Ce projet construit autour de la géographie mondiale fait aussi appel au français, aux mathématiques, à l'enseignement moral et civique, à l'éducation musicale, à l'histoire, ... Sans chercher à être exhaustif, on peut par exemple mettre la focale sur certaines compétences de français. En effet, le livret d'explorateur va recueillir les écrits intermédiaires (sous enveloppes) et les traces finales, et ainsi montrer que l'on va travailler la compétence : "recourir à l’écriture pour réfléchir et pour apprendre". Tout achat d’un équipement fait l’objet d’un écrit sur le carnet. Par exemple, Adèle explique sur son carnet comment elle a acquis un cheval : "Une nuit, alors que je dormais, j'ai entendu un animal qui mangeait mes provisions. J’ai voulu sauver ma nourriture. Et j'ai utilisé l'arc que je venais d'acheter, mais j'ai blessé l'animal. Au matin, j'ai vu mon erreur, alors j'ai soigné le cheval et je l'ai adopté."
De même, lorsque les élèves piochent une carte Malchance ou une carte Chance, ils la collent dans leur carnet, puis rédigent leur réponse à la commande de cette carte. Pour les cartes Malchance, ils doivent par exemple faire une demande d’entrée sur le territoire à l’ambassade. Tout courrier est ensuite inséré dans les pages de l’exploration du pays avec une explication. En bonus, cet écrit validera un blason Écriture, s’il est présenté à la classe et validé par celle-ci.
Le principe est aussi le même pour les cartes Chance que les élèves apprécient beaucoup. Par exemple : "J’hérite du voilier de ma grand-mère", "Un autochtone me fait visiter deux lieux historiques du pays". Les élèves doivent exposer les circonstances de cet héritage et décrire les lieux découverts. De même, ce projet permet de développer des habiletés langagières puisque les élèves vont régulièrement échanger entre pairs, présenter aux autres l'avancée de leur exploration, solliciter leur aide ou venir en aide à un autre. D’ailleurs, "après plusieurs mois d’exploration, certains dont Camille disent se sentir plus à l'aise à l'oral ; la classe a même établi un listing de ce qui rend une présentation plus vivante, plus captivante", ajoute Hélène Guerrier.
Compétences transversales
Numérique, lexique, prolongement possible à la maison (recherches), … Ce sont aussi des compétences cognitives qui sont mises en jeu (planification et métacognition) ou encore des compétences sociales (se mettre au service des autres, entraide, partage, …). Enfin, est également travaillée l'éducation aux médias et à l'information : multiplier et croiser les sources d'informations (maison, BCD de la classe, bibliothèque, ...). Par exemple, Mathias (CM2) a apporté deux livres : un livre sur la Russie, pays qu'il a choisi, emprunté à la bibliothèque, et un atlas de chez lui pour la classe.
Évaluation et différenciation
Hélène Guerrier explique comment elle procède pour amener ses élèves à obtenir des ceintures et des blasons : "Dans l’obtention des ceintures, les élèves passent leur test quand ils se sentent prêts. Ils peuvent d’ailleurs tenter des tests sans avoir fait les exercices d’entraînement pour atteindre leur niveau de difficulté. Toute présentation à la classe est mise en lien avec le programme par l’enseignante. Il en découle des leçons de choses. Au bout de deux ou trois leçons de choses, ils ont un petit quiz pour savoir ce qu’ils ont retenu. Pour valider un blason, il faut présenter son travail à la classe et respecter une fiche de critères." Par exemple, les recherches effectuées dans le cadre du projet d’exploration d’un élève vont être évaluées lorsqu’il viendra exposer à la classe l’état de son travail : la présentation prendra en compte ses compétences à l’oral, et le contenu ses compétences en géographie. Par ailleurs, cette organisation individualise l’évaluation en ce qu’elle permet à chaque élève de pouvoir, selon son niveau, obtenir ceintures et blasons. Pour les élèves les plus en difficulté, la quantité exigée pour atteindre un objectif est réduite, ou alors le travail se fait directement sur la fiche plutôt que sur le cahier, ou encore le travail est réalisé avec l’aide d’un binôme ou de l’enseignante. Chacun avance donc à son rythme et peut gagner autant de freines qu'un élève en réussite pour peu que son investissement lui permette de progresser.
L’enseignante a constaté qu’à un moment donné, l’élève qui avait le moins d’argent n'était pas l'élève le plus en difficulté mais la plus timide de la classe. Un autre élève, Malo, a trouvé dommage que certains aient moins d’argent que les autres. La classe a alors essayé de comprendre pourquoi et il a été retenu de cet échange que l’élève timide puisse faire des présentations non plus seule, mais avec un autre élève. De fait, parce qu'il y a adaptation des exigences, parce qu'il y a accompagnement de l'enseignante ou aide de copains dans la classe, ce genre de projet ne peut pas mettre en difficulté ou stigmatiser ceux qui ont du mal à finir leur travail (compréhension, lenteur), ceux qui ne peuvent pas prolonger leurs recherches à la maison ou ceux qui par leur timidité obtiendraient moins de blasons. Au contraire, il est un moyen de valorisation, une chance pour les plus en difficulté et un objet de réflexion pour la classe.