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tice et pratiques sociales des adolescents

tice et pratiques sociales des adolescents : quel constat


Plusieurs études récentes montrent en effet que la classe d'âge fréquentant les établissements du second degré constitue la tranche de la population la plus impactée par le développement de certains services numériques, au premier rang desquels on trouve les messageries instantanées ou chat, la téléphonie mobile associée au SMS, à un moindre degré les blogs et, bien entendu, les baladeurs numériques de type MP3. A ce titre la population « adolescente » se distingue bien du reste de la population en ce sens que si celle-ci est elle aussi de plus en plus consommatrice de services numériques, les services pivots ne se recouvrent pas forcément.

Ainsi une étude de Médiamétrie parue en avril 2005 nous indiquait déjà que près d'un tiers des 11-20 ans interrogés déclaraient utiliser tous les jours ou presque une messagerie instantanée, 31 % se déclaraient dans le même temps auteur d'un blog, 80 % possédaient par ailleurs un téléphone mobile, sur la même classe d'age, avec un taux dépassant les 90 % pour la classe 15-20 ans. Depuis ces chiffres ont encore augmenté, comme en témoigne l'étude du CREDOC citée en annexe. Ces chiffres sont conformes à ceux que l'on peut retrouver dans la plupart des pays développés, à l'image de cette étude québécoise qui indique que 99 % des 12-17 ans fréquentent la toile et ont une « pratique groupale du mode de communication ». Ils correspondent également, au plan plus local, à ceux qui émanent du récent (janvier 2007) travail d'enquête mené par le Comité économique et social régional (CESR) et intitulé « A vous de jouer ! Quelles perspectives pour les jeunes en Pays de la Loire » ou à ceux disponibles sur Synapse, l'observatoire régional des technologies de l'information et de la communication.

Ce foisonnement technologique conduit à l'émergence d'une culture numérique proprement adolescente sur laquelle s'est penchée l'INRP en juin 2006. Cette étude très riche nous donne ainsi à voir que :
« Les notions d'identité, de culture, de langue, de civilité, de rapport au temps et à l'espace se voient bouleversées par la révolution numérique. Car cette culture est avant tout celle des outils d'action qui expriment l'ingéniosité technique devenue une seconde nature. S'exprimer (chat et blogs), télécharger (peer to peer), « délirer » (MSN), se documenter (Google), diffuser (You Tube), jouer (Second Life, Counterstrike), retoucher et « forwarder », autant de verbes renvoyant à une culture faite d'incarnation dans des formes matérielles où les outils ne sont pas vus sous leur seul angle fonctionnel mais induisent une relation dynamique, voire quelque chose de plus : elles réfèrent à des valeurs partagées par les membres de la communauté adolescente ».

D'où cette « culture ado » qualifiée par le sociologue Pascal Lardellier dans son ouvrage Le pouce et la souris, de ludique, personnalisée, dynamique, fulgurante et réticulaire.

Or à bien des égards, l'école apparaît « débranchée » de ces pratiques. Non pas que les TICE n'y soient pas présentes, bien au contraire, mais elles s'y trouvent sous une forme autre, que l'on pourrait qualifier de plus « traditionnelle ». Ainsi les pratiques collaboratives utilisées dans la sphère privée, hors quelques expériences locales, sont relativement peu reprises par le système éducatif et les compétences développées hors l'école dans ce domaine restent finalement peu valorisées. Il est ainsi assez significatif de pointer que le B2i ne propose de valider des compétences TIC qu'à travers des seules activités conduites en classe (au sens large). Il ne s'agit pas ici de vouloir aligner l'école sur les pratiques sociales mais de faire le constat d'une coupure qui persiste dans ce domaine et de s'interroger sur sa pertinence ou non. Ainsi, Bruno Duvauchelle en juin 2006, dans un éditorial du Café pédagogique posait-il de façon provocatrice la question de savoir si le développement des TIC était compatible avec l'Ecole, l'Ecole « lieu de médiation » étant concurrencée par « l'intemédiation » proposée par les nouvelles technologies.

A ce titre, la réflexion qui s'engage au sein de l'académie sur les services numériques à développer au sein des ENT ou autour de l'accompagnement scolaire ne pourra faire l'économie de ce type de questionnement. Messagerie ou chat, communication synchrone ou asynchrone ? Collaboration entre pairs ou système de tutorat ? Le choix des outils découlera, in fine, du modèle pédagogique retenu mais les conditions d'acceptabilité par les populations visées doivent aussi être posées en amont.

En complément, l'on peut noter que de nombreuses entreprises ont été ou sont aujourd'hui confrontées au même type de question ; L'émergence des technologies liées au Web 2.0 (blogs, Wiki...) et l'acculturation des salariés les plus jeunes, en particulier des nouveaux cadres, à ces technologies a conduit certaines d'entres elles, et non des moindres, à repenser radicalement leurs outils de travail. Ainsi, aux Etats-Unis, Oracle a progressivement délaissé ses outils « traditionnels » de groupware, imposés par sa DSI (Direction des systèmes d'information) pour tester des solutions plus innovantes en adéquation avec les pratiques sociales de ses salariés les plus jeunes et avec, au final, d'importants gains de productivité.

Pour l'Education nationale, et l'académie de Nantes en particulier, il s'agit donc de s'emparer désormais de cette thématique afin de nourrir le dialogue déjà largement ouvert avec les collectivités sur les services numériques à finalité éducative à offrir aux jeunes de ce territoire.

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