Étonnants Voyageurs 2008 : la nouvelle de Joséphine Fallourd

Au retour de la messe, peu après minuit et demi, les invités de Jon découvrirent certainement le plus beau souper de Noël que l'on puisse imaginer ">

C'est alors que madame Trygvason la découvrit assise dans un fauteuil semblant dormir. Sur ses genoux, une lettre. Madame Trygvason saisit la lettre et lut d'une voix chevrotante : « J'ai vécu dans cette ferme avec ma famille, une famille très pauvre. Nous étions sept : mon père Bjorn, ma mère Ida, mon grand-père Thorvaldur, ma grand-mère Bjork, mon petit frère Sven et moi, Lineik. N'ayant plus assez d'argent pour payer le loyer, nous fûmes expulsés un soir de Noël par les propriétaires des lieux. Au fil des ans, ma famille est morte de privation de nourriture, de froid, de chagrin. Mon frère, Sven, est le dernier à avoir succombé à cette vie misérable. Juste avant de rendre l'âme, il m'a fait promettre de tous les venger en tuant chaque soir de Noël, jusqu'à la septième année, une personne résidant dans notre ancienne maison. » La lettre se poursuivait ainsi : « Je tenais à vous dire, Jon, que je suis désolée de vous avoir fait autant de mal durant ces sept ans, mais j'étais envahie par le haine. Après ces semaines passées auprès de vous, je me suis rendue compte que vous êtes un homme bon. J'ai absorbé du poison, je mets à votre disposition l'antidote et je vous laisse le choix de me sauver ou non. Je voulais aussi vous dire que, si je meurs, je mourrai heureuse même si je n'ai pas pu tenir la promesse faite à mon frère. Maintenant c'est à vous tous de juger si je dois mourir. » Jon demanda à ses hôtes de voter pour savoir s'il devait ramener la jeune fille à la vie ou la laisser s'endormir à jamais... Quatre voix pour la mort, quatre voix contre ...C'est à Jon qu'il revint ensuite de décider du sort de Lineik. Bouleversé, Il sortit contempler le fjord : dans la fureur des vagues qui s'écrasaient telles des lames, Jon pensait à ses amis défunts qu'il aurait tant aimé revoir. Prenant une dernière inspiration, il tourna les talons et rejoignit sa maison. Tandis que la porte se refermait sur sa fatidique décision, le vent se leva et, à travers les sapins, il fit entendre une longue plainte qu'en Islande on appelle aujourd'hui encore : « la chanson de Lineik ».