explicitement que l’on est en train de monter une pièce de théâtre (v.117 « il s’agit de répéter ce qu’il faut dire »). Une fois le costume achevé, la métathéâtralité passe par la polysémie du mot « couronne », dont la fonction est tout à la fois de désigner celui qui parle à l’assemblée et celui qui pratique les libations dans les banquets. Il permet de critiquer le personnel politique comme étant toujours aviné. L’objet permet d’instaurer une satire politique. Cette scène de préparation permet donc de dissocier ce qui est de l’ordre du théâtre au premier degré et ce qui est de l’ordre du métathéâtre, cette conscience de ce qui se passe sur la scène et de ce qui se passe autour de la scène. La fiction n’est pas abolie.
 
3. L’extension de la scène comique

Le triomphe des femmes réside dans un décret sur la communauté des biens et des corps et la disparition des frontières entre public et privé. Quand les femmes reviennent en scène et se déshabillent, les rôles étant inversés, on se retrouve dans un monde de l’utopie comique, qui confine à une réalité dramatique : l’assemblée masculine, point de contact entre la fiction comique et la réalité extra-dramatique, n’existe plus.
  
 
III) Le métathéâtre, pour quoi faire ?

1. Pour attirer l’attention sur l’invention et l’innovation comiques

Isabelle Torrance, dans un article consacré aux occurrences du mot "neos" dans l’Assemblée des femmes, attire notre attention sur l’innovation dramatique et poétique que constitue cette pièce, et le métathéâtre insiste sur cette nouveauté. C’est tout autant le projet de Praxagora que l’intrigue d’Aristophane qui sont nouveaux. Tout particulièrement, le doublement des scènes de travestissement (les femmes puis les hommes) souligne le doublement du prologue et de la parodos. Les effets parallèles entre le masculin et le féminin sont particulièrement mis en relief (premier prologue féminin en écho du deuxième masculin). 
Dans la pièce, une tension existe entre le traditionnel et le nouveau et forge le grand problème interprétatif de cette pièce. On voit s’opérer, dans le projet de Praxagora, qui fait du politique une affaire domestique que dans la construction inédite de la pièce, une transgression des frontières génériques qui prépare l’avènement de la comédie moyenne et de la comédie nouvelle.
 
2. Pour susciter le rire

Le métathéâtre provoque un rire de connivence, mais aussi un rire de vertige : on ne sait plus de quoi on doit rire. On perd pied dans l’identification des hommes et des femmes, dans les niveaux de compréhension. Dans ses travaux, Jean-Claude Carrière a particulièrement insisté sur cette inversion carnavalesque. Le rire est lié au fait que ce dont on rit est faux. On aime rire de ce auquel on ne croit pas. En l’occurrence, les femmes des spectateurs sont au chaud à la maison. On apprécie ainsi que l’illusion s’arrête. Le spectateur ne s’abîme pas dans la mimesis. Il en profite en sachant que c’est de l’imitation.
 
3. Pour susciter la distance critique

Aristophane prend le parti de donner de la force à la dénonciation des mœurs politiques en la plaçant du point de vue féminin. Il parie sur le pouvoir heuristique de ce décalage. En donnant la parole aux femmes, Aristophane permet aux spectateurs de se détacher de leur expérience sensible. On peut lire la pièce comme le fruit d’un enseignement que le poète souhaite donner à son public. Le poète est comme le didaskalos d’un public choral : il enseigne le diagnostic juste des maux de la cité et renouvelle les relations de genre. 
 
Conclusion

La fin de l’Assemblée des femmes pose problème : l’utopie réussit-elle ou échoue-t-elle ? Montrer l’artificialité du théâtre permet-il de servir son pouvoir ou de l’affaiblir ? La pièce nous conduit-elle vers une victoire ou une faillite du comique ? Rien ne nous assure que cette comédie finit bien. Le jeune homme, en se faisant emporter par la vieille, dit qu’il a envie de mourir de manière paratragédique. La leçon est-elle celle du désenchantement ou l’espoir d’un changement post-dramatique ? 
 

Prise de notes réalisée par Isaline Braquehais et Magali Le Sénéchal- Vidal

Formatrices LCA Académie de Nantes


image : Bust of Aristophanes in the Uffizi Gallery at Florence, Photo: Alinari, Creative Commons Zero, Public Domain Dedication

 
contributeur(s) :

Magali Le Sénéchal-Vidal et Isaline Braquehais

information(s) pédagogique(s)

niveau : tous niveaux

type pédagogique : connaissances

public visé : enseignant

contexte d'usage :

référence aux programmes :

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 Pour lire l'épisode 1, cliquez ici : "Aristophane, L'Assemblée des femmes"

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