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Interview de Mr Louis Fouchard
Le dernier charpentier de marine traditionnel de lestuaire
Après avoir pris un rendez-vous téléphonique, nous nous sommes rendus dans les marais dAudubon sur la commune de Couëron. Nous avons rencontré Mr Fouchard dans son vieil atelier ouvert aux quatre vents. Il est situé près dune écluse au bord dun étier se jetant dans la Loire. Nous labordons près de ses vieilles machines à bois où nous lui posons nos première questions.
Julien et Pierre : " Comment avez-vous commencé dans ce métier ?
Mr Fouchard : Un peu par hasard. Je navais pas de formation particulière pour le métier de la charpente. Cest en 1956 que jai trouvé à membaucher au chantier Vandernotte situé sur lîle Versailles. Jétais le seul ouvrier avec le fils Vandernotte. Ah ! Le père Vandernotte était un sacré maître ouvrier qui aimait le beau boulot.
Julien et Pierre : Quel type de bateau construisiez-vous ?
Mr Fouchard : Le chantier construisait plus quil ne réparait et toujours des beaux bateaux pour la plaisance ; surtout des plans Cornu. On travaillait toujours sur plan ce que nous continuons à faire avec mon fils Loïc. Un des plus beaux, ce fut le Vallaqué un plan Cornu de 14 mètres tout en acajou.
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Chantier Vandernotte sur lîle de Versailles. Le chantier Fouchard vu depuis létier.
Julien et Pierre : Comment êtes-vous venu vous installer ici ?
Mr Fouchard : Javais fait construire une maison à Couëron et jai décidé de métablir à mon compte. A côté de la maison , jai aménagé un petit local en atelier et jai acheté deux scies à rubans que jai toujours là. Les premiers bateaux je les débitais dans mon atelier et je venais les assembler ici pour lancer le bateau. Cest bien plus tard que jai pu avoir lélectricité ici. Je transportais tous les morceaux de bois sur le toit de ma vieille 204 Peugeot.
Julien et Pierre : Est-ce que cest vous qui avez aménagé cet endroit ?
Mr Fouchard : Quand on a décidé de sinstaller là, ce nétait quune vasière. On a construit un bateau dévaseur pour creuser létier. Il a fallu remblayer et construire la cale avec les moyens du bord. Après, on sest équipé dun hangar pour abriter les machines, dune grue et dune étuve pour former le bois. Ca ne sest pas fait en un jour ! Ce nest pas comme ces usines où ils sortent des bateaux à la chaîne.
Julien et Pierre : Comment êtes-vous venu à construire des bateaux de pêche ?
Mr Fouchard : Quand je me suis installé cest surtout les pêcheurs de la basse Loire qui mont commandé des bateaux. Cétait des canots basse-indrais à moteur puisque la pêche à la voile était finie depuis longtemps.
Mise en charpente au chantier Fouchard et un bateau au mouillage devant les ateliers.
Julien et Pierre : Avez-vous construit seulement des bateaux pour la pêche en Loire ?
Mr Fouchard : Non, après les pêcheurs de la côte sont venus me voir pour leur construire des plus grosses unités jusqu'à 14 mètres avec des moteurs de plus de 100 chevaux. Vous pouvez aller voir du côté du Croisic et de la Turballe, il y en a encore beaucoup qui naviguent. Mais jai aussi construit des bateaux pour les lamaneurs de la Loire. Ils les trouvent plus pratiques que les bateaux en acier.
Julien et Pierre : Avez-vous toujours travaillé en famille ?
Mr Fouchard : Oui, ma femme au début ma donné un coup de main puis maintenant cest mon fils Loïc ; il est né dans les copeaux. Mais jai eu aussi des ouvriers à lépoque où les commandes pleuvaient. Cétait le bon temps où javais plus dun an de commandes davance.
Julien et Pierre : Pourquoi navez-vous plus de commandes ?
Mr Fouchard : Depuis quà Bruxelles ils ont réglementé la pêche artisanale. Les pêcheurs ne peuvent plus faire construire de nouveaux bateaux. Avec leurs quotas et leurs directives, cest toute la profession qui est touchée. Mon dernier lancement date de novembre 1998. Cétait mon 120ème bateau le Solange. Depuis, je ne fais que de la réparation. Dici quelques années plus personne ne saura construire un bateau de pêche en bois. Cest tout un savoir faire qui va se perdre.
Julien et Pierre : Que comptez-vous faire maintenant ?
Mr Fouchard : Si les commandes pour la pêche ne redémarrent pas je retournerais à la construction de bateaux pour la plaisance. Jai plaisir à voir naviguer sur la Loire La Reine de Cordemais. Une réplique dun canot basse-indrais que jai fait tout en bois dacacia. Dans tout les cas, donnez-moi un morceau de bois et je vous ferai un bateau ".
Un bateau de pêche qui n'aura jamais navigué et planches de bois servant à la construction de ces embarcations.