Espace pédagogique

les arts plastiques en Finlande

Le récit d'une expérience au lycée franco-finlandais d'Helsinki.

Quand Martti, un gamin de la classe 2 (CE2, en France) me présente, dans un impeccable français, son espadon fabriqué en cours d'Arts Plastiques au lycée franco-finlandais d'Helsinki, je devine que le système éducatif dans lequel il évolue, lui et ses copains, mérite une grande attention.

La Finlande n'est pas un pays riche, comme ses voisines de l'ouest, la Suède ou la Norvège. Cette nation a souvent subi les caprices de sa puissante voisine de l'est, la Russie. La Finlande indépendante ne fêtera son centenaire qu'en 2017. Cependant, elle a construit un système éducatif qui permet à chaque jeune finlandais de s'exprimer et de se réaliser qu'elles que soient ses compétences.

Les municipalités gèrent les établissements (école primaire, collège et lycée regroupés en une seule entité) et engagent les professeurs. Il n'existe aucune hiérarchie administrative : pas de Rectorat, de Direction, de Corps d'Inspecteurs. Tout le budget alloué par le gouvernement finlandais est versé aux établissements.

Les élèves, à partir de 13 ans et ce jusqu'à 16, choisissent 45 modules sur 75 proposés, répartis sur trois années scolaires. Chaque module représente 38 séquences de 45 minutes réparties sur 6 semaines. Les deux années suivantes sont consacrées à l'obtention du baccalauréat, unique pour tous les jeunes finlandais.

La salle des professeurs est accueillante, équipée de plusieurs salons, d'une cuisine et de luminaires au design très finlandais, épuré et fonctionnel. Bien entendu, le sauna n'est pas loin. Le restaurant scolaire (gratuit pour les élèves et les professeurs) est digne d'une belle brasserie française.

C'est Rosanne Lamarre, une des deux professeurs d'Arts Plastiques, qui m'accueille dans la cour où elle surveille des élèves car ici, pas d'assistants d'éducation ni de C.P.E. Les professeurs assurent un service de surveillance selon un planning établi. Il ne faut pas deux secondes pour deviner qu'elle vient de la Belle Province. La souriante professeur est francophone, comme un tiers des professeurs du lycée. Elle dispense ses cours en français, comme ses collègues de Physique et de Mathématiques. D'ailleurs, les élèves lui demandent du papier collant et non du scotch, terme beaucoup trop anglais, selon l'enseignante québécoise. « Nous sommes dans un cours en français ! »

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Les élèves qui ont un travail en cours le terminent : dimanche prochain, c'est la Fête des Mères en Finlande, aussi les 23 élèves achèvent le portrait de leur mère et Rosanne fait le va-et-vient entre les élèves et son bureau. Elle dispose de deux grandes réserves où s'entassent des tissus, de la terre, de la ficelle, de la laine, des boîtes de toutes sortes, du savon de Marseille (les enfants adorent le travailler), d'un four à céramique, d'une chambre noire pour le développement des photos et d'un tas de bricoles qu'elle récupère ici et là pour satisfaire l'imagination créatrice de ses élèves. Sa salle est remplie de placards et Rosanne me fait découvrir tous ses trésors. Sa collègue travaille dans une salle à côté avec des élèves plus âgés sur des films d'animation. Mais nous ne faisons que passer car l'ambiance est recueillie. Le programme d'Arts plastiques contient les formes d'expression de la culture visuelle dans la société : art, média, environnement.

Les objectifs et contenus sont distingués pour les classes 1 à 4 et 5 à 9. À la fin des classes 4 et 9, les critères de niveau à atteindre sont définis pour l'obtention de l'appréciation « Bien ». Grâce à leur utilisation, le professeur est en mesure de mettre en relation le niveau de compétence acquis par ses élèves et les standards nationaux. Il a cependant le droit et le devoir d'évaluer ses élèves en fonction de leur personnalité et de la manière dont ils ont évolué depuis la précédente évaluation.

Les contenus pour les Arts plastiques sont partagés en quatre grands ensembles : expression plastique et imaginaire ; connaissance de l'art et compétences culturelles ; esthétique des paysages, architecture et design ; communication visuelle.

Pendant que Rosanne fouille ses réserves, les élèves me posent des questions sans être le moins du monde intimidés. Tous les élèves me parlent français, sans aucun accent. Certains ont un père ou mère française mais la plupart d'entre eux sont finlandais. Ce sont leurs parents qui ont choisi ce lycée situé au nord-ouest d'Helsinki et certains viennent de lointaines banlieues pour le rejoindre. Le français, tout comme l'allemand, reste une langue de prestige en Finlande. L'anglais n'est qu'une langue pratique.

Les élèves ont une heure et demie d'enseignement d'Arts plastiques par semaine et autant pour la musique. Rosanne me fera visiter les salles de musique où s'entremêlent pianos, guitares (que l'on peut louer et emmener à la maison), batteries et d'autres instruments encore.

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Martti a fini le portrait de sa maman. Rosanne, au début de la séance, a bien expliqué la technique pour dessiner un animal. Il découpe, colle, colorie tout en discutant avec moi. Il a choisi l'espadon parce qu'il a entendu parler de la bande dessinée le Secret de l'espadon, une des aventures de Blake et Mortimer. Tout cela en français, bien évidemment. Il me raconte qu'il apprend le suédois, c'est obligatoire en Finlande, pays bilingue. La minorité suédoise a le même système éducatif que la majorité finnoise et les suédophones se doivent d'apprendre le finnois. Ainsi, Martti pratique, outre sa langue maternelle, déjà deux langues. Plus tard, il choisira l'anglais et une autre langue mais il ne sait pas encore laquelle.

Ses copains ont choisi le renne ou le loup (classiques en Finlande), l'éléphant (beaucoup plus exotique dans ses boréales contrées). Rosanne encourage, stimule, gère les déplacements des enfants.

La séance est entrecoupée par la récréation. Pas de sonnerie, ici. Les élèves surveillent leur montre (ou leur portable, nous sommes au pays de Nokia) et sortent sur la cour... ou pas. Trois petites filles m'expliquent qu'elles préfèrent rester dans la classe. Mais Rosanne invite deux garçons à aller se défouler un peu.

Rosanne m'indique que les professeurs sont tout à fait libres de choisir les méthodes pédagogiques qui leur semblent les plus adaptées à leurs élèves. Certains, en difficulté ou migrant, ont un professeur attitré en plus de ses professeurs habituels.

En Finlande, ce sont les professeurs avec leur proviseur qui, ensemble, élaborent leurs méthodes. Tout ce qui est retenu est diffusé aux autres établissements scolaires. Le Ministère se charge simplement d'indiquer aux enseignants les grandes lignes du programme.

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Martti a fini son espadon. Rosanne, (tous les professeurs sont appelés par leur prénom en Finlande), lui suggère quelques améliorations, en discute avec lui et tous deux tombent d'accord. Son espadon prend du volume et de la couleur. Elle fera la même chose avec tous les élèves. Puis, la classe me dit au revoir.

Rosanne enchaîne avec une classe 5 (6ème en France). Ceux-là aussi ont 1h et demie d'Arts plastiques hebdomadaire. Certaines élèves arrivent bien avant le début du cours parce « qu'on t'aime bien Rosanne » (non seulement, on appelle le prof par son prénom mais on le tutoie, aussi). Elles enfilent une blouse car elles ont une céramique à travailler. Trois garçons sont là, pile à l'heure et s'installent en finnois. Mais, ils s'adresseront à Rosanne en français qui elle, jamais ne parle leur langue maternelle. Certains cours sont en anglais, d'autres en français et certains en finnois. Ici, c'est habituel et pas seulement au lycée franco-finlandais. Il existe à Helsinki un lycée qui fonctionne de la même façon mais avec le russe, géographie oblige. Kasperi et ses copains travaillent sur de vieilles photos pâlies, récupérées par Rosanne. Ils vont devoir les coloriser. Tout le monde s'applique en bavardant gentiment. Il est 14 heures et les élèves finissent leur journée scolaire.

En Finlande, il y a peu de vacances scolaires hormis l'été (mi-juin à mi-août). Mais les élèves finissent tous vers 14h. J'ai demandé à des élèves plus âgés pourquoi ils restaient au lycée après les cours « pour travailler... parce que cela nous amuse ». C'est vraiment le pays du Père Noël !

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Avant de quitter le lycée, nous interrompons une réunion de travail car Rosanne veut me présenter à la directrice des études françaises. Elle et les professeurs qui enseignent en français élaborent leurs prochaines activités.

Rosanne nous trouve une cafétéria dans le quartier et elle me raconte combien elle est heureuse de travailler en Finlande. Les conditions matérielles sont idéales, (elle dispose, elle et ses collègues, d'environ 15.000 € pour les dépenses pédagogiques), le travail se fait toujours en équipe, le statut de professeur en Finlande est très respecté. Les cours d'Arts plastiques ou la musique sont aussi importants, aux yeux des Finlandais, que les Mathématiques. D'ailleurs, on ne compte plus, ici, les écoles d'Arts et de design, très convoitées par les étudiants du monde entier.

Les études sont longues, basées sur un apport théorique mais aussi très pratique, aspect très important pour la vitalité du système éducatif. Le recrutement se fait aussi bien sur les diplômes que sur les qualités personnelles.

Jurka Sarjala, un des co-fondateurs du système scolaire actuel résume bien la philosophie éducative du pays «  Nous avons une école pour tous les enfants, car nous avons besoin de chacun dans notre société ».

Avant de me quitter, Martti m'a rappelé qu'il n'a pas trouvé, dans une librairie finlandaise, la bande dessinée en version française qui lui a inspiré son travail sur l'espadon ...

Helsinki, 6 mai 2014

Information(s) pédagogique(s)

Type pédagogique :
article
Public visé :
enseignant, chef d'établissement, inspecteur