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Étonnants Voyageurs 2008 : la nouvelle de Simon Nolte

Voici la nouvelle écrite par Simon Nolte, élève de seconde au lycée Renoir à Angers. Cette nouvelle a obtenu le premier prix du jury académique.

une rencontre inespérée


La porte s'ouvrit dans un léger chuintement et un contrôleur vêtu de l'uniforme marron réglementaire de la société des transports pénétra ">
étonnants voyageurs 2008
affiche 2008 du concours d'écriture de nouvelles
« bonjour, mesdames et messieurs ! Contrôle d'identité, veuillez présenter vos identibadges ! » dit-il de manière autoritaire.
Tout en bipant les badges que les passagers lui présentaient à tour de rôle, il s assurait de leur authenticité.  
Il remontait lentement l'allée, accompagné par le « bip bip » aigu  provoqué par la lecture des badges scannés en se rapprochant inévitablement du siège de Chuck. Chaque nouveau pas faisait monter l'angoisse chez ce dernier.
Il arriva à sa hauteur et contrôla les badges que la dame et le vieil homme lui tendaient déjà machinalement.
« pourquoi sommes-nous arrêtés en rase campagne ?, demanda la dame.
Rien de grave, nous sommes retardés quelques minutes car on a essayé de faire sauter un convoi gouvernemental plus loin, sur la voie de Larena, répondit le contrôleur.
Qui « on » ?, demanda un passager.
Ah non !, râla l'homme au téléphone portable, c'est sûr, je vais rater ma correspondance pour Larena, qui a fait ça ?
Apparemment un groupe d'opposants au gouvernement mais ils ont raté leur coup, quelques petites réparations et tout va s'arranger.
C'est bien ce que je disais, je vais rater ma correspondance, soupira l'homme au portable. »
Le contrôleur revêche se retourna vers Chuck, attendant avec impatience qu'il lui présente à son tour son identibadge.
  « Pourvu que cela marche, s'inquiéta -t il, sinon Markus aura de mes nouvelles et passera un sale quart d'heure..., enfin, si on me relâche ! »
Il présenta son faux badge au pistolet-bipeur de l'homme.
-Tutut tutut..., fit soudain l'objet noir.
Chuck sursauta, se rendant compte que quelque chose n'était pas normal. Le silence se fit autour d'eux.
Le contrôleur, soupçonneux le regardait fixement, Chuck pâlit et sentit une sueur froide lui couvrir le dos. Il bafouilla :
« mais euh....ce n'est pas possible, euh.... Je ne comprends pas, il y a , il y a sûrement un problème, il fonctionnait très bien à la gare, sinon, je n'aurais pas pu monter dans le train, ni acheter mon billet ! Réessayez pour voir ! »

Ses compagnons de voyage levèrent le nez de leur occupation, la dame semblait très intéressée par ce fait inhabituel tandis que le vieil homme regardait Chuck avec étonnement, comme s'il avait perçu le trouble et l'angoisse de son voisin.
Le regard toujours méfiant et suspicieux, le contrôleur repassa son bipeur devant le code du badge. Après un dixième de seconde qui parut interminable, l'appareil fit entendre le « bip » tant attendu, au grand soulagement de Chuck qui, pâle comme un linge, s'imaginait déjà embarqué par la redoutable milice d'état. Que serait-il alors advenu de la valise ?
Le contrôleur termina sa ronde de vérification avant de rejoindre un autre wagon.
Le train se remit doucement en marche et reprit rapidement de la vitesse.

« Et bien mon jeune ami, dit le vieil homme, il s'en est fallu de peu pour que cette maudite milice n'intervienne et ne vous arrête comme ils en ont l'habitude!
  Non seulement vous défendez les voyous qui veulent renverser le gouvernement mais en plus, vous critiquez et insultez la milice ! Vous ne devez plus avoir toute votre tête mon pauvre monsieur! , s'indigna la dame »

Elle se leva brusquement et sortit du wagon en prenant la direction des toilettes.
«  Quelle pimbêche ! »  bougonna le vieil homme, « la milice, pff !  Une bande de soumis à la dictature exercée par le gouvernement, oui !  Si tout le monde s'aplatit devant eux comme elle, le pays n'est pas près de se relever et la liberté restera un souvenir que seuls, nous, les anciens, pourront évoquer ! Heureusement j'ai entendu dire qu'un noyau de résistance se développait, on les appelle « les cœurs purs » mais se ne sont que des rumeurs. Vous ne dites rien ? »
Il regarda  Chuck avec curiosité et un sourire malicieux apparut sur ses lèvres, il poursuivit :

- « Vous sembliez bien anxieux tout à l'heure, et cette valise au dessus de nos têtes semblait vous inquiéter puisque vous n'avez pas arrêté de la regarder du coin de l'œil.... Que transportez - vous donc? De l'argent de contrebande ? Une bombe ? Des armes chimiques ? Des documents  confidentiels, de quoi renverser le gouvernement ?! Ce serait trop beau ! »

Chuck ne sut quoi répondre. Le vieil homme lui semblait sympathique et sincère. Ses suppositions quant au contenu de la valise le laissaient perplexe : comment avait-il deviné que Chuck transportait effectivement des papiers susceptibles d'anéantir le gouvernement ? Ce ne pouvait être qu'un hasard, il devenait paranoïaque !
 Le regard du vieil homme ne quittait pas Chuck, ses yeux semblaient lire dans       les pensées de son jeune compagnon de voyage, son sourire malicieux disparut et fut remplacé par un air intrigué et intéressé. Il se pencha vers lui en posant ses avant-bras sur ses cuisses jusqu'à presque toucher le jeune homme.

« A voir la tête que vous faites, on pourrait penser que j'ai tapé dans le mille ! Vous êtes redevenu tout blanc, vos yeux s'affolent comme ceux d'un lapin pris au piège......serait-il possible que j'ai vu juste ? »

Chuck n'eut pas besoin de lui répondre car la dame, revenue des toilettes, interrompit brusquement leur conversation en rejoignant son siège.
Le vieil homme se rassit comfortablement et reprit sa lecture mais Chuck pouvait sentir son regard intrigué posé sur lui à plusieurs reprises.

Au bout de quarante minutes, les haut- parleurs annoncèrent l'entrée en gare de leur train.
Chuck descendit rapidement la valise  de l'espace-bagages et, sans un regard pour le vieil homme, se dirigea vers la sortie tandis que le train s'immobilisait dans un crissement de freins.
Chuck descendit, suivi par le vieil homme. Il scruta la foule qui était massée au delà les guichets de contrôle et aperçu deux représentant des « cœurs purs », Markus et Brit sur la droite. Ils lui firent signe.
 Chuck et le vieil homme, toujours sur ses talons, avaient parcouru dix mètres quand le contrôleur surgit devant eux en le montrant du doigt aux quatre hommes qui l'accompagnaient.
Chuck sentit les pulsations de son cœur s'accélérer.
« C'est cet homme qui a eu un problème avec son badge et qui me parait suspect, dit le contrôleur aux quatre miliciens derrière lui. »
L'un d'entre eux s'avança et dit
« Jeune homme vous allez devoir nous suivre sans opposer de résistance. Nous allons vérifier votre identité auprès de l'ordinateur central et nous allons aussi vérifier le contenu de vos bagages pour plus de sécurité.  
-Je ne comprends pas, répondit Chuck qui sentait l'angoisse monter en lui, il a déjà vérifié mon identibadge ! Cela devrait suffire !
-Ce sera l'affaire de quelques minutes, suivez-nous sans discuter, prenez vos bagages. »

Affolé, Chuck regarda désespérément ses amis impuissants au loin.
Ainsi donc sa mission échouait si près du but à cause d'un imbécile de contrôleur trop soupçonneux. Il sentit la rage prendre le dessus sur la peur en lui. C était trop bête !
Il entendit soudain un voix derrière lui dire :
« Merci encore jeune homme de m'avoir aidé à porter ma valise, c'est rare de nos jours. Je vais me débrouiller maintenant, bonne chance et adieu ! Messieurs... »

Le vieil homme saisit alors la valise posée sur le quai, regarda une dernière fois Chuck et lui fit un rapide clin d'œil avant de s'éloigner tranquillement vers les guichets de contrôle.
Sidéré, Chuck se laissa entraîner par les miliciens vers le bureau central.
En se retournant une dernière fois, il vit la silhouette du vieil homme s'éloigner de lui et ses amis des cœurs purs qui, n'ayant rien perdu de la scène, aller à la rencontre de ce résistant inattendu et inespéré.