Paick, Rietvelt

Nous nous proposons, à travers l'analyse de trois œuvres, d'extraire des questions d'enseignements liées à la relation qu'entretiennent corps et objet.
Habituellement , un élément de mobilier tel que le fauteuil rouge et bleu de Gerrit Rietveld (1918) présente des caractéristiques liées à la fois au corps et à l'objet.
Il s'agit d'un fauteuil en bois dont les lignes de structure verticales et horizontales peintes en noir assurent la stabilité de l'ensemble. L'assise de couleur bleue et le dossier rouge, très inclinés, donnent visuellement une sensation d'équilibre précaire tout en proposant une certaine idée du confort.
Conçue selon les principes du mouvement de Stijl, ce travail de design qui mélange fonctionnalité et esthétique, est basé sur un nombre minimal d'éléments alliant structure géométrique simple, rationalisation du processus de fabrication et vocabulaire plastique limité.
Fondé en 1917 par Théo van Doesburg De stjil (le style) s'engage dans une recherche formelle et fonctionnelle en adéquation avec les avancées techniques et industrielles de l'époque. Il s'agit avant tout d'intégrer l'art dans le quotidien en proposant des objets capables de provoquer une émotion tout en replaçant le corps au centre de son environnement.

L' idée du corps "au centre" se retrouve dans l'installation de Nam June Paik "Olympe de Gouges" (1989)

Pionnier de l'art vidéo et du mouvement Fluxus, c'est un des plus célèbre artiste utilisant la vidéo. Il réalise des œuvres communément intitulées "vidéo sculptures" dans lesquelles des images défilent à un rythme très rapide sur plusieurs moniteurs. Travaillant à partir du collage d'images et de sons, parfois jusqu'à saturation, il fait le lien entre la technologie et l'art, traitant tous les aspects de la culture télévisuelle.
Le robot "Olympe de Gouges" a été créé à l'occasion du bicentenaire de la révolution française, au musée d'art moderne de la ville de Paris.
L'installation est constituée d'un empilement d'anciens postes de télévision équipés de moniteurs vidéo. Le titre représente une personnalité emblématique de la révolution française, figure féministe et passionnée, guillotinée en 1793 .
L'ensemble de l'installation compte 200 moniteurs vidéo en référence aux nombre d'années séparant 1789 de 1989. Cette sculpture représente la figure humaine tout en associant des images de corps sur les écrans.

On a donc d'une part un architecte et designer qui place le corps au centre de la conception de son objet, et d'autre part, Nam June Paik, qui représente une figure humaine en accumulant des objets (écrans de télé) eux-même capables de produire une représentation du corps.
On en déduit la force du lien qui unit corps et objets, puisque dans ces deux œuvres, ils apparaissent comme interdépendants.

En cherchant une production qui puisse dans le même temps relier le corps et l'objet, on trouve la Vénus de Willendorf, qui est une statuette en calcaire du Paléolithique supérieur, conservée au musée d'histoire naturelle de Vienne.
Au paléolithique supérieur, les premières conventions et codes de représentation sont entrain de se développer. Les Vénus de cette époque ont en général un visage peu détaillé et des caractères sexuels (seins, fesses) très développés.
En outre, une "Vénus", en plus de désigner ce type de statuette, est le nom qu'on donne à une femme de très grande beauté, en référence à la déesse de l'amour.
En comparant les codes paléolithiques de représentation de la femme à ceux du XVe siècle (cf La naissance de Vénus de Botticelli) ou du XXe siècle, on se rend compte que la Vénus de Willendorf questionne, pour nous, la définition de la beauté et la façon dont on la met en image.
Elle est à la fois objet et corps représenté, et on se demande donc: comment représenter le corps, compte tenu de l'immense diversité de codes existants pour le faire?