Pascal, Pensées, « La justice et la raison des effets »
Compte rendu d'un stage de formation continue organisé en quatre demi-journées, les lundi 14 décembre 2009, mardi 12 janvier 2010, mercredi 03 février 2010, vendredi 09 avril 2010.
Usages possibles en classe
. Religion et politique
. La spécificité du politique
. La raison et le réel dans l'ordre politique. Usage de la raison au sein de la déraison sociale et politique. Politique, art et technique.
La folie du monde témoigne de la propension de toute force possédée à être utilisée. On essaye de s'appuyer sur les leviers que la force elle-même produit spécifiquement en politique. Les lois et les coutumes sont à la fois l'expression de la force et le moyen de la réguler. D'où le registre de l'art, de l'ensemble de techniques de régulation qui passe par un usage réglé de l'imagination. Il s'agit d'un jeu, dans lequel il y a des règles. Par exemple : construire de bons discours, sans que s'affirme le besoin de mentir. Il n'y a pas de méchanceté naturelle mais de l'ignorance naturelle. Il n'y a pas de volonté du mal (remarque : le péché, n'est-ce pas la volonté du mal ?), il y a moins des fautes ou des erreurs que des illusions à combattre. Inversement, il y a des vérités non appréhendées en leurs points réels.
- Politique et vérité. La vérité du politique n'est pas nécessairement une fondation de la politique sur une vérité absolue. Mais il y a bien des vérités à énoncer sur la politique pour énoncer une « pensée de derrière » qui ne libère pas de « l'asile de fous » mais permet d'y vivre (ce qui nous permet de conserver ce qui nous reste de raison).
- Politique et liberté. La liberté n'est pas abordée, dès lors que la politique se préoccupe avant tout de paix civile. L'idée de justice est soumise à un éparpillement. Il n'y a pas de projet de paix perpétuelle. Il ne s'agit pas d'éviter toute guerre ; la guerre internationale apparaît presque comme une conséquence de la définition même de la loi et de la coutume, donc elle détermine un territoire. Ici, Pascal est proche de Rousseau : il est impossible d'éviter les guerres au plan international (cf Rousseau : « le patriote est dur aux étrangers »). Chez Pascal, la loi permet de distinguer, de déterminer. Elle permet d'éviter la guerre civile, mais elle produit des frottements aux frontières. On ne cherche pas à éclairer le peuple sur l'établissement des conditions de sa liberté politique, on justifie pourquoi il doit obéir aux lois et aux coutumes de son pays. Mais, comme chez Descartes, il s'agit de conserver sa liberté : par la « pensée de derrière » (Pascal), par le pouvoir de la représentation (Descartes). L'homme libre peut être contraint de faire le fou tout en gardant raison, tout en permettant même à la liberté d'exister dans son ordre (cf la liberté de penser, dans l'ordre des savants). Faut-il attendre de la politique l'instauration de la liberté ? Pas chez Pascal. Mais il existe une liberté hors de ce champ : la liberté de jouer, à ne pas confondre avec le pur divertissement. Il convient en effet de savoir jouer (trouver le bon équilibre, la bonne focale) sans perdre la « pensée de derrière ». Une collègue souligne qu'avec Pascal, on ne change pas d'ordre tandis qu'avec Spinoza, on peut en changer. Cette remarque peut être prolongée : avec Descartes, la raison ne transforme pas l'ordre du politique ; cf sa correspondance avec Elisabeth : contre la perspective de Machiavel, il convient d'insister sur la lecture des grand Stoïciens, qui incitent au consentement. Pour autant, on n'abandonne pas la raison. Avec Spinoza, la raison peut éclairer la constitution de l'ordre politique. Chez Pascal, la raison a son domaine royal, le champ de la connaissance, mais il y a un domaine qui échappe à la raison : celui du salut. Non pas que la raison ne puisse pas éclairer. Il y a du figuratif. Il y a une herméneutique, un sens caché, une dialectique du manifeste et du caché. Ceux qui au nom de la raison condamnent la religion à l'absurde perdent de vue que si ces textes étaient immédiatement perméables à la raison, ils seraient alors absurdes. Effectivement, c'est l'objet dont parlent ces textes qui implique une forme d'imperméabilité. Si l'on parlait de la nature, il ne faudrait pas croire, mais savoir. Mais, ici, ces objets ne sont pas à la proportion de la raison humaine, et même dans la nature, la raison n'atteint que des effets (le vide est un effet et pas une cause). La nature n'est pas toujours ce qu'on devrait croire ou penser. Elle est « incroyable ». Il y a un effet de manifestation du caché même dans les effets de la nature (encore plus avec Dieu). Un autre texte est donc requis car, à force de croire qu'on pourrait tout comprendre, on ne comprendrait plus rien du tout : il y a des ordres différents, il y a des régimes différents. Chez Spinoza, la raison est ce qui permet de saisir l'être en sa pleine vérité. En ce sens, il n'y a pas de mystère de l'être. C'est la substance, que l'on peut comprendre. Si la raison est capable de cela, elle peut être capable de transformer l'ordre du réel et les réalités produites par les hommes. C'est en ce sens qu'il y a une conception du droit chez Spinoza. Chez Pascal, il n'y a pas de théorie du droit. En effet, la théorie du droit ne fait pas droit en soi, elle fait droit par ses effets, par sa puissance. Pascal parle de la puissance symbolique de la loi (par ses effets) plus que de sa teneur proprement juridique. Est-ce qu'on y est enfermé comme dans un cachot ? Le moi préfère voir les grands se divertir plutôt que de rester seul dans sa chambre. Si l'on veut : dans son atelier, Spinoza ne ressemble pas à Descartes dans son poêle ; avec Pascal, on est dans la rue, ou plutôt : on est embarqué. Ce n'est pas une tragédie. C'est plutôt tragi-comique. On est dans le tissu des tensions qui traversent la condition humaine (les rivières pleines de sang ainsi que les rivières qui nous emportent là où finalement nous voulons aller). Il y a donc un milieu, une dimension spatio-temporelle. Il n'y a pas de saut, le salut vient par la grâce. L'idée que nous ne maîtrisons pas tout n'est pas nécessairement un mal, puisque le mal consiste dans la vanité, la tyrannie, le désir de la toute puissance. Ce n'est pas forcément l'ordre du politique qui doit gouverner la totalité de la vie humaine. Cette approche est importante pour la question : « Faut-il tout attendre de la politique ? » Le terrain fondamental de la liberté est-il la politique ? Le XVIIe siècle problématise l'évidence du rapport politique / liberté. Avec Pascal, la question de la liberté n'est pas politique. C'est un problème chrétien, religieux. On appartient d'abord au royaume de Dieu. Quelle est alors la place de la famille, de la patrie ? Pour me penser comme homme, avec quoi ou qui dois-je entretenir des relations : Dieu ? D'autres hommes ? Tout autant qu'elle peut être instrument de pouvoir, la religion peut être la limite du politique (cf Tocqueville : la croyance religieuse est nécessaire en politique car elle rappelle la limite du pouvoir politique) Chez Pascal, plus le pouvoir apparaît comme toute puissance, plus il y a besoin d'une mise à distance. Aucune puissance instituée n'a droit à la toute puissance.
Y a-t-il alors un champ privilégié de la liberté ?
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