Espace pédagogique

approches littéraires du XVIe siècle

animation pédagogique



Le 24 mars 2010, Julien Goeury, maître de conférence à l'Université de Nantes, intervenait devant un public de professeurs de l'Académie. L'animation pédagogique, qui portait sur la "Littérature du XVIe siècle", a été l'occasion d'une mise en perspective fructueuse des oeuvres de Ronsard et d'Agrippa d'Aubigné.


Sous le titre « Ronsard et Agrippa d'Aubigné : deux poètes face à l'Histoire », j'ai conçu deux séquences distinctes, successivement consacrées aux Discours de Pierre de Ronsard et aux Tragiques d'Agrippa d'Aubigné, deux œuvres qui permettent de poser cette question complexe des rapports qu'est susceptible d'entretenir une œuvre littéraire avec ce qu'on appelle l'Histoire, ce qui recouvre  des perspectives très variées.

Comment distinguer le poète de l'historien ? Un historien qui écrirait en vers pourrait être dit « poète », à condition de s'en tenir à des critères exclusivement formels, mais cet historien versificateur rejoindrait alors la catégorie la plus méprisée à la Renaissance, celle des Grands Rhétoriqueurs, ces poètes qui occupaient la charge de chroniqueur ou d'historiographe de cour à la fin du Moyen Age. Alors un poète, au sens justement où Ronsard l'entend et où Agrippa d'Aubigné l'entend toujours, peut-il être dit « historien », ou plutôt, puisque cette catégorie de travailleurs intellectuels n'existe pas encore, peut-il (et à quel prix ?) se colleter à l'Histoire, cette rapsodie d'événements de toutes natures à qui l'on essaie de donner un sens ? Cela ne va pas de soi.  Et plutôt que de parler un peu trop rapidement de « poète historien », comme on le fait parfois, il vaut mieux maintenir une distance entre les deux et s'interroger sur ce qui différencie le poète de l'historien dans son rapport à l'Histoire, c'est-à-dire sur les principes de l'affabulation poétique, dont l'allégorie est la figure matricielle à la Renaissance.

Quel rôle est susceptible de jouer un texte dit « littéraire », et par la même son auteur, dans des événements d'une autre nature (sociaux, politiques, religieux, etc.) qu'il les évoque ou non directement ? Si l'écrivain est un personnage de l'histoire, quel rôle joue pour sa part un poème dans le cours des événements ? Peut-on définir des « actions d'écriture », au sens l'écrit agirait à sa façon en venant modifier le cours de l'Histoire ? C'est une question essentielle : quel rôle peuvent et doivent jouer les Discours de Ronsard publiés en 1562-1563 au moment du déclenchement des guerres de Religion et adressés à la reine, Catherine de Médicis ? Quel rôle peuvent et doivent jouer Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné publiés sous le régime de l'édit de Nantes en 1616, alors que le royaume veut oublier ces mêmes guerres ? On-ils servi à autre chose qu'à être lus pour leurs qualités « littéraires » ?

Ces questions, et bien d'autres encore, méritent d'être posées. Il s'est agi de procéder ainsi : d'abord une présentation des enjeux de chacune des œuvres en présence, pour Ronsard la série des Discours, pour Aubigné le poème des Tragiques, et plus particulièrement le premier livre, celui des Misères. Et à partir de là une étude beaucoup plus précise quelques extraits tirés de l'exemplier distribué en début de séance.

Julien Goeury, Université de Nantes