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les fèves (Patrick Ducler)

Paul Valéry (Degas danse dessin - Gallimard, 1938 - Paris)

sujet(s)

De petite taille, en faïence, brillantes, peintes à la main (sommairement), de forme indécise, sont les fèves qui retinrent mon attention parmi la cinquantaine récoltée auprès des élèves. Ces petites figurines familières mais incertaines, aux limites insaisissables, fuyantes, semblaient réclamer un autre avenir.
A moins qu'ayant fait de nous des ogres généreux - ne prennent-elles pas vie dans la bouche du mangeur de galette - elles deviennent les héros et les héroïnes d'un univers démesuré, fabuleux ? Elles susciteraient un travail sur l'espace onirique. Des matériaux de toutes sortes, les plus hétéroclites seraient disponibles ; seuls ou en équipes, les élèves inventeraient des univers démesurément minuscules.
Ou encore, elles inaugureraient très logiquement le début d'un travail sur la collection. Du déjà beaucoup vu en Primaire ? Qu'importe ! Nous inventerions des collections inédites pour dénombrer, comparer, échantillonner, classer, ranger. Un travail sur le Musée personnel.
proposition
"Représentez la fève. La représentation doit être la plus ressemblante possible. Tous moyens possibles".
ressemblance
La ressemblance - il conviendrait de dire : la relation de ressemblance - a fait l'objet de leçons précédentes [6]; si elle n'est plus la question principale elle reste néanmoins au centre de la proposition, comme une clef. La quête de la ressemblance est la condition qui, associée à la petitesse de la fève, à son imprécision morphologique, à son indécision formelle, devrait forcer le regard, rendre plus active la perception : les élèves devront attentivement scruter cet objet aux limites incertaines. Le regard sera dense, concentré et l'acte de regarder particulièrement éprouvé.
D'autre part, produire la ressemblance n'impliquera-t-il pas d'identifier les formes pour les comprendre, c'est-à-dire être capable de nommer pour voir, ne devront-ils pas connaître pour reconnaître ? Tout cela devrait entraîner de la résistance : comment dessiner des choses incertaines, presque insaisissables ?
Étant donnée la simplicité de la proposition adressée aux élèves, il était permis de penser, à ce moment de la préparation du cours, que les difficultés qu'ils affronteraient seraient, elles aussi, assez simples à identifier. Les unes seraient pour l'essentiel dues au manque de dextérité et d'expérience en dessin d'observation, à une faible maîtrise des procédures, c'est-à-dire une absence de métier parfaitement compréhensible à leur age et les autres à l'objet lui-même, fuyant, résistant à toute circonscription. Un tel travail déboucherait sur la question du dessin linéaire, des limites.. Nous pourrions montrer, en contre exemple, des dessins de Seurat.
reconnaissance
Le 3 mai, dans une classe de sixième, des fèves (santons) toutes différentes sont distribuées au hasard, une pour deux ou trois élèves afin de faciliter les comparaisons
La satisfaction (produite par les fèves, comme prévu) se teinte d'inquiétude : ça va être dur ! La mise au travail est immédiate, des questions fusent. Aucune indication complémentaire n'est cependant donnée. Quelques instants après le début du cours, passé le premier événement que constitue la découverte de la leçon, les élèves s'affaires, discutent, échangent parfois.
Les fèves passent de mains en mains dans les petits groupes; des compromis sont recherchés pour trouver la meilleure position de la fève pour chacun. Elles sont parfois installées très spécifiquement , illustrant sans le savoir la question pressentie de la monumentalité.Ce qui surgit dès cette première mise en ouvre de la proposition, (qui n'était pas assez fortement inclus dans l'hypothèse première) c'est la force de la relation affective qui lie les élèves à la fève, ou plus justement, à un personnage imaginaire que figure la fève.
Parmi les figurines, celles qui provoquent les plus grandes hésitations et parfois les impossibilités de dessiner, sont des animaux. pour lesquels les obstacles sont de deux sortes : elles résistent à toute représentation de face parce que le corps (de la vache, par exemple) devient très difficile à représenter "derrière la tête" et que, vue de face, "elle est sans visage". ( "Une vache, ça n'a pas de visage !"). Les deux événements sont, bien entendu, intimement mêlés.
notes
[3] - Sauf en Sciences, dans des conditions parfois confuses pour les élèves de Collège qui ne différencient pas clairement dessin d'observation et dessin scientifique. [4] - Et paradoxalement susceptible de satisfaire en apparence l'attente des nostalgiques qui regrettent "que l'on n'apprenne plus à dessiner" à l'école.
[5] - Jules Lagneau, Célèbres leçons et fragments, P.U.F., 1950.
[6] - Dans une séquence centrée sur cette question, par le biais de la relation entre un dessin et une réalisation en terre (voir dossier Sculpture de peintre).
[7] - Jean de Loisy, préface du catalogue A visage découvert, Fondation Cartier/Flammarion, 1992.
[8] - Lorsque la difficulté sera trop importante pour certains élèves et quelqu'en soit sa nature, il sera permis de changer de santon. Il ne s'agit pas d'aboutir à une situation d'échec.
[9] - Situation permise sans être encouragée puisqu'il n'est pas cherché la production d'un produit standardisé, formel, mais au contraire de provoquer, de susciter des réponses individuelles. Dans une certaine mesure, cela se vérifiera plus tard, le choix du santon est significatif.
[10] - Confer documents 8, 11, 12 & 14.
[11] - En fait, l'écart se creuse et les dessin ne livrent pas au premier regard tout ce que l'on a appris par la parole.
[12] - Fausse naïveté, bien sûr: cette situation est typique du cours en proposition. Le même travail apparent, dessiner les fèves, effectué dans un autre contexte didactique n'aurait pas permis de développer cette réflexion.
[13] - Merleau-Ponty, L'Oil et l'Esprit - Gallimard, 1964.
[14] - Gaston Bachelard, L'ordre des choses, in le droit de rêver, PUF, 1970.
[15] - La formule "savoir dessiner" renvoie chacun à ses représentations, à ses repères esthétiques et reste parfaitement inopérante. Il conviendrait sans doute mieux de parler des "savoirs du dessin".
[16] - Didier Julia. Dictionnaire de la philosophie, Larousse 1991. A connaissance : .le problème de la nature de la connaissance nous amène à distinguer diverses formes de connaissances, notamment celles qui relèvent de l'esprit de finesse (par exemple la compréhension qui lie le médecin clinicien à son malade) et celles qui relèvent de l'esprit de géométrie (par exemple la connaissance mathématique ou physique). Consulter également l'article savoir.
[17] - Il est évident qu'ici, une place plus importante a parfois été attribuée à l'observation et la recherche par rapport à l'enseignement.
Information(s) pédagogique(s)
Cycle 4 : la représentation ; images, réalité et fiction
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InSitu
lire dans le glossaire image, le terme ressemblance