chroniques e-maginaires : l'écriture collaborative au service d'un projet interdisciplinaire
Ce TraAM propose d'explorer comment l'écriture collaborative peut être placée au service d’un projet interdisciplinaire sur le cycle 3, liant école et collège. Les élèves de CM2 et de 6ème mènent une correspondance pour construire ensemble un univers de fiction à l'aide d'un espace numérique collaboratif. L'écriture collaborative permet en outre à chaque élève de contribuer à l'aboutissement du projet à la mesure de ses compétences et ainsi de progresser à son rythme tout en restant impliqué.
Le projet
Présentation du contexte
vignette traam La démarche s’inscrit dans le projet d’établissement qui vise à "favoriser et développer la liaison école / collège en REP+"», et correspond au profil général des élèves : le besoin d’ouverture culturelle, d’estime d’eux-mêmes, de renforcement de compétences langagières et d’amélioration de leurs relations interpersonnelles.
Créer et explorer un univers de fiction Deux classes du cycle 3, une classe
padlet de 6ème appariée à une classe de CM2, s’engagent sur un projet d’écriture numérique collaborative : Chroniques e-maginaires. Les deux classes adoptent un univers fictionnel de référence (ici le conte merveilleux pour les 6è et le roman d’aventures pour les CM2) et échangent des écrits accompagnés de documents multimédia numériques dans le cadre d’une trame prévue à l’avance par le groupe de pilotage. Pour la classe de collège, le projet correspond au travail sur "Le monstre, aux limites de l’humain" : le chapitre 1 "Osons affronter le visage de la bête" est consacré à la lecture intégrale du conte La Belle et la Bête de Mme Leprince de Beaumont ; le chapitre 2 "Les contes merveilleux, ce n’est vraiment que pour les enfants ?" explore un corpus de contes et d’albums.
Principales connaissances et compétences disciplinaires travaillées
Expression écrite :Savoir rédiger une lettre et la mettre en page dans le cadre d’une correspondance ; écrire, raconter et inventer des univers merveilleux et les illustrer
Expression orale : Mettre en voix un conte ; débattre et faire des choix
Objectifs littéraires et culturels
Étudier la figure du monstre en littérature
Aborder les principales caractéristiques du conte et les personnages types
Étudier plusieurs versions d’un conte merveilleux, dont une parodie
Étude de la langue : Être en mesure d’utiliser les temps du récit et de la description pour écrire un conte ; savoir utiliser le lexique du monde des monstres et du merveilleux (animalité, laideur, violence)
Principales connaissances et compétences transversales travaillées
Utiliser les outils numériques
Utiliser le traitement de texte pour rédiger et mettre en page
Écrire et publier sur Internet dans le respect des règles des échanges numériques, du respect de la vie privée et du droit d’auteur
La formation de la personne et du citoyen
Mettre en œuvre un projet artistique
Partager des règles, assumer des rôles et des responsabilités
Adopter un comportement éthique et responsable
Démarche
Organisation Le projet doit se dérouler en trois temps : acculturation ; invention ; écriture, oralisation, illustration en vue d’une publication. Tout au long du projet, les élèves travaillent sur des lectures d’œuvres intégrales ou des extraits, des documents iconographiques, sonores et sur des extraits de films. Les lectures analytiques et les points de langue du chapitre jalonnent et enrichissent la construction de l’univers confié à la classe.
photo Étape 1 Au cours de cette première étape, les deux classes (6ème et CM2) définissent leur univers de référence et mènent des recherches pour le nourrir. Elles rédigent ensuite les premières traces écrites pour créer leur univers (personnages, lieux caractéristiques, occupations typiques) sous forme de fiches et de cartes mentales. Au terme de la première période d’acculturation, en groupes, les élèves de 6ème sont invités à construire l’identité de leur héros : son âge, son nom, son lieu de vie, sa couleur de peau, ses qualités et ses défauts, sa famille. Chaque groupe présente ses propositions et argumente. La classe doit faire des choix et s’accorder pour définir le portrait de son héros.
Lors d’une autre séance, les groupes complètent les fiches sur les caractéristiques de leur futur conte merveilleux : les personnages qui entourent le héros ; les lieux de vie et les lieux interdits ; les créatures merveilleuses (adjuvants et opposants). Fiche 1 sur les héros ; Fiche 2 sur les lieux
La synthèse des travaux de groupe, faite par le professeur, fait émerger les grandes lignes de leur univers. Pistes contes
Suite à la présentation de ces différentes pistes à la classe, une carte mentale de l’histoire en construction est donnée à chacun.
Étape 2
produire en groupe Il s’agit ensuite de décrire de façon collaborative l’univers et son contexte : portraits des personnages, description de leur vie quotidienne et du cadre spatio-temporel.
A partir de la carte mentale élaborée à la fin de la première étape, chaque élève se voit confier des missions d’écriture personnalisées, afin de différencier le travail : développer tel ou tel aspect de l’histoire, préciser le portrait et la biographie du héros, créer l’élément perturbateur, les péripéties, les scènes dialoguées… Consignes d'écriture
salle info Étape 3 Elle correspond à la réécriture numérique, à la création des capsules sonores et à la publication sur le site Padlet. La classe est au cœur du projet, chaque élève doit s’impliquer pour envoyer la lettre à temps. De fait, les élèves travaillent alternativement seul ou en groupe, selon les besoins de l’histoire. Ils développent, rédigent, corrigent chaque jour leurs productions, comparent, discutent, veillent à la cohérence du récit. Cela impose au professeur de corriger et d’évaluer les productions chaque soir pour réorienter le travail de chaque élève au fil des jours. C’est également le moment de travailler les illustrations (le professeur d’arts plastiques peut intervenir à ce moment-là du projet) et de s’entrainer à l’oralisation des scènes, ce qui peut être réalisé en coanimation avec l’assistante pédagogique ou la documentaliste, ce qui permet d’individualiser rythmes et productions.
salle info C’est aussi le moment des évaluations : maîtrise de la langue, écriture, oral, investissement et autonomie. La classe va plusieurs fois en salle informatique pour le tapuscrit de l’histoire et l’enregistrement des capsules sonores. Certains élèves, souvent en avance sur leurs travaux, créent l’arbre généalogique du héros et des grilles de mots mêlés destinées à la classe de CM2. Différenciation pédagogique
Une fois les productions achevées, le professeur poste les créations des élèves sur le mur numérique, ou confie la tâche à un groupe d’élèves « administrateurs » du mur. Une séance de relecture collective de la lettre et du mur PADLET est organisée. Premier envoi : le lien est transmis à la classe de CM2. Lettre des 6eB
Les différentes phases de correspondance du projet Chroniques e-maginaires Suite à ce premier envoi de la classe A (ici les 6ème), la classe B envoie sa lettre réponse. A leur tour, les élèves présentent leur univers et un événement malheureux qui les empêche de répondre à l’invitation de la classe A. Ils décrivent cet événement et demandent de l’aide à la classe A pour résoudre le problème. Lecture de lettre des CM2 ; Problèmes et solutions lettre CM2
C’est le moment de la rédaction de la deuxième lettre pour la classe A : l’objectif est alors de rédiger une ou plusieurs solutions pour résoudre le problème de la classe B en utilisant tous les ressorts de leur histoire initiale. Lettre 6e
La classe B envoie à son tour sa deuxième lettre : elle répond à la proposition d’aide et explique comment ils s’en sont finalement sortis.
La classe A lit l’épilogue de la classe B. Les classes écrivent éventuellement une dernière lettre de remerciements pour rendre compte des moments les plus agréables de la visite dans l’univers des correspondants ou réalisent un carnet de voyage.
Bilan
Ce projet de correspondance numérique s’étale sur trois à quatre mois. Il faut compter au moins six semaines pour réaliser les trois étapes (acculturation, invention, publication). Ici, les productions de la classe B (CM2) s’inspiraient du roman d’aventure et de l’univers des robinsonnades. Suite à la lecture de leur première lettre, il a donc été logique d’enchainer avec la lecture et l’étude de L’Ile au trésor de H. Pratt et M. Milani (œuvre intégrale en BD) en 6ème. Les évaluations qui ont jalonnées le projet montrent un réel investissement des élèves et une implication générale. Tout le monde s’est senti concerné et a apporté sa contribution. De même, ceux qui se sont moins investis ont clairement été identifiés par leurs productions ou leur mauvaise volonté.
Ce genre de projet favorise les relations interpersonnelles mais aussi la confiance que les élèves accordent à leur enseignant. Ils se sentent responsables et investis d’une mission, tout en étant accompagnés et soutenus. Dans cette classe de 6ème, personne n’a eu envie d’abandonner. L’investissement du professeur est lui aussi maximum pendant toute la durée d’invention et de rédaction puisqu’il doit corriger chaque jour les traces écrites et donner des consignes personnalisées. Le fait que les élèves se partagent le travail et aient chacun leurs missions favorise leur implication dans le projet collaboratif. Personne ne doit se sentir inactif ou inutile, au risque de démobiliser tout le groupe. L’écueil pourrait se situer sur la durée du projet : les élèves ont du mal à se mobiliser sur plusieurs mois et le reste de la progression annuelle s’en trouve bouleversée. L’univers créé par la classe de 6ème a également été posté sur le blog du collège afin de faire la promotion de leur travail auprès des autres classes et des familles.