Espace pédagogique

Une parenté avec les TPE

Le préalable commun aux programmes des enseignements d'exploration  me fait fortement penser aux TPE du niveau de 1ère (travaux personnels encadrés). Les mêmes dispositifs de cours ouverts sur l'extérieur, sur la ville, les institutions, les professionnels etc. ouverts aussi à l'interdisciplinarité, sont  proposés avec comme même moteur un questionnement problématisé et la mise en œuvre d'un projet. On sait que la consultation nationale auprès des lycéens avait mis en évidence l'attachement de ceux-ci à cette formule d'enseignement. Les professeurs d'arts plastiques y ont joué un rôle et continuent encore à y  participer, leur discipline se prêtant particulièrement bien aux constructions concrètes et se mettant en lien aisément avec d'autres disciplines des  sciences humaines. Pour y avoir moi-même contribué, j'ai pu observer les fruits de telles formules de travail, pas tant dans les résultats d'ailleurs que dans l'attitude des élèves plus difficiles à mesurer (enthousiasme, prise d'autonomie, échange, etc. )
 Cette parenté des   enseignements d'exploration avec les TPE et la relative liberté d'élaboration des cours que cela offre aux professeurs m'ont à priori plutôt plue. Une rapide lecture  m'avait fait apparaître l'esprit  de cette nouveauté. Dans une seconde lecture, je me suis attachée à me représenter les conditions de cet enseignement et me sont apparu des problèmes spécifiques de fonctionnement qui risquent de lui nuire jusqu'à je pense ne plus respecter le principe initial de la proposition :

  • Les horaires tout d'abord :
1h30 hebdomadaire semble bien peu sachant que les TPE s'organisent déjà dans une certaine urgence dans un créneau de 2h. Les déplacements hors les murs, les  recherches autonomes et réalisations individuelles d'élèves demandent bien plus de  temps qu'un cours programmé de professeur pour l'ensemble d'un groupe.

  • Les difficultés d'organisation liées aux effectifs habituels des classes :
Les proviseurs ont  pour certains déjà annoncé l'impossibilité de dédoublement des groupes d'enseignement d'exploration. Rien ne stipule que ces derniers  correspondent à la logique des encadrements à effectif limité des travaux pratiques par exemple. Mais, sachant que les jeunes secondes apparaissent souvent bien peu autonomes durant leur première année de lycée, peut-on effectuer un suivi individualisé avec une classe de plus de 30 élèves lancés chacun dans des projets et questionnements différents?

  •  Les difficultés de responsabilité et d'encadrement par le personnel enseignant :
 Par une interdisciplinarité institutionnalisée et effective sur le terrain, les TPE offrent une certaine souplesse d'organisation pour les déplacements hors les murs et la dispersion de la classe en plusieurs lieux de travail comme par exemple le CDI et la classe d'arts plastiques. Tous ces moments pédagogiques recommandés par la proposition de programme des enseignements d'exploration, autres que le face à face magistral  risquent de mettre le professeur en charge d'un groupe dans une situation périlleuse et sans spontanéité et l'amener à renoncer à certaines expériences demandant un encadrement de plusieurs professeurs. L'interdisciplinarité et la mobilité recommandées se feront avec quels moyens en personnel enseignant?

  • Les difficultés pour l'élève enfin d'un choix déterminant la série de 1ère, choix à faire entre  un enseignement exploratoire en création et activités artistiques "arts visuels" et une option facultative "arts plastiques"
Les enseignements exploratoires se présentent dans les programmes comme la première approche d'une discipline caractéristique d'une série pour la classe de 1ère. Or dans la perspective d'un choix d'une série L avec option arts plastiques, la découverte de la discipline "arts plastiques" par l'enseignement exploratoire "arts visuels"est moins préparatoire que l'enseignement optionnel à la fois plus approfondi du fait de ses 3 heures hebdomadaires et plus spécialisé dans ses contenus. Il peut paraître contradictoire à l'élève de 3ème que le choix intitulé "optionnel" soit plus déterminant pour sa série future que celui classifié parmi les enseignements obligatoires. Paradoxalement, des élèves au profil scientifique ou économique ayant en conséquence choisi les disciplines d'exploration leurs correspondant peuvent ajouter "arts plastiques" en option et être plus "plasticiens" que d'autres élèves au profil littéraire ayant fait le choix logique d'une "exploration" en arts visuels et ne voyant pas la nécessité de "doubler" leur préparation à leur spécialité future par l'ajout d'un choix optionnel. Même si le cumul des deux types d'enseignements est possible, cela peut sembler lourd pour un jeune de seconde d'additionner 4h30 de cours dans des disciplines qui de l'extérieur peuvent paraître semblables.


Mylène Coquio-Paillet, Lycée les Bourdonnières, Nantes