- tous niveaux
- préparation pédagogique
- connaissances
- enseignant
- classe
l'espace scénique et ses composants
Les illustrations jointes à ce texte sont des hypothèses personnelles. L'iconographie existante étant extrêmement réduite, aucun document consulté ne permet d'affirmer leur fidélité historique.
Le développement de l'opéra entre le XVIe et le milieu du XVIIIe siècle a eu des répercutions majeures sur nos salles de spectacle modernes et par conséquent sur la scénographie contemporaine.
la grèce antique
l'époque médiévale
En cherchant à éduquer le peuple, l'Eglise réinvente les représentations théâtrales : afin de rendre les Saintes Ecritures plus accessibles, elle les met en scène. Ces représentations, après avoir eu lieu au sein même des églises pendant le sermon du prêtre, se déplacent sur leur parvis, puis rejoignent les lieux publics. Ainsi entre le Xe et XVIe siècle, on donne des Mystères et des Miracles sur les places des villes. Il n'existe pas de principe scénographique « type » et chaque représentation donne lieu à un dispositif scénique singulier, adapté à son cas particulier. Seule la configuration de la place prédispose à la plantation du décor. On construit plusieurs estrades sur lesquelles on implante, par ordre chronologique, les différents décors des différentes scènes (illustration n°4). Ces décors peuvent être, soit une maison réelle de la place, à laquelle on adjoint des accessoires pour suggérer les lieux que l'on cherche à représenter ; soit des éléments de décor construits, en bois et en stuc, pour l'occasion, que l'on appelle mansions et qui seront détruits à l'issue de la représentation. Classiquement, on retrouve dans ces représentations les Enfers d'un côté, le Purgatoire au centre et le Paradis à l'autre extrémité entre lesquels d'autres décors s'intercalent.
Parallèlement à ces spectacles religieux, on organise également de grandes fêtes populaires à l'occasion d'une naissance, d'un mariage important ou de la visite de quelque personnalité. Toute la ville participe à ces réjouissances. Les figurants sont nombreux, les costumes somptueux, il y a des chants, de la danse, de la musique, des apparitions aériennes, des vols -des comédiens en costume d'anges survolent la foule grâce au même principe que le deus ex machina grec, on construit des décors que l'on peint en imitant la réalité et que l'on manipule à l'aide de la machinerie *1, on installe des mannequins à taille humaine dans les endroits les plus improbables, toujours plus haut.
Tous ces spectacles sont assez semblables en France, en Italie ou en Angleterre. Leurs composantes sont à l'origine du ballet et de l'opéra.
la renaissance et les humanistes italiens
L'opéra est une forme musicale qui naît à la fin de la Renaissance italienne. Elle est le fruit des recherches du mouvement musical et culturel appelé la Camerata fiorentina qui, de manière lapidaire, cherche à retrouver les origines grecques de la musique.
Naturellement pour représenter des tragédies issues du monde Antique : les premiers opéras donc, les architectes humanistes italiens ont l'idée de construire des théâtres, eux aussi, à l'Antique.
Dans les trois portes du lointain, Palladio construit un système de cinq impasses, disposées en éventail, qu'il décore suivant la technique de la perspective accélérée. Pour compléter l'effet, au-delà du mur du lointain, le sol est en forte pente. Ce dispositif donne l'impression au public de cinq rues se prolongeant pour disparaître au loin. Il est impossible de jouer très profondément dans ces rues sans dénoncer la perspective, mais les premières maisons sont praticables, aussi le jeu se concentre t-il sur l'estrade et dans l'embrasure de chacune des portes ou à peine derrière.
Cette recherche d'un plus grand réalisme s'accompagne de la nécessité de dissimuler les interprètes lorsqu'ils ne jouent pas car jusqu'à présent, une fois leur rôle terminé, les comédiens continuaient de se tenir à la vue du public.
On donne l'Andromeda de Benedetto Ferrari, qui va avoir de nombreuses conséquences, non plus sur la scène, mais dans la salle de spectacle. L'opéra, en devenant payant, cesse d'être le divertissement d'une cour peu nombreuse, pour devenir celui des bourgeois et des classes moyennes qui peuvent désormais s'acheter une place.
Ce nouveau public est amateur de grand spectacle et désireux de se montrer.
En effet, jusqu'au XIXe siècle, on ne baisse pas le rideau entre les actes et les changements de décor se font à la vue du public, qui vient à l'opéra en partie pour ce moment. Au coup de sifflet du chef machiniste, tout le lieu entre en mouvement et, dans de nombreux craquements de la charpente, le décor du premier acte laisse place à celui du second. C'est un moment qui impressionne toujours beaucoup le public, pourtant le système en est très simple. Les châssis de décor *2 du premier acte sont montés sur des chariots, eux-mêmes guidés dans des rails - appelés costières : simples espaces vides dans le plancher-. Les châssis de décor de l'acte II sont également sur des chariots, dans un rail, dix centimètres derrière le premier, ils patientent en coulisses. Lors du changement de décor, on sort les châssis de l'acte I pendant que l'on rentre les châssis de l'acte II. Ce procédé a une conséquence majeure : pour que l'ensemble fonctionne, les châssis de décor doivent tous être parallèles les uns aux autres.
Fréquemment des apparitions célestes concluent les spectacles. Leurs interprètes sont installés dans des nacelles qui attendent dans les cintres et sont descendues au moment opportun, parfois dans des trajectoires très sophistiquées. Cela a une lourde conséquence sur le décor. Jusqu'ici on représentait les toits des maisons sur les châssis de décor et le ciel les surplombant sur une toile peinte tendue horizontalement, voir directement sur le plafond de la scène. Or, la nécessité de laisser descendre les nacelles des cintres oblige à abandonner les toiles de ciel au profit de plusieurs bandes verticales successives : les frises. Leur fonction première est de cacher les nacelles en attente et l'équipement des cintres.
Les apparitions des dieux des Enfers ou des dieux maritimes, quant à elles, se font par les dessous *3 et ont comme conséquence la création de trappes escamotables dans chaque rue.
Tous ces éléments constituent les salles de théâtre à l'italienne dans lesquelles on joue encore de nos jours.
Parallèlement à l'évolution de la machinerie, les architectes font progresser leur technique et réussissent à constamment améliorer l'acoustique de leurs salles. Cela influence l'opéra lui-même permettant à l'orchestre de s'étoffer et aux interventions du chœur de se multiplier, les voix sont alors dans l'obligation d'acquérir plus de puissance.
Ces changements reçoivent un vif succès auprès du public et le décor acquière une importance inédite. Finalement les troupes de théâtre s'installent elles aussi dans ces salles de représentation et commencent à s'en approprier la machinerie. Jusqu'ici le décor de la Tragédie littéraire était rudimentaire et le public assistait à ces représentations surtout pour entendre un texte, tandis qu'il allait voir des Tragédies lyriques, pour assister à un grand divertissement avec costumes et décors somptueux.
une scénographie contemporaine ?
L'électricité donne à la lumière une malléabilité qui est fatale au décor en deux dimensions. Avant celle-ci, on demandait surtout à la lumière d'éclairer les interprètes et de laisser la toile du lointain dans une pénombre uniforme, car les décorateurs peignaient également la lumière et les ombres sur leur toile afin de mettre leur dessin en valeur. Avec l'arrivée de l'électricité dans les théâtres, les plateaux sont davantage éclairés et les ombres des interprètes, qui jouent maintenant très près du décor peint, s'opposent de plus en plus souvent à celles des toiles. La solution est alors de construire en volume ce qu'on peignait auparavant (illustration n°9).
*2 Châssis de décor : toile peinte décorative tendue sur un cadre en bois.
*3 Dessous : partie de la cage de scène qui se trouve au-dessous du plateau.
*4 Châssis géométraux : châssis implantés perpendiculairement de l'axe longitudinal du plateau, soit face au public.
*5 Didascalies : notes de l'auteur à l'intérieur de son œuvre, à l'attention de l'équipe artistique donnant des indications de mise en scène et/ou de jeu