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Des roseaux aux Courtines :
La coupe des roseaux :
L'exploitation du roseau ou "roux" était très importante sur les îles car les roseaux favorisaient l'atterrissement recherché pour canaliser la Loire vagabonde. Le roseau était planté dans les parties basses des îles, sur les vasières et la coupe s'effectuait du 15 août jusqu'à début octobre. C'était un travail malsain, les hommes étaient chaussés de leurs sabots à jambières qui protègeaient les membres inférieurs des éclisses de roseaux, dans la vase jusqu'à mi-jambe. Ils étaient penchés en avant, tenant d'une main une "bouée" de roseaux, de l'autre, la faucille, et coupaient pendant des heures les longues tiges souples d'où s'échappaient des multitudes de moustiques. D'autres travailleurs ramassaient les végétaux abattus flottant à la surface de l'eau et les hissaient sur la partie non inondable de l'île. Le roux coupé était mis en bottes, appelées javelles, puis mis à sécher en faisceaux appelés piles. Les prés ressemblaient alors à des villages d'indiens dans lesquels les enfants aimaient bien jouer. Ensuite les javelles de roux étaient chargées sur des toues et ramenées sur le quai. Enfin les javelles de roux étaient remontées sur la place principale. Là, les propriétaires des roseaux pouvaient les rapporter chez eux pour la fabrication des nattes. Mais ceux qui n'avaient pas les moyens d'aller couper et d'exploiter le roseau, pouvaient à ce moment-là en acheter à ceux qui en avaient en plus, en particulier le curé et le seigneur qui eux ne tissaient pas de nattes.
La fabrication des Courtines : une affaire familiale :
Les "Courtineux", ceux qui vont fabriquer les courtines, sélectionnent les meilleures tiges pour la fabrication des nattes. Les javelles de roseaux de moindre qualité sont utilisées pour la couverture des écuries, des remises et des granges . Elles servent aussi de litière dans les étables.
La réalisation des courtines se fait généralement pendant les journées d'hiver. Le soir à la veillée, la famille au complet se consacre à cette activité. Ce travail à lieu dans la grande pièce de la maison.
La technique de fabrication se décompose en cinq phases : obier, fendre, ouvrir, torper, courtiner.
- Obier : cette opération consiste à couper les tiges de la longueur souhaitée, à les débarrasser de leurs plumeaux et à les nettoyer de leur moelle interne. C'est un travail simple, confié aux enfants qui sont assis sur le sol de terre battue. Les résidus sont ensuite entassés devant les maisons où ils se putréfient, pourrissent.
- Fendre, après le roseau obié, il faut le fendre sur toute sa longueur. Pour cela, on utilise un outil appelé : "fandouère". Il est composé d'une petite lame d'acier triangulaire, courte et effilée, fixée dans un manche de bois.
Le courtineux tient le roseau de la main gauche dont les extrémités du pouce et de l'index sont protégées par une douille de métal appelée doigteau et pouzeteau, et avec le fandouère dans la main droite, il fait courir la lame dans la longue tige.
- Ouvrir. Plusieurs solutions peuvent être envisagées mais, vraisemblablement , ceux qui en font maintenant pour les démonstrations dans les fêtes de vieux métiers procèdent ainsi : ouvrir le végétal préalablement fendu avec le pouzier (tige ronde en acier qui recouvre complètement le majeur de la main gauche), puis racler l'intérieur de la tige pour éliminer le duvet blanchâtre et les noeuds. Ensuite, avec l'autre main qui tient un maillet de bois rond, on applatit la zone que l'outil métallique vient d'écarter. On obtient alors une lamelle de bois dur.
- Torper : maintenant il faut écraser les lamelles pour les assouplir. C'est une étape que préfèrent les enfants. On réunit côte à côte tous les roseaux au milieu de la grande pièce. Chaussés de leurs sabots de bois, ils sautent et dansent sur les végétaux comme leurs parents font pour les vendanges. Les lamelles, devenues souples par distension des fibres, sont prêtes pour la dernière phase.
- Courtiner : c'était là le travail réservé aux femmes, car il s'agissait du tressage de la natte. C'est cette opération qui a donné son nom au produit. Les courtineuses réunissaient trois bandes de roseaux qu'elles croisaient alternativement jusqu'à l'obtention du dessin géométrique désiré. Une fois le tressage terminé, elles égalisaient les quatre côtés en coupant ce qui dépassait. La courtine était alors finie. Ce qui était le plus pénible pour les femmes à cette époque-là, c'était la position accroupie qu'elles devaient conserver de longues heures.
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