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Interview de Mr Casanova :

- Quelle est votre fonction au port autonome ?

- Alors moi, je suis au service environnement - hydraulique. C'est un service qui s'occupe de tout ce qui est environnemental au sens large sur l'estuaire. Ça va de la mesure sur le terrain au traitement des dossiers. Donc à la fois sur l'eau et sur le terrain.

- Quelles études faut-il faire ?

- Les dragueurs n'ont pas une profession particulière. Le commandant de bord d'une drague est un commandant de la marine marchande. Donc, ils ont fait l'école de la marine marchande. Certains viennent aussi de la pêche ou de la marine nationale.

- On leur propose de faire ce métier-là ou viennent-ils d'eux-mêmes ?

- C'est en fonction des opportunités. On ne leur demande pas de venir. Quand il manque un patron de drague, un avis est lancé auprès des marins officiers et répond qui veut. Il n'y a pas de poste spécifique pour le commandement d'une drague.

- Quel est l'avantage de draguer ?

- Ce n'est pas un avantage mais une nécessité. Il faut replacer tout ça dans le cadre législatif ou réglementaire. Le port est autonome mais l'État nous verse tous les ans une subvention pour entretenir le chenal de navigation sous une certaine cote, définie avec les pilotes de Loire et le trafic des bateaux qui rentrent dans l'estuaire. Au large de St Nazaire, la cote est de -13.25, à St Nazaire, elle est de -12.85 et arrivée à Nantes, elle est de -4.70. C'est une obligation réglementaire de maintenir ces cotes, d'où la nécessité d'avoir des engins capables de les maintenir. On est situé en bout de l'estuaire, sur un bassin de la Loire, et toutes les boues que draine ce bassin-là arrivent dans l'estuaire de la Loire. Donc, avec toute l'érosion des roches, il y a 1 à 2 millions de tonnes de sédiments qui arrivent tous les ans. Ces sédiments, il faut bien qu'ils s'en aillent, mais seulement ils se déposent dans l'estuaire. D'où la nécessité de draguer.

- Combien de temps est nécessaire entre deux dragages ?

- Tout dépend, en fait , de beaucoup de facteurs : la météo donc le débit du fleuve. Plus il pleut, plus le débit sera important et donc, une arrivée massive de sédiments. Ca dépend également de la marée. Si c'est une marée de vives-eaux ou de mortes-eaux. En fait, ça dépend de facteurs naturels. Mais une chose est sûre, ça s'envase toujours.

- Qu'est-ce qu'une marée de vives-eaux et une marée de mortes-eaux ?

- Une marée de vives-eaux, c'est une marée qui a un coefficient important. C'est à dire, qu'il y a une différence très importante entre la hauteur de la pleine mer et celle de la basse mer. Et une marée de mortes-eaux, c'est le contraire.

- Il y a -t-il des zones plus favorables à l'envasement ?

- Oui, les plus gros problèmes d'envasement sur l'estuaire de la Loire se trouvent sur la zone de Montoir à Carnet et la zone de Nantes. Sinon, tout ce qui est chenal extérieur, une partie s'entretient toute seule avec le courant, les marées, le débit et l'autre partie s'envase peu.

- Pourquoi a -t-on inventé deux sortes de dragues ?

- La drague aspiratrice à godet à une particularité : elle permet de draguer les souilles du quai. C'est à dire les trous où peuvent se mettre les bateaux qui sont en déchargement à basse-mer. Au pied de chaque quai, il y a un trou, en fait, une surcote du chenal et cette drague-là est utilisée pour ça. Son principe est d'avancer avec ses pieux. En gros, elle marche avec ses pieux. Ceux-ci sont plantés dans le sol, on en relève un et on le fait basculer.

Première sorte de drague: la drague fendable

L'autre drague ne permet pas de draguer aussi près des quais car elle est automotrice et le moindre coup de vent la ferait cogner les quais. C'est pour ça qu'on les fait travailler à dix ou vingt mètres des quais. Les dragues aspiratrices en marche naviguent plus en longueur pour maintenir le chenal de navigation à sa cote.

 Intervient aussi le problème du coût. La drague aspiratrice en marche revient très cher. Beaucoup plus que la drague stationnaire.

- Comment déplace -t-on la drague stationnaire ?

- Avec un remorqueur. Ils naviguent tous les deux pour se rendre sur le site. Mais ce n'est pas un remorqueur spécialisé pour la drague, c'est un remorqueur "de servitude".

- Connaissez-vous le "Milouin" ?

- Oui, bien sûr. Il a une fonction bien particulière en dehors du navire de servitude qu'il peut être, il a sous sa coque une espèce de barre. On appelle ça une charrue. C'est en fait une plaque de métal très lourde qui racle le fond du chenal. La drague aspiratrice en marche fait des sillons et le Milouin égalise tout.

Il ne passe pas forcément après chaque passage mais intervient s'il y a beaucoup de sillons.

IL peut intervenir également sur un site qui ne demande pas forcément l'intervention d'une drague, qui coûte très cher, et racler les petits obstacles à la navigation.

Le Milouin au travail dans le port de Trentemoult

- Drague -t-on aussi bien le sable que la boue ?

- C'est plus difficile de draguer du sable car c'est un matériau plus lourd. De plus, c'est une ressource naturelle limitée au niveau de l'économie nationale. Quand on voit qu'il y a du beau sable, on fait intervenir les entreprises sablières.

- D'où vient l'expression "marie salope" ?

- C'était le nom donné à des embarcations sans moteur et qui étaient composées essentiellement d'un puits. Les sédiments étaient donc déposés dans ce trou par les dragues à godets et étaient vidés au large. C'est des trucs de marins!

- Si on ne draguait plus, pourrait-on obtenir une plus grande profondeur ?

- Alors, c'est sur ce problème qu'on est attaqué car les gens veulent qu'on arrête de draguer entre Nantes et Donges. Mais si on arrête, il y aura impossibilité de naviguer. Si on creuse plus, les berges vont s'écrouler. Il vaut mieux éviter. Et puis, de toute façon, il n'y en a pas besoin. Les cotes actuelles sont suffisantes.

- La drague a en fait un intérêt économique comme écologique.

- Oui, enfin écologique, il ne faut pas trop exagérer! . On perturbe quand même le milieu naturel mais il n'y a pas de faune dans le chenal de navigation. La seule espèce qu'on perturbe, c'est celle des poissons. Mais c'est très ponctuel car un chantier dure deux ou trois jours.

De toute façon, c'est une nécessité économique. On drague en moyenne 1000 millions de mètres cubes chaque année.

- Quel est l'inconvénient principal ?

- C'est sûrement la remise en suspension. C'est l'inconvénient qui est cité le plus souvent. Mais comme je l'ai dit, c'est très ponctuel.

Autrement, le coût est aussi un inconvénient important sur le plan économique.