A travers textes et dessins, le projet d'un espace où le spectateur déambulerait et serait marqué par le lieu.
Le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de Juliette est celui-d'un travail en autonomie au cours duquel les élèves étaient invités à dégager des pistes de réflexion et de travail en questionnant l'entrée du programme intitulée "le lieu comme espace à investir". Certains projets devaient être réalisés, d'autres pouvaient rester à l'état d'esquisses, de recherches. C'est le cas ici du travail de Juliette - le lieu témoin - qui apparaît pertinent par son souci de trouver une forme adéquate et soignée à sa présentation (même si la restitution numérique ne rend malheureusement pas compte au mieux des planches 1/2 raisin proposées) et par ses commentaires écrits, intégrés aux planches, qui témoignent d'un réel engagement et d'un regard sensible, personnel. L'espace imaginé dans ce projet (voir schéma ci-dessus) serait constitué de plusieurs parallélépipèdes assemblés et organisant un trajet pour le spectateur. Celui-ci serait confronté à différentes expériences sensibles selon les salles - ou stations - du parcours : - l'emprise - déséquilibre & fière allure - encré de peur, noir
A travers ce travail, Juliette se proposait de dégager quatre axes de réflexion : le lieu comme outil, marquer un passage, matérialiser des sentiments, et l'oeuvre participative. Les textes et les esquisses ci-dessous détaillent ce questionnement et décrivent les 3 salles imaginées, nous permettant de mieux cerner les enjeux de cette proposition et les intentions de Juliette.
Thierry Froger, professeur lycée Champ Blanc
L'emprise
" L'Art est ce qui révèle à la conscience, la vérité sous forme sensible. » Hegel.
L'inconscience transporte la conscience invisible, inodore, muette. Alors révéler ce poids à soi-même, être incapable de l'ignorer par ces sens.
Trois cellules, trois passages pour dessiner les limites sensibles de nos consciences. Une emprise. Prise visuelle, entrer dans une cellule capitonnée et être aveuglé par une série de flashs soudains.
Sortir et avancer entouré d'une lumière invisible pour l'étranger, porter difficilement cette impression, non habitué à sa présence concrète. En cette façon, porter un son récupéré dans une deuxième cellule innocente, en verre d'où provient un sifflement strident. Sifflement originel et ce son obsédant qui ne quitte plus son propre esprit. Gène. L'imperceptible dépourvu d'odeur, odeur à matérialiser. Troisième cellule ventilée où l'on intègre une ambiance sentie, écoeurante qui habite. Indélébile. Alors s'échapper d'un lieu, lieu marquant par un son, une odeur, une image de cette conscience personnelle soudain démarquée uniformément par nos propres sens.
Etre marqué par un lieu, témoin de nos révélations spirituelles.
Déséquilibre & fière allure
Être marqué par un lieu, témoin de nos allures expressives.
La fierté est une sorte de vertige, alors étourdir un spectateur pour le marquer de cette impression. Puisque l'arrogance est en quelques sortes une perte de soi-même, une fuite trop profonde.
Ainsi, créer une pièce constituée d'un sol en verre épais donnant une vue confuse sur la rue située, elle, en dessous de la pièce. Cette rue est la seule source de lumière. Au centre de la pièce, un étroit tapis rouge, symbole du succès, trace une trajectoire obligée et légèrement surélevée. Aux murs, à droite et à gauche de ce passage, deux vidéos-projections d'une foule en mouvement, elles passent en accéléré.
On monte dans cette pièce par un escalier, on marche sur ce tapis qui est placé pour nous et on suit la personne devant soi. À nos côtés deux vidéos d'où provient un brouhaha dû à cette foule qui passe, sa vitesse est multipliée. À nos pieds, des gens passent aussi, ils paraissent petits d'où nous sommes, le verre qui compose le sol modifie notre perception de ces étrangers. Marcher sur ce tapis rouge et se sentir éloigner de ce que nous voyons. Ce bruit, ces images nous enivrent peu à peu et notre équilibre se voit troublé de ces changements soudains.
Encré de peur, noir
Une salle, quatre murs, deux portes. Une salle haute, deux murs bandés de noir profond, ceux dépourvus de portes blindées. Des rambardes, passage tracé vers ces sorties. Assorties aux murs, elles sont noircies en parallèle aux deux rayures noires. Au plafond, des néons, les mêmes au-dessus des portes. Alors, une lumière froide, blanche, pour éclairer quelques personnes. Un fond musical, musique entêtante preuve d'un contrôle du lieu. Cette pièce est nue, quatre murs, deux portes. Un déclic, verrous fermés. Claustration. Les néons clignotent, ce rythme musical, cassé. Tout s'éteint, silence physique, visuel, sonore. Création du noir originel et le temps s'allonge. Trois minutes. Une voix violente de neutralité, «Accrochez-vous aux rambardes, elles vous mènent aux sorties ». Les rambardes sont enfoncées dans un creux, devoir frôler les murs. Obéissance dans l'aveuglement, corrfiance. Les portes s'ouvrent, lumière. Mains noires, épaules encrées. Murs noirs, surface encrée.
Oeuvre participative où le lieu n'est qu'un passage, un outil, un pinceau. Le spectateur devient toile et ne plus regarder l'œuvre, l'être et la sentir.
Être marqué par un lieu, témoin de nos réactions sentimentales.