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Éthique reconstructive et responsabilité politique, Jean-Marc FERRY (Compte rendu)
Assainir moralement la situation internationale requiert sans doute davantage que ce que l'on peut attendre des seules vertus d'une éthique argumentative. Au-delà, il conviendrait de porter l'éthique du discours sur le registre d'une éthique reconstructive. De quoi s'agit-il ? - D'une pratique du discours qui, à travers une thématisation que l'on souhaite coopérative, poursuit la reconstitution, par les intéressés, du drame qu'ils ont pu vivre avec toute leur subjectivité engagée dans une relation éventuellement jalonnée par le destin des oublis, des malentendus, humiliations et violences de toute sorte. Cette pratique requiert ainsi une attitude autocritique, une disposition à entendre la réclamation de l'autre et à reconnaître sa souffrance du point de vue de la violence que j'ai pu lui infliger, volontairement ou non. Mais elle suppose aussi une attitude correspondante chez l'autre, c'est-à-dire la même disposition à entendre mon propre récit, du moment que celui-ci se présente comme l'expression sincère d'un vécu authentique. Quant à ses idéalisations, l'attitude reconstructive attend du discours - et du discours seul, du moment que ses actes sont porteurs de reconnaissance - qu'il puisse mener à bien la réconciliation entre les protagonistes sur les ressources d'une ouverture autoréflexive et intersubjective. En cela, l'éthique reconstructive peut être regardée comme une éthique de la reconnaissance doublée d'une éthique de la responsabilité.

Compte rendu :
Merci, monsieur Ferry, pour votre propos à la fois savant et militant.
Vous tenez d'emblée à justifier le concept d'« éthique reconstructive » en référence à l'éthique de la responsabilité, qui, pour ne pas être immorale, doit être fondée sur des principes réflexifs qui permettent d'instaurer un consensus public relatifs aux normes sur fond de dissensus à propos des valeurs, ce qui fait de la conviction elle-même un principe méta-éthique. Ces principes libéraux de justice politique sont plus susceptibles d'organiser la délibération sur de grands problèmes de société délicats, qui divisent (comme l'avortement ou encore la peine de mort), que de les traiter politiquement de façon normative.
Cela est propre à la formation d'une démocratie délibérative, qui permet, elle-même, la formation d'une opinion raisonnée et non pas seulement l'expression d'une opinion spontanée, et ce par un auto-décentrement qui nécessite une attitude reconstructive et pas seulement argumentative, c'est-à-dire le recours à des récits de vie qui permettent la reconstitution partagée du drame qui a fait souffrir l'autre d'une violence de notre fait -et inversement-, en vue d'une réconciliation fondée sur la reconnaissance réciproque. Cela nécessite la distinction et l'articulation des registres de discours narratif, interprétatif, argumentatif, et, enfin, reconstructif, dernier registre qui intègre les vertus des trois précédents mais aussi en dépasse les limites et pathologies, notamment celles d'une argumentation qui s'en tiendrait à la seule teneur des arguments, alors que c'est la force de l'engagement personnel de celui et de ceux qui argumentent qui emporte l'adhésion. Une telle éthique de la reconstruction conjoint ainsi les deux pôles de l'amour et du droit, dites-vous en référence à Hegel.
Vous passez alors de l'éthique à la politique, internationale essentiellement, c'est-à-dire là où règne la plus grande brutalité, qui a produit de tels passifs entre les Etats-nations et les civilisations, notamment, que la seule argumentation d'un droit international procédural visant à l'entente ne saurait suffire à remédier aux injustices commises, même si la perte du sens du droit serait une grande catastrophe historique, qui a cependant déjà été malheureusement surpassée par le déferlement de la haine nazie engendrant le mal politique absolu.
Que peut alors l'éthique, demandez-vous gravement, dans le contexte historique d'une telle horreur ? Ne faut-il pas commencer par thématiser les fautes passées pour passer d'une identité nationale (par exemple) dogmatique et donc narcissique à une identité critique et auto-critique car réflexive ? Cela seul serait susceptible, en effet, de reconstruire une véritable histoire commune, comme entre la France et l'Allemagne notamment, ce qui est si gros de conséquence pour la construction de l'Europe à venir, qui nécessite des mémoires partagées et non seulement parallèles.
Vous tenez d'emblée à justifier le concept d'« éthique reconstructive » en référence à l'éthique de la responsabilité, qui, pour ne pas être immorale, doit être fondée sur des principes réflexifs qui permettent d'instaurer un consensus public relatifs aux normes sur fond de dissensus à propos des valeurs, ce qui fait de la conviction elle-même un principe méta-éthique. Ces principes libéraux de justice politique sont plus susceptibles d'organiser la délibération sur de grands problèmes de société délicats, qui divisent (comme l'avortement ou encore la peine de mort), que de les traiter politiquement de façon normative.
Cela est propre à la formation d'une démocratie délibérative, qui permet, elle-même, la formation d'une opinion raisonnée et non pas seulement l'expression d'une opinion spontanée, et ce par un auto-décentrement qui nécessite une attitude reconstructive et pas seulement argumentative, c'est-à-dire le recours à des récits de vie qui permettent la reconstitution partagée du drame qui a fait souffrir l'autre d'une violence de notre fait -et inversement-, en vue d'une réconciliation fondée sur la reconnaissance réciproque. Cela nécessite la distinction et l'articulation des registres de discours narratif, interprétatif, argumentatif, et, enfin, reconstructif, dernier registre qui intègre les vertus des trois précédents mais aussi en dépasse les limites et pathologies, notamment celles d'une argumentation qui s'en tiendrait à la seule teneur des arguments, alors que c'est la force de l'engagement personnel de celui et de ceux qui argumentent qui emporte l'adhésion. Une telle éthique de la reconstruction conjoint ainsi les deux pôles de l'amour et du droit, dites-vous en référence à Hegel.
Vous passez alors de l'éthique à la politique, internationale essentiellement, c'est-à-dire là où règne la plus grande brutalité, qui a produit de tels passifs entre les Etats-nations et les civilisations, notamment, que la seule argumentation d'un droit international procédural visant à l'entente ne saurait suffire à remédier aux injustices commises, même si la perte du sens du droit serait une grande catastrophe historique, qui a cependant déjà été malheureusement surpassée par le déferlement de la haine nazie engendrant le mal politique absolu.
Que peut alors l'éthique, demandez-vous gravement, dans le contexte historique d'une telle horreur ? Ne faut-il pas commencer par thématiser les fautes passées pour passer d'une identité nationale (par exemple) dogmatique et donc narcissique à une identité critique et auto-critique car réflexive ? Cela seul serait susceptible, en effet, de reconstruire une véritable histoire commune, comme entre la France et l'Allemagne notamment, ce qui est si gros de conséquence pour la construction de l'Europe à venir, qui nécessite des mémoires partagées et non seulement parallèles.
Rédacteur : Joël GAUBERT
L'auteur
Activité pédagogique :
Partenaire
Droits
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective.
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le titulaire des droits autorise toutefois la reproduction et la représentation des textes, des vidéos, des audios ici proposés à titre de copie privée ou a des fins d'enseignement et de recherche et en dehors de toute utilisation lucrative. Ceci, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur, de l'éditeur et la source tels que signalés dans le présent document.
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auteurs :
Joël Gaubert
Mots clés :
Information(s) pédagogique(s)
Niveau :
Terminale, enseignement supérieur, classes préparatoires
Type pédagogique :
connaissances, leçon
Public visé :
enseignant, élève, étudiant
Contexte d'usage :
non précisé
Référence aux programmes :
La politique, La société, La justice et le droit, morale, L'État
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