Pour mieux faire connaître la littérature de langue anglaise et promouvoir l'écriture dans cette même langue à ses élèves de 1re L du lycée Bellevue, Mme Hubert a décidé de réaliser un recueil de nouvelles qui a été publié.
Comment initier à la littérature ?
Dans le cadre de son enseignement de langue anglaise, Christine Hubert, professeure au lycée Bellevue du Mans, a d'abord choisi d'étudier, avec ses élèves "première langue vivante" de la classe de 1re L2, des extraits de différents supports pendant le premier trimestre (articles, extraits littéraires). À partir du deuxième trimestre, elle est passée à une œuvre intégrale, certes courte, mais riche de potentialités, notamment en ce qui concerne la langue littéraire et l'étude de la langue : The Black Cat d'Edgar Allan Poe (voir annexe). Les lycéens maîtrisent souvent (mais partiellement) l'anglais contemporain ; en revanche, ils ont la plupart du temps des difficultés, voire des a priori, à l'égard de l'anglais littéraire. Pour la première fois depuis le début de leur apprentissage en anglais, les trente-cinq élèves de cette classe de 1re L allaient lire et étudier un texte littéraire en son entier. Cette œuvre, classique dans sa facture, est rédigée dans une langue littéraire intéressante pour mieux faire découvrir la langue anglaise. Elle est aussi caractérisée par son genre, le fantastique, susceptible de séduire des lecteurs adolescents. Dans les traductions qui ont été faites de Poe par de grands écrivains français, la langue est généralement plus difficile que dans le texte d'origine. Le choix de cette nouvelle s'avérait donc pertinent pour mener à bien une séquence didactique, offrant à des élèves aux niveaux très divers la possibilité de progresser dans leurs connaissances et dans leur écriture dans la langue de Shakespeare.
Structure de la séquence
Il s'est agi de réaliser en premier lieu un travail de déconstruction de la nouvelle en cherchant à repérer les éléments qui font évoluer l'histoire, notamment les transformations des sentiments du personnage principal, passant de l'amour à la haine, de la volonté de faire le bien à celle de faire le mal. Il fallait voir aussi comment le récit est articulé en différentes étapes repérables, et comment les champs lexicaux organisent le texte pour mieux le mener à son dénouement. L'objectif était de réinvestir en anglais des compétences d'analyse littéraire, déjà rencontrées en cours de français (notamment en cette année de préparation de l'épreuve anticipée du baccalauréat), mais aussi d'enrichir le vocabulaire. Dans le cadre de cet objectif, trois séances successives ont été consacrées à la compréhension orale de l'œuvre (par une audition de celle-ci), puis à sa compréhension écrite, suivie d'une correction des questions liées à celle-ci. Il s'agissait notamment de repérer des champs lexicaux liés aux couples amour / haine et bien / mal à travers les noms, les adjectifs et les verbes. Les élèves ont dû aussi identifier les compléments de temps et les connecteurs qui impliquaient des modifications ou des évolutions de la situation, ainsi que les adverbes. Un exercice d'écriture de "cadavres exquis", construit à partir de la 1re phrase de la nouvelle de Poe, a été réalisé (en écrivant au passé et à la 1re personne du singulier), et l'idée a germé (avec l'accord unanime et enthousiaste des élèves) d'écrire de courtes nouvelles, voire de les publier, si cela était possible.
Il s'agissait à la fois d'exercices apparentés au jeu surréaliste, liés au genre fantastique. Ce travail d'écriture a donc fait l'objet des trois séances suivantes, séances marquées par des navettes de correction et de réécriture, navettes riches d'enseignement pour les écrivains en herbe, qui devaient faire preuve d'une grande rigueur quant à un texte dont ils savaient qu'il ferait l'objet d'un regard public, voire critique. Il ne s'agissait plus d'écrire pour soi ou pour une enseignante bienveillante, mais aussi pour de possibles lecteurs exigeants. Les élèves ont enfin dû saisir leurs textes, avant une ultime correction et une mise en forme réalisée grâce à une étudiante en master d'édition. Leurs œuvres étaient, en effet, restées manuscrites jusque-là, certains d'entre eux étant très attachés à leur version manuscrite, trace de l'échange et de la réflexion... Selon eux, les textes imprimés présentent un côté aseptisé et la place manque souvent pour écrire des annotations ou faire des suggestions.
À quoi ressemble donc ce recueil ?
Dans ce lycée au profil "littéraire" caractérisé par la présence des quatre options artistiques, les élèves de cette classe étaient soit des "linguistes" (donc ayant une troisième langue), soit des "plasticiens" (ayant donc choisi l'option "lourde" d'arts plastiques). Ces derniers ont pu apporter leurs connaissances et leurs compétences afin d'illustrer au mieux les nouvelles composant le recueil, recueil dont le titre fut l'objet d'un travail collectif. De même, des photos ont été réalisées afin de créer la page de garde.
Cadre d'écriture
Les élèves, répartis dans des groupes de deux à trois élèves, ont dû écrire leur texte d'une longueur de six à sept cents mots en respectant des contraintes définies par l'enseignante, qui ne soient pas seulement celles du simple et pourtant difficile respect des règles grammaticales et orthographiques de la langue concernée. C'est ainsi qu'il leur a fallu notamment réutiliser cinq structures de liaison, cinq verbes, cinq noms et cinq adjectifs choisis par l'enseignante dans le texte de Poe. Ces outils de langage avaient fait l'objet d'une recension dans une fiche lexicale complétée lors de la lecture de la nouvelle. Ils devaient aussi insérer trois ou quatre rebondissements susceptibles de tenir le lecteur en haleine, afin d'être fidèles à l'esprit de l'œ uvre originelle. Dans ce cadre, beaucoup d'élèves, soucieux de ne pas en rester au seul vocabulaire nécessaire à la narration et aux obligations définies ci-dessus, ont découvert par eux-mêmes des tournures idiomatiques afin de donner à leur œ">
Et après ?
À la suite de cette séquence, lors du 3e trimestre, les élèves ont été invités (car il n'était nullement nécessaire de les inciter expressément) à lire de manière cursive deux œuvres intégrales de langue anglaise, de leur choix, d'une longueur libre, sans que cela donne lieu à autre chose qu'à des échanges menés en classe sur l'intérêt porté à ces textes. Les choix faits ont été, sans surprise, variés en genre, en thème et en longueur. Beaucoup de textes classiques ont été choisis ! Trois élèves ont d'ailleurs lu d'autres œuvres de Poe. La professeure-documentaliste a remarqué que les emprunts des romans anglais augmentaient au CDI. Les textes littéraires étant de moins en moins étudiés en cours d'anglais au profit de supports écrits plus informatifs, cette initiative a permis à ces élèves de (re)découvrir la littérature anglaise. En outre, dans les exercices de type bac (réalisés en fin de classe de première et en classe de terminale), les élèves qui ont eu la chance de vivre cette expérience ont fait preuve d'une expression écrite plus riche que leurs camarades, notamment dans le cadre de la rédaction d'une suite, exercice récurrent à l'écrit du baccalauréat.
Ce projet fédérateur d'écriture littéraire a donc permis de redonner confiance aux élèves dans leurs compétences et de les rassurer quant à la possibilité de lire des textes anglais et d'écrire dans cette langue.