- Terminale L
- étude de cas
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l'architecture des musées au XXème siècle - pistes pédagogiques
Corps et architecture
Architecture et espace politique
L'expérience concrète de l'espace social et politique que nous livre l'histoire nous apprend en effet que l'architecture peut ouvrir cet espace à la pluralité des rapports interhumains comme le dissoudre dans l'unité d'un corps social homogène, contraignant ou rejetant l'individu désincorporé socialement. Si l'architecte moderne du Bauhaus a pour ambition de libérer les corps et les esprits, d'ouvrir la cité au pluriel de l'espace politique, c'est celui-là même qui, à la même époque, se trouve nié par l'architecture monumentale des régimes totalitaires. Agrégé au « tout en un » de la masse dont la plastique sert l'expression du pouvoir, le corps individué n'y a pas lieu d'être.
A l'opposé de cet assujettissement, l'exemple de la villa nous présente une architecture toute consacrée à l'individu et par là se prêtant de manière protéiforme à consacrer sa singularité. Individu dont le corps fait encore, si l'on peut dire, l'objet d'un soin - ou d'un sort - particulier dans tous les bâtiments publics abritant des collectivités : l'école, l'hôpital, la caserne, la prison. Les plans dérivés du dispositif panoptique de Bentham analysés par Michel Foucault dans Surveiller et punir nous renseignent sur la qualité d'attention au corps du détenu promise par l'architecture carcérale.
En matière d'introduction et avant d'aborder la question du musée en tant qu'édifice public de conservation et d'exposition, il serait utile de revenir sur ces exemples qui relient l'architecture à une histoire politique des corps. Engager auprès des élèves une réflexion sur la place que réserve l'architecture de leur établissement au corps symbolique de la communauté scolaire et au corps physique individué de ses usagers pourrait en être le fil conducteur.
Le musée
Comme l'Ecole républicaine, le musée est l'héritier de la Révolution française. Il est le contrepoint de son iconoclastie. Conçu d'abord à l'image d'un temple dédié au culte laïque de la beauté, il a collecté, conservé, exposé des objets en un lieu clos qui les a coupés de ce qui les reliait aux pratiques sociales et religieuses locales, héritières ou non de l'ancien régime, pour en faire les maillons d'une histoire universelle susceptible « d'illustrer la République ». Lieu de transmission opérant symboliquement le passage de l'ordre ancien à l'ordre nouveau, il a proposé ou imposé une redistribution des valeurs artistiques et scientifiques, les accordant aux fins apologétiques, édifiantes ou instructives qui lui étaient dévolues.
L'objet de musée
Sa conception a bien sûr évolué. Aujourd'hui, l'objet de musée, s'il est toujours un objet de vénération - et pour certains de délectation - est avant tout un objet de savoir qui réfère à différents champ conceptuels : historique, artistique, esthétique, scientifique, etc. Même si cet objet est de plus en plus affiché comme un signe identitaire pour tel pays, telle région, telle ville, tel musée, c'est encore un enjeu cognitif auprès des publics qui motive son exposition. Les musées s'y attachent selon des modèles opératoires de formes diversifiées mais qui de fait, sur le fond, reviennent occuper l'intervalle d'une même oscillation.
Ainsi, pour schématiser, la muséographie contemporaine a-t-elle pour alternative soit un régime de singularisation de l'objet dans un espace d'exposition neutre, rendu transparent ou invisible, le musée s'effaçant devant son objet, soit le recours à des « installations », des scénographies qui solidarisent les objets exposés dans l'unité d'un « décorum » sensé leur procurer une nouvelle authenticité, une « aura » inattendue. Dans cette logique, le musée lui-même peut s'affirmer comme un objet d'exposition, rivalisant avec son contenu.
Sur ce dernier point, on pourra amorcer une discussion nourrie de quelques exemples en prenant appui sur une déclaration de l'architecte japonais Yoshio Taniguchi, auquel revient l'extension du MoMA de New York. Ce dernier aurait averti ses commanditaires « qu'avec suffisamment de moyens il leur offrirait de la grande architecture et qu'avec un budget plus généreux encore, il ferait disparaître l'architecture »[1].
[1] Propos rapportés par Raul A. BARRENECHE , Nouveaux Musées, Paris, éd. Phaidon, 2005.
La place du visiteur
Rendre vivante l'Histoire ?
Le musée en symbiose avec son objet
C'est l'Historial de la Grande Guerre qui illustre cette entrée, ce musée résultant d'une réflexion sur la forme architecturale en tant que vectrice d'une incarnation sensible de l'histoire susceptible de restituer toute l'émotion suscité par la tragédie absurde de la Grande Guerre.
L'accent pourra être mis sur l'idée générale qui a présidé au projet de Ciriani et qu'il formule en ces termes : « Pas d'autre solution que d'avoir recours à l'essence même de cette discipline, à savoir sa relation avec la gravité physique. »
Ce qui se concrétise dans une architecture suspendue, en suspens dans l'équilibre de sa statique, qui ouvre son espace aux temps de l'histoire, établissant une symbiose entre le cadre d'exposition, l'objet d'exposition et le site. Le musée est l'Historial. Il n'offre pas le spectacle d'une reconstitution. La Grande guerre n'est pas un objet embaumé du passé. La formule architecturale est au contraire performative : le visiteur est situé dans un espace qui lui donne à penser l'Histoire. L'objet du musée n'est autre que le savoir historique. Les élèves pourront être invités à mettre en résonance ce geste architectural avec une autre partie du programme limitatif qui concerne la sculpture commémorative.
Construire dans le construit ?
Le musée transparent
Le musée n'est pas l'écrin d'une collection, il est conçu d'emblée pour accueillir du divers. A l'instar du conservateur c'est aussi au visiteur de tisser les liens entre les différents objets. Boîte à lumière, ce musée est un bon exemple de musée qui tend vers la transparence au sens propre comme au sens figuré. A cet égard les différents dispositifs de formulation de l'espace qui se sont succédés au musée national d'art moderne du Centre Pompidou pourront faire l'objet de quelques commentaires.
La verticale de La Joconde
Rassembler et exposer dans un bâtiment paysage ?
Paysage et visage
Cet hommage à la pensée créatrice de Paul Klee qui imprègne la conception architecturale du musée pourra faire l'objet d'un approfondissement.
Approcher le lointain ?
Un parangon de l'architecture spécifique
Architecture spécifique et non architecture générique, le musée est à lui seul un manifeste pour une conception architecturale qui, par son attention au site et à l'usage, ne peut jamais se satisfaire de solutions toutes faites. Si étranges qu'ils puissent paraître, les partis pris formels qui en résultent sont tous ordonnés par ces exigences. Les élèves seront invités à en relever la pertinence.